Les courtiers hypothécaires débarquent à l’AMF

Par Hugo Neveu | 1 septembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Yevhenii Dorofieiev / 123RF

Les courtiers hypothécaires seront régis par l’Autorité des marchés financiers (AMF) dès mai 2020, résultat de l’adoption de la loi 141 l’an dernier. Après avoir été encadrés par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), ils reviendront donc au bercail.

Je me souviens comme si c’était hier de l’année 2009. J’avais alors en poche mon permis d’assurance de personnes ainsi que celui de représentant en épargne collective. Je devais faire vite pour obtenir mon permis de courtier hypothécaire auprès de l’AMF avant le transfert imminent vers l’OACIQ.

Je me suis donc retrouvé avec trois permis, deux assurances responsabilité (parce que supervisé par deux autorités différentes) et beaucoup de services à offrir à mes clients. C’était mon but ultime : être un guichet unique en services financiers. Je vivais le rêve!

Quelques années plus tard, après avoir décidé de me départir de la majorité de mes activités en assurance de personnes et épargne collective, je me concentre aujourd’hui sur le prêt hypothécaire et travaille principalement sous la surveillance de l’OACIQ.

La complexification des processus, normes, pratiques, lois et règlements m’ont poussé à me spécialiser, car le prêt hypothécaire n’est plus du tout ce qu’il était. Effectuer une telle transaction est devenu très complexe en matière réglementaire et l’encadrement de la conformité devient de plus en plus présent, comme en assurance de personnes.

Acquérir les connaissances requises pour maintenir une qualité de service à la hauteur de mes standards dans plusieurs spécialités est devenu trop lourd. J’ai ainsi préféré me concentrer sur un seul secteur, celui-ci géré par l’OACIQ… mais plus pour très longtemps.

Retour vers le futur

Nous retournons donc à l’AMF en mai 2020. Maman, je reviens à la maison!

Ce changement ne vient pas seul. Les partenariats entre les banques, les courtiers immobiliers, les constructeurs et les conseillers en services financiers devraient s’en ressentir. Le fait que ces ententes rémunérées ne soient pas divulguées et les conflits d’intérêts qu’elles engendrent vont prendre la direction de la poubelle. Et c’est une excellente nouvelle!

En ce moment, les banques paient les courtiers immobiliers et constructeurs pour les clients qu’ils leur recommandent en fonction du montant de l’hypothèque déboursée. Cette pratique est appelée à être modifiée.

Seuls les détenteurs du permis de courtier hypothécaire pourront partager leurs commissions avec divers intervenants spécifiques. Jusqu’à présent, les conseillers en services financiers et courtiers immobiliers font toujours partie de la liste des inscrits autorisés au partage de rétribution.

Le courtier hypothécaire sera donc reconnu à sa juste valeur de professionnel en services financiers.

Son rôle d’éducateur prendra tout son sens avec cette réforme, le positionnant au centre des transactions.

Selon l’AMF, les recommandations faites aux banques ne pourront être rémunérées qu’à hauteur d’un montant fixe et symbolique sans incidence sur la conclusion ou non du prêt.

« Le courtier immobilier qui n’est pas titulaire d’un certificat de courtier hypothécaire pourra néanmoins continuer de [recommander] des clients directement à des prêteurs hypothécaires et être rémunéré par eux si cette rémunération ne dépend pas de la conclusion d’un prêt », indique-t-elle sur son site web1.

Qu’adviendra-t-il donc des conseillers en services financiers qui reçoivent des commissions des banques? Les articles 11.1 et 11.2 de la LDPSF prévoient qu’à partir du 1er mai 2020, « seul le titulaire d’un certificat dans la discipline du courtage hypothécaire et les personnes qui bénéficient d’une exception pourront se livrer à une opération de courtage relative à un prêt garanti par hypothèque immobilière pour autrui et contre rémunération en fonction de la conclusion d’un tel prêt ».

Plusieurs détenteurs de permis en immobilier de même qu’en services financiers pourraient ainsi être tentés de suivre la formation nécessaire à l’obtention de leur permis en courtage hypothécaire afin de pouvoir demeurer multidisciplinaires et conserver leurs commissions.

Et l’apprentissage?

Parlant de formation, qu’adviendra-t-il de celle-ci? L’AMF a mis en place un curriculum de compétences concernant la discipline hypothécaire et elle va développer des manuels de formation, mais elle ne s’occupera pas de la dispenser, comme c’est le cas pour l’assurance de personnes.

L’AMF sera responsable des examens. Nous sommes chanceux, car elle l’a déjà fait pour l’ensemble des provinces canadiennes en assurance de personnes. Elle a donc une expertise en la matière. Il y a ainsi fort à parier que la qualité de la formation des courtiers hypothécaires sera rehaussée. L’OACIQ, qui supervise principalement les courtiers immobiliers, offre actuellement peu de cours directement en lien avec l’hypothèque.

De grandes questions demeurent : comment l’industrie fera-t-elle pour accueillir autant de nouveaux courtiers hypothécaires en même temps? Comment arrivera-t-on à les former et les encadrer?

Comment parviendra-t-on à les rendre compétents et autonomes rapidement? Une période transitoire est assurément à envisager et le portrait financier risque de changer.

Cette situation sera à suivre de près au cours des prochains mois. Au moment de mettre sous presse, les détails de l’encadrement des courtiers hypothécaires devaient être dévoilés par l’AMF lors de consultations publiques à l’automne 2019.

Hugo Neveu est courtier hypothécaire agréé à Planiprêt et directeur au développement hypothécaire pour AFL Groupe Financier.


1 Autorité des marchés financiers, Les courtiers immobiliers et le référencement en matière de courtage hypothécaire, bit.ly/2YGzFdr


• Ce texte est paru dans l’édition de septembre 2019 de Conseiller. Vous pouvez consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

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