Rente ou valeur de transfert : 7 critères de décision

Par Charles-Antoine Gohier | 12 février 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
Photo : Aleksandr Kalugin / 123RF

Votre client change d’employeur pour de meilleures conditions ou, pire, il perd son travail lors de mises à pied.

S’il participait à un régime de pension agréé (RPA) à prestations déterminées, qui prévoit le versement d’une rente de retraite dont le montant est fixé à l’avance, il pourrait avoir à choisir, dans certaines situations, entre conserver une rente ou opter pour une valeur de transfert de la rente. À titre de conseiller, vous avez l’obligation de l’aider à prendre une décision éclairée.

Habituellement, la valeur de transfert équivaut mathématiquement à la valeur de la rente offerte par le régime. Il s’agit donc d’un principe de neutralité. En prenant conscience de ce principe, je vous suggère de suivre les deux étapes suivantes afin de bien accompagner votre client (c’est lui qui fera le choix final et pas vous!).

La première étape se veut quantitative. Elle consiste à effectuer une projection de retraite en considérant la situation actuelle du client et de son conjoint (si le couple fait équipe financière). Un tel exercice permettra à l’épargnant de se projeter dans l’avenir en fonction du choix à effectuer.

La deuxième étape se veut qualitative. Elle permet au client de prendre en compte des critères de décision relatifs à ses caractéristiques personnelles, sans tenir compte des calculs mathématiques. Cette étape vous permet de lui expliquer les deux côtés de la médaille. Ces critères sont :

1. Revenus et actifs totaux

Si le client a besoin de l’ensemble de ses revenus pour assumer son coût de vie à la retraite, la rente est à privilégier. À l’inverse, si la rente ne compte que pour une petite partie des sources de revenus à la retraite, la valeur de transfert peut être envisagée. Dans le cas où les dépenses du client seraient modestes compte tenu de ses actifs, le choix de la valeur de transfert serait moins inquiétant, car un coussin est disponible pour atténuer les répercussions de rendements décevants.

2. Profil d’investisseur

La rente garantit la tranquillité d’esprit. Elle s’adresse au client avec les caractéristiques suivantes : un profil d’investisseur prudent, qui a peu de connaissances en placement et qui s’inquiète de la volatilité des marchés boursiers.

Le choix de la valeur de transfert pourrait être intéressant pour le client qui a atteint une indépendance financière et qui a une tolérance au risque élevée (présentant un profil croissance ou investi en actions). Il pourrait obtenir un rendement potentiellement plus grand en investissant cette somme dans un portefeuille de placement.

3. Survie

L’espérance de vie est une autre considération dont il faut tenir compte. Si le client est en bonne santé ou s’il veut protéger le conjoint, la rente est à privilégier.

Si le client a une espérance de vie réduite ou une santé précaire, s’il veut protéger ses enfants majeurs ou s’il n’a pas de conjoint, le décès prématuré avantage la valeur de transfert. En effet, si certaines sommes d’une rente sont parfois récupérables, il est possible que les héritiers autres que le conjoint ne reçoivent pas de prestations au décès du bénéficiaire.

4. Souplesse

Si le client a tendance à dépenser chaque dollar dans ses poches sans budgéter, la rente le protégera contre ­lui-même. Cependant, ce choix élimine toute flexibilité.

S’il a besoin de souplesse dans ses revenus pour subvenir à des dépenses irrégulières, la valeur de transfert devient intéressante. Le ­RPA devra être versé dans un compte de retraite immobilisé (CRI). Si le client a besoin de retirer des sommes, le ­CRI sera converti en fonds de revenu viager, avec des seuils de retrait minimums et maximums à respecter. Il faut donc évidemment s’assurer que cette contrainte n’est pas un problème avant de procéder au transfert.

5. Répercussions fiscales

Si opter pour la valeur de transfert représente une facture fiscale importante, la rente est à privilégier. Cette dernière permet de fractionner jusqu’à 50 % du revenu de pension à partir de l’âge de 65 ans (avant 65 ans au fédéral).

La valeur de transfert peut, quant à elle, servir à optimiser les retraits en fonction des taux d’imposition et de la récupération des prestations de la ­Sécurité de la vieillesse, ainsi qu’à reporter le moment du décaissement afin de réduire les impôts à payer.

6. Avantages sociaux et particularités liés à la rente

Si le fait de choisir la rente permet au client de conserver certains avantages sociaux ou tout simplement de profiter de bonifications au régime sur une base ad hoc, elle est à privilégier.

7. Situation financière du régime

Si le régime est solvable et que la rente est bonifiée, les bénéficiaires en sont les prestataires du régime, alors que les participants qui ont opté pour un transfert dans le passé ne reçoivent rien.

Dans le cas d’un ­RPA déficitaire, la valeur de transfert ne sera acquittée qu’en proportion du taux de solvabilité, à moins que le texte du régime le prévoie différemment.

Après avoir effectué une bonne projection de retraite et avoir discuté de ces sept principaux éléments avec votre client, ­celui-ci sera en mesure de prendre une décision éclairée.


Charles-Antoine Gohier, ­­Pl. Fin., ­MBA, est chef de pratique, planification financière, ­Groupe ­Solutions ­Gestion de patrimoine à la ­Financière ­Banque ­Nationale.

Charles-Antoine Gohier