Conciliation retraite-famille

1 juin 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les clients qui prévoyaient réduire leur train de vie à la retraite sont parfois désagréablement surpris, surtout s’ils ont à leur charge enfants et parents.

Selon ­Statistique ­Canada, en 2012, quelque 5,4 millions de ­Canadiens prenaient soin d’un aîné, proche parent ou ami. Et près du tiers (29 %) des aidants naturels vivant avec une personne âgée à leur charge ont affirmé que cette responsabilité était une source de tension avec les autres membres de la famille.

Par ailleurs, les jeunes ­Canadiens sont davantage nombreux à quitter le nid familial de plus en plus tard. Selon ­Statistique ­Canada, en 2016, plus d’une personne âgée de 20 à 34 ans sur trois (35 %) vivait avec au moins un de ses parents. Cette proportion est en hausse depuis 2001.

SOUS UN MÊME TOIT

Le fait de vivre plus longtemps avec leurs enfants oblige certains jeunes retraités à repousser la vente de la maison familiale. « ­Il n’est pas rare qu’un client attende la trentaine de ses enfants avant de diminuer son train de vie », confirme ­Monique ­Madan, directrice de ­Monique ­Madan ­Consulting à ­Toronto. Ce faisant, il ne peut pas utiliser la valeur nette de sa propriété pour en acheter une autre, plus petite, qui lui coûterait moins cher en taxes foncières et en entretien.

« ­Vivre sous le même toit que ses enfants adultes implique parfois des rénovations, fait remarquer ­Todd ­Sigurdson, directeur de la planification fiscale et successorale au ­Groupe ­Investors, à ­Winnipeg. Et certains clients vont même jusqu’à acheter une maison plus grande. »

Il ajoute que les parents ­sous-estiment aussi tous les frais qu’ils engagent pour soutenir leurs enfants aux études, comme le transport et l’épicerie, allant parfois jusqu’à vivre ­au-dessus de leurs moyens.

De son côté, ­Mme ­Madan recalcule constamment le budget maximal réaliste de ses clients en fonction de l’évolution des circonstances et du marché. L’exercice leur permet de déterminer « le niveau de vie le plus élevé qu’ils peuvent se permettre s’ils veulent disposer de fonds suffisants jusqu’à 90 ans », moment où, en général, ils peuvent compter sur la valeur nette de leur maison.

Ce calcul repose en partie sur une réduction du train de vie. Or, en restant à la maison plus longtemps, les enfants retardent cette étape et c’est à ­Monique ­Madan qu’il revient de proposer des solutions à ses clients, ce qui signifie parfois demander à la progéniture de faire sa part.

Même si les parents ont les moyens de subvenir aux besoins de leurs enfants, la conseillère leur recommande de les faire participer aux dépenses du ménage, quitte à leur rendre l’argent lorsqu’ils achèteront leur première maison. Pour elle, c’est une bonne façon de leur apprendre que l’argent ne pousse pas dans les arbres.

Outre le coût élevé du logement en milieu urbain, les bas salaires offerts à ceux qui entrent sur le marché du travail expliquent en partie que les jeunes tardent à quitter le domicile familial. Même si un diplôme d’études de deuxième ou de troisième cycle est souvent la clé d’un emploi payant, ­Mme ­Madan recommande à ses clients de prioriser leur retraite après le baccalauréat de leurs enfants, lesquels ont accès à plusieurs sources de financement.

« Prendre soin d’un parent âgé peut être exigeant sur le plan des émotions, mais aussi financier, lorsque l’aidant voit ses dépenses grimper en flèche parce que l’aîné dont il s’occupe n’a pas bien planifié son avenir. »

– Pamela ­Johnston

Plus du quart des aidants naturels vivant avec un aîné dépensent au moins 2 000 $ par année pour en prendre soin.

Source : ­Statistique Canada

LE FARDEAU FINANCIER DES AIDANTS NATURELS

Prendre soin d’un parent âgé peut être exigeant sur le plan des émotions, mais aussi financier, lorsque l’aidant voit ses dépenses grimper en flèche parce que l’aîné dont il s’occupe n’a pas bien planifié son avenir. C’est ce qui se passe, par exemple, quand la personne âgée n’a souscrit aucune assurance longue durée ou maladie grave. Dans ce cas, il est trop tard, selon ­Pamela ­Johnston, conseillère en placement et gestionnaire de portefeuille à ­Echelon ­Wealth ­Partners à ­Toronto.

Dans sa pratique, ­Monique ­Madan rencontre beaucoup d’épargnants qui souhaitent rester dans leur demeure le plus longtemps possible. « ­Mes clients savent qu’à 90 ans, ils réhypothéqueront fort probablement leur maison pour se payer des soins privés ou devront la vendre et s’installer dans une maison de retraite pour personnes en perte d’autonomie. »

Mme ­Johnston estime que les aînés qui choisissent de rester dans leur maison devraient planifier soigneusement toutes leurs dépenses, de la rénovation aux soins à domicile, s’ils veulent éviter d’en refiler la facture à la génération suivante.

Todd ­Sigurdson fait remarquer que la part du budget d’un aîné réservée aux soins de santé devrait croître au même rythme que son âge. Seul avantage (financièrement parlant, évidemment) pour l’aidant naturel : la diminution des dépenses discrétionnaires à mesure qu’il consacre ses temps libres à s’occuper de son parent âgé.

Cela dit, il précise que « le client ne doit pas non plus se serrer la ceinture à outrance. Ce sont des circonstances très stressantes pour tout le monde. Il est primordial que chacun se réserve du temps pour ses propres activités », même s’il faut engager des dépenses pour obtenir des soins.

Il arrive que ­Mme ­Madan intègre ces dépenses dans les sorties de fonds des clients, car elles pèsent lourd sur leur budget. « ­Parfois, je dois les amener à regarder la réalité en face. »

Les clients lui demandent souvent de calculer combien de temps ils peuvent payer à leurs parents des soins privés ou du soutien à domicile plus coûteux. Ils comptent offrir ce qu’il y a de mieux à leurs proches tandis qu’ils sont encore assez lucides pour en profiter, puis se contenter de soins plus abordables lorsqu’ils n’auront plus conscience de leur environnement. « C’est une décision intime et difficile à prendre qu’il faut aborder avec doigté », ­conclut-elle.


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2018 de Conseiller.