Retraite et dette peuvent-elles coexister?

Par Mathieu Guilbault | 21 avril 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : sorbetto / istockphoto

Une dette, une plaie et le feu ne doivent pas s’éterniser. – Proverbe indien

Dans un monde idéal, nous préférons que nos clients arrivent à la retraite sans dette, afin que leurs revenus ne servent seulement qu’à couvrir leurs besoins, et non à rembourser des sommes dues. Il est important de mettre en place une bonne planification financière avec nos clients et d’offrir un encadrement proactif et global qui s’adaptera à chaque situation. Dans un plan financier, la gestion de la dette est tout aussi importante que celle des actifs.

Il est généralement suggéré d’avoir un maximum de 25 % de son avoir net immobilisé dans sa résidence principale à l’approche de la retraite. Lorsque celle-ci débute, votre client aura besoin de tous ses revenus pour soutenir son mode de vie. Une maison apporte certes une belle qualité de vie, mais aucun revenu permettant de payer l’épicerie.

Que devrions-nous suggérer à nos clients qui détiennent 50 %, voire 75 % de leur avoir net immobilisé dans leur résidence? Idéalement, il faudrait s’assurer d’avoir un bon plan financier qui couvre pleinement leurs objectifs de retraite suivant leur espérance de vie (selon les normes de l’Institut québécois de planification financière).

Il est certain que dans une situation parfaite, il serait mieux de n’avoir aucune dette et suffisamment d’actifs afin de survenir à ses besoins lors de cette importante étape.

Dans le monde réel, plusieurs situations parfois inattendues surviennent cependant – séparation, maladie, réparations, etc. – et font en sorte que nous devons être créatif comme conseiller afin de nous adapter tout en limitant, ou en éliminant, les déficits annuels de nos clients. L’importance de vos conseils et suivis réguliers feront toute la différence. Ils sauront vous assurer d’optimiser leur patrimoine.

Dans la majorité des situations analysées, nous réalisons que nos clients propriétaires d’une résidence qui auront un manque à gagner éventuel dans leur plan de retraite vivent une situation souvent temporaire qui prendra fin à la vente de celle-ci. Au moment de la transaction, l’entrée d’argent résout souvent le problème. Ne pas avoir de dette à la retraite est idéal, mais si c’est au péril des besoins de liquidités, vos clients sont perdants.

EN PRATIQUE

Prenons l’exemple de Rolland, un orthothérapeute de 60 ans. Il est séparé et désire prendre sa retraite dans cinq ans. Malgré des revenus annuels modestes de 40 000 $, sa valeur nette est de 300 000 $. Par contre, il n’a pas beaucoup d’épargne. Il possède des REER à hauteur de 100 000 $ et n’a, malheureusement, jamais cotisé à des régimes de retraite.

Il s’inquiète de la fin de sa vie active et du manque potentiel de revenus. De plus, il se demande s’il doit accélérer le paiement de son hypothèque. Il vous mentionne également qu’il prévoit vendre sa propriété d’ici 15 ans.

Vous estimez que s’il voulait rembourser son prêt d’ici sa retraite, il devrait y consacrer 1 796,04 $ par mois. Vous comprenez rapidement qu’avec son salaire, ce n’est pas un scénario plausible. De plus, il ne pourrait plus épargner.

Après l’analyse de plusieurs scénarios, vous avez maintenant une idée! Considérant sa situation, pourquoi ne pas lui suggérer d’arrêter ses remboursements hypothécaires et de convertir son prêt hypothécaire en marge de crédit afin de limiter ses sorties de fonds mensuelles?

Avec un taux de 3 %, Rolland devra seulement débourser 250 $ par mois s’il ne paie que les intérêts, ce qui lui laisse le loisir de gonfler son épargne avant sa retraite. Ce scénario assurerait ses besoins et son hypothèque serait convertie, en quelque sorte, en loyer.

Cette stratégie lui permet de combler ses besoins en liquidités. De plus, avec les sommes dégagées, il sera possible de maximiser les CELI et REER d’ici la retraite. Lors de la vente de sa propriété, il n’aura qu’à rembourser sa marge de crédit.

Au lieu d’accélérer les paiements hypothécaires avant la retraite, pourquoi ne pas tout simplement faire une pause alors qu’il n’y a pas d’urgence? Il est primordial d’établir une bonne planification financière avec vos clients et les contacter régulièrement afin de s’adapter à leur situation qui évolue au fil des années.

La gestion adéquate du passif est souvent négligée. Votre vision globale et la valeur de vos conseils prennent alors tout leur sens avec un client comme Rolland. Il pourra dès lors prendre sa retraite en toute quiétude grâce à vos conseils!

Ce texte est publié à des fins de vulgarisation et contient de l’information d’ordre général. Il ne devrait pas remplacer une consultation auprès d’un conseiller en services financiers qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients. Malgré tout le soin apporté à la rédaction des textes, l’auteur et Conseiller ne sont pas responsables des erreurs qui pourraient s’y glisser.

Petite maison tenue dans les mains d'une jeune femme, avec drapeau américain en arrière-plan.

Mathieu Guilbault

Mathieu Guilbault, Pl. Fin., est planificateur financier et travaille dans des institutions financières depuis 2001. Il est l’auteur du livre 80 stratégies en planification financière et blogueur sur MonPF.ca. Diplômé de l’Université Laval en planification financière et de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), il détient également un diplôme de deuxième cycle en fiscalité de l’Université McGill, ainsi qu’un baccalauréat en commerce avec mention d’honneur en finance de la John Molson School of Business de l’Université Concordia. Il est membre de l’Association de planification fiscale et financière (APFF) et affilié de l’IQPF.