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Tiré de formations certifiant des UFC

Comment mesurer les fluctuations
Et ainsi déterminer si elles représentent un risque.

« À la Bourse, on prend les taupinières pour des montagnes et les fluctuations ordinaires sont décrites comme des cataclysmes. »

– Benjamin Graham

Fluctuation, volatilité, risque, sécurité. Il est possible de « mesurer » tous ces phénomènes et, surtout, de tracer une ligne de démarcation entre fluctuation et risque. En d’autres termes, la fluctuation pourrait-elle devenir un risque?

« Le risque est la condition de tout succès », avance Broglie. Les Allemands disent : « Ohne risiko, geht es nicht! » (« Sans risque, ça ne marche pas. »).

Ces citations sont rigoureusement exactes. Encore faut-il découvrir le vrai risque, l’identifier, le mesurer pour ensuite le maîtriser et agir… ou décider de ne pas agir en plongeant sa tête dans le sable comme une autruche.

Grâce à cette recherche, nous pourrons mieux distinguer le vrai risque de la fluctuation qui nous impressionne : la peur de l’inconnu. Il suffit donc d’apprendre à connaître l’inconnu! Pour cela, un petit effort intellectuel sera nécessaire.

Le risque en investissement ou en placement peut être associé à une grande variété d’éléments de natures très différentes. Quand nous lisons un prospectus de fonds d’investissement (document légal descriptif d’un placement, ±60 pages), nous y trouvons au moins 20 risques différents longuement décrits dans un langage quasi-incompréhensible : de quoi tomber en dépression nerveuse.

Mais il existe un moyen relativement simple de calculer le niveau de fluctuation et/ou risque avec lequel nous pourrons vivre… et dormir!

Ce moyen est un outil de mathématiques statistiques baptisé écart-type.

Il se calcule par la résolution d’une équation pleine d’horribles sigles, d’exposants et de racines carrées. En statistique, l’écart-type est une mesure de la dispersion (ou de la distance) des données autour d’une moyenne.

Essayons maintenant de comprendre les éléments de base de ce charabia, mais sans aller dans trop de détails mathématiques, cela suffira pour le moment.

Commençons par la moyenne. Nous savons tous bien entendu de quoi il s’agit, mais lisons quand même sa définition.

La moyenne est une mesure statistique caractérisant les éléments d’un ensemble de quantités : elle exprime la grandeur qu’aurait chacun des membres de l’ensemble s’ils étaient tous identiques sans changer la dimension globale de l’ensemble.

Voici deux exemples.

Exemple 1 : nous roulons sur l’autoroute de Montréal à Québec, une distance de 240 km. Nous avons roulé exactement deux heures. Notre vitesse moyenne est donc de 120 km/heure. Soit 240 divisé par 2. Un calcul très simple.

Mais nous n’avons pas roulé tout le temps à 120 km/h exactement. Parfois nous ralentissions à 100 ou même 80. À d’autre moments, nous avons atteint 140 ou même 160.

Résultat : nous avons roulé en moyenne à 120 km/h et nous avons effectué le trajet en deux heures exactement.

Exemple 2 : nous avons investi, il y a dix ans, 100 000 $ dans des actions à la

Bourse de Toronto. Aujourd’hui, dix ans plus tard, notre portefeuille d’actions vaut 200 000 $. Il a doublé, comme le montre l’image ci-dessus. Quel a été le rendement annuel moyen de notre portefeuille?

Il a été de 7,2% par an en moyenne, avec composition des gains et des intérêts.

Composition veut dire que les gains et les revenus ont été chaque fois réinvestis. Un calcul un peu plus compliqué. Mais finalement, c’est comme si le rendement avait été constant à 7,2% chacune des dix années, du début jusqu’à la fin.

Tout comme sur l’autoroute, où notre vitesse variait entre 80 et 160 km/h, le rendement de notre investissement a changé au fil du temps. Certaines années, le rendement a été de +20 % et d’autres, il a été de -15 %.

Chaque année, le rendement a été différent de celui de l’année précédente. Il a varié constamment, comme nous le voyons par les pointillés rouges de l’image ci-dessous, et ceci n’a pas empêché notre portefeuille de doubler de valeur en 10 ans.

Ceci s’appelle la dispersion des données autour d’une moyenne.

Toutes ces variations, ou fluctuations, ont été plus ou moins fortes selon la nature des actions contenues dans notre portefeuille. Un paquet d’actions des grandes banques et des compagnies de distribution alimentaire fluctuera beaucoup moins qu’un paquet d’actions dans les technologies informatiques ou dans la recherche médicale.

Certains se sentiront confortables avec de fortes fluctuations, tandis que d’autres préféreront des fluctuations limitées ou d’amplitude modérée. L’outil qui nous permet de mesurer l’amplitude de ces fluctuations s’appelle « écart type ».

Plus l’écart type est grand, plus les fluctuations sont fortes. Ceci permet de choisir entre différents types de portefeuilles d’investissement en actions.

Pour en comprendre l’essentiel, il n’est pas nécessaire d’être un mathématicien.

Dans le tableau ci-dessus, le 68 % signifie tout simplement que 68 % du temps, le rendement fluctue entre -10 % et +10 %. Quelque 95 % du temps, le rendement fluctuera entre -20% et +20%. Il s’agira donc pour nous de trouver l’investissement qui fluctuera entre les limites que nous aurons choisies… sans oublier qu’il peut arriver, très rarement, que notre placement varie de façon plus importante. C’est arrivé, par exemple, en 2008 à la baisse et en 2013 à la hausseOui, dans les deux sens!

L’Institut des fonds d’investissements du Canada, en collaboration avec les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, a publié en août 2014 une directive fort bien documentée (22 pages très techniques) pour harmoniser les méthodes d’évaluation des risques de fluctuation des fonds d’investissement disponibles sur le marché canadien.

Ces directives sont déjà appliquées par de nombreux gestionnaires de placements et seront, pour les conseillers financiers, obligatoires dans un proche avenir. C’est là une excellente directive qui facilitera les comparaisons.

Nous n’avons pas besoin de calculer nous-mêmes les écarts types, car les gestionnaires de fonds doivent les indiquer dans le document qu’on appelle « aperçu du fonds », document que doit nous remettre notre conseiller financier.

Nous reproduisons ici un tableau intéressant extrait de ce document.

Pour nous situer, d’une manière simple, sur cette échelle :

À un écart type de moins de 6,0 (faible) : nous trouvons des placements équivalents à un compte de banque. Nous pourrions dire qu’il n’y a aucun risque de fluctuation et donc aucun rendement. Notre argent dort… et reste immédiatement disponible.

De 6 à 11 (faible à moyen) : nous trouverons essentiellement des obligations et aussi quelques actions; c’est ce qu’on appelle souvent un portefeuille équilibré. Le rendement, bien entendu, sera faible.

De 11 à 16 (moyen) : nous posséderons essentiellement des actions de grandes et moyennes compagnies dans les pays développés (en gros, Amérique du Nord, Europe, Australie). Le rendement devient intéressant et les fluctuations habituelles, moyennes.

De 16 à 20 (moyen à élevé) : nous aurons choisi surtout des actions de PME (petites et moyennes entreprises) ou « sectorielles », par exemple : services financiers, soins de santé, immobilier… Fluctuation, volatilité, risque seront qualifiés de moyens à élevés. Le rendement pourrait être supérieur… à long terme. Les pertes aussi… Mais ce n’est pas certain!

Au-delà d’un écart type de 20 (élevé) : nous pénétrons les marchés émergents, les métaux précieux, le capital de risque des travailleurs (le Fonds de solidarité FTQ, par exemple). Ici, la fluctuation peut devenir un risque.

Un sixième groupe, encore plus volatil et fluctuant, comprendra les stratégies alternatives (produits dérivés), leviers financiers (emprunter pour investir), marchandises, etc. Ici, évidemment, nous nous trouvons en pleine zone de risque.

Comme nous le voyons, il existe des outils pour connaître et contrôler le niveau de fluctuation, de risque que nous sommes disposés à prendre, tout en restant investis en actions. À nous de savoir les utiliser ou, à tout le moins, de savoir qu’ils existent!

La fluctuation est-elle un risque? Cela dépend, pour beaucoup, de son intégration au facteur « durée ». Plus la durée prévue de l’investissement est longue, moins les fluctuations revêtent d’importance. Voilà pourquoi il est important de prendre conscience et de comprendre l’essentiel de cette petite mécanique et des différences de rendement entre actions et obligations.


Jean Dupriez, LL.L., DAE., Pl. Fin., est planificateur financier et membre de l’Association des MBA du Québec. Auteur de deux ouvrages, Le classement des documents personnels (2002) et Savoir choisir son conseiller financier (2010), il s’exprime régulièrement sur les enjeux de la profession dans son blogue sur Conseiller.ca.