Internet n’oublie rien… ­servez-vous-en!

Par Eric F. Gosselin | 4 Décembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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J’aime être bien préparé avant chaque rencontre. Qu’elle soit avec des collègues, des fournisseurs, des collaborateurs ou des clients, plus l’organisation est minutieuse, meilleurs seront les résultats.

Lorsqu’un nouveau prospect nous est recommandé, la préparation pour la conversation téléphonique que nous aurons avec lui, que plusieurs appellent « qualification du client », ne se limite généralement qu’à obtenir son nom et son numéro de téléphone. Après cet appel, je vais cependant beaucoup plus loin. Internet n’oublie pas beaucoup de choses et regorge d’informations personnelles qui peuvent aider le conseiller à se constituer un dossier.

Prenons un cas vécu, dont j’ai modifié les informations pour en préserver la confidentialité. Un de mes clients me recommande sa fille, qui est consultante en marketing et qui a besoin de mes services. Je lui téléphone et elle se décrit un peu : elle habite à Boucherville avec son conjoint et leurs enfants.

Elle veut des conseils en vue de sa retraite et faire le tour de leur situation financière, qu’ils ont négligée depuis quelque temps, un classique. Après une courte discussion, nous prenons rendez-vous à mon bureau. Dès que l’appel se termine, je commence à me préparer à notre première rencontre.

Élémentaire, mon cher Watson

À moins que le client ait un nom très commun, il sera facile d’aller glaner çà et là de l’information à son sujet. Je recherche d’abord son nom sur Google pour voir les résultats. Ces derniers m’informent sur les apparitions médiatiques de la cliente, l’existence d’un compte LinkedIn ou Facebook et donnent accès, le cas échéant, à des publications qu’elle peut avoir produites. J’ai déjà trouvé le mémoire de maîtrise d’un client et j’en ai lu un bout pour comprendre un peu d’où il vient, quels sont ses intérêts, etc.

Je vais voir le profil LinkedIn de la cliente et j’ai maintenant sa photo, ce qui me permettra plus tard de la retrouver sur Facebook. Le réseau social me donne également un aperçu de son parcours scolaire et professionnel, et j’en profite pour faire une demande de contact. Je vise ici deux objectifs : que la cliente perçoive mon intérêt pour elle, et qu’elle consulte mon curriculum vitæ en ligne pour qu’elle garde la rencontre à venir à l’esprit.

Si ses paramètres de confidentialité sur Facebook sont faibles, j’ai pratiquement accès à tout ce qu’elle y expose : ses intérêts, le nom de son conjoint, son opinion politique et j’en passe. Dans le cas présenté, seule l’information minimale est affichée : quelques photos, les pages qu’elle suit, ses livres et films favoris.

Je recherche alors son nom sur le registre des entreprises du Québec. J’obtiens l’appellation de son entreprise, son adresse ainsi que l’adresse personnelle du propriétaire. En entrant l’adresse sur Canada411, j’obtiens son numéro de téléphone résidentiel. Une petite visite virtuelle de l’extérieur de sa demeure avec Google Street View permet d’avoir une idée de son environnement, de voir comment c’est entretenu, etc.

Les prochaines étapes consistent à examiner le site web de son entreprise pour en connaître plus et consulter en ligne le rôle d’évaluation foncière de la ville où se trouve sa résidence personnelle.

Cette étape me donne deux informations intéressantes. Premièrement, j’obtiens le nom du copropriétaire, son conjoint, et la valeur de la résidence, 658 000 $. Je refais les recherches précédentes, mais cette fois, sur le conjoint. Il y a toujours un des deux dont le profil Facebook n’est pas suffisamment protégé…

Finalement, étant donné qu’un de mes passe-temps est la généalogie, je trouve sur le site de recherche généalogique en ligne BMS2000 d’autres informations, comme son lieu de naissance. Ça tombe bien, je suis né dans ce coin-là moi aussi, nous allons pouvoir parler de cette région et « connecter » en entrevue.

Espion en herbe

Vous voyez tout ce qu’il est possible de glaner sur le web. Ça fait peur, n’est-ce pas? Pourtant, je n’ai utilisé aucun outil professionnel tels que ceux dont se servent les notaires ou les courtiers immobiliers.

Ce qui est accessible au grand public peut donner, comme je viens de le présenter, une foule d’informations personnelles qui peut permettre au conseiller techno de « qualifier » le client, de se constituer un bon dossier de départ, de comprendre un peu la personne avec qui il se réunira et d’être mieux préparé que plusieurs pour une première rencontre.

Ceci permet au conseiller de conduire une entrevue efficace et avec assurance. Évidemment, il faut agir avec doigté et ne pas afficher d’emblée tout ce que l’on sait. Cela pourrait effaroucher le client, qui pourrait avoir peur du conseiller, alors que ce dernier ne voulait qu’être efficace dans son travail. L’objectif demeure de s’informer sur son client, pas d’étaler tout ce qu’on a réussi à trouver sur lui.

Par exemple, au lieu de lui signaler que l’on connaît la valeur de sa maison, on peut lui demander : « Les maisons de ce quartier de Boucherville se vendent environ 675 000 $, n’est-ce pas? » Et le client vous détrompera en précisant que sa demeure vaut plutôt 658 000 $.

Si vous trouvez toutes ces informations sur un client, n’oubliez pas que l’inverse est aussi vrai. Assurez-vous donc que les données en ligne à votre sujet jouent en votre faveur…

Eric F. Gosselin, Adm.A., est planificateur financier, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective rattaché aux Services en placements PEAK.


• Ce texte est paru dans l’édition de novembre-décembre 2019 de Conseiller. Vous pouvez consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Eric F. Gosselin