Directeur de succursale 101

Par Françoise Genest | 28 août 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Garder le cap sur le développement des affaires, mais aussi sur le respect de la conformité, voilà en gros la tâche des directeurs de succursale. Mais qui sont ces gestionnaires qui portent souvent deux chapeaux? Ceux que nous avons rencontrés ont tous en commun la passion du métier.

Un gestionnaire au cœur de coach « Un bon conseiller connaît bien ses clients, un bon directeur de succursale, lui, doit bien connaître ses conseillers, leur personnalité, leurs forces, pour être en mesure de les encadrer », soutient Benoit Parenteau conseiller en placement à la Financière Banque Nationale (FBN). Avant de reprendre du service comme conseiller, ce dernier a été directeur avec sa propre firme Option retraite et directeur de succursale à la FBN.

Comme plusieurs de ses collègues, il soutient qu’un bon directeur est d’abord un coach. « Comme conseiller, je m’attends à ce qu’un directeur sache partager son expérience et son expertise, qu’il aille chercher les bonnes ressources pour la formation, bref, qu’il m’offre du coaching. »

« C’est d’abord un gestionnaire qui voit au développement des affaires, mais c’est surtout quelqu’un de polyvalent capable de s’adapter aux différentes personnalités des conseillers et à leurs clientèles variées. Il doit donc être à l’écoute, pour bien cerner leurs besoins et trouver des solutions adaptées », soutient, pour sa part, Martin Bernard, qui a été directeur de succursale à Multi Courtage et qui dirige aujourd’hui sa propre firme, Gestion Financière Martin Bernard.

Tous ceux que nous avons interrogés sont unanimes : un directeur de succursale doit amener les conseillers à se développer. Le succès d’équipe passe d’abord par le succès individuel, voilà d’ailleurs un des principes de base du coaching. « C’est une grande satisfaction et un plaisir de voir un conseiller évoluer et réussir », commente Mathieu Marcil, directeur de division à Brossard au Groupe Investors, où il dirige une quinzaine de conseillers. C’est d’ailleurs parce qu’il aime transmettre ses connaissances et ses méthodes de travail que cet ancien coach de hockey est devenu directeur de succursale après avoir été conseiller pendant deux ans.

Méthodes de travail, développement de la clientèle, techniques de prospection, connaissance des produits, règles de conformité, plan d’affaires suivi des clients, autant d’expertises que les directeurs de succursale doivent savoir transmettre aux conseillers. Cela dit, tous les directeurs étaient également unanimes sur l’importance pour les conseillers de devenir autonomes. Le conseiller idéal selon eux est intègre, autonome et prend des initiatives.

Un coach pour les coachs Louis-Philippe Toupin est directeur régional à Brossard au Groupe Investors. Il chapeaute ainsi trois directeurs de succursale, incluant la conformité de leurs transactions. Un coaching différent? « Le coaching des directeurs concerne des aspects plus théoriques comme les aptitudes et les techniques de gestion. Il faut enseigner à enseigner… C’est du coaching pour coachs. Comment organiser une réunion de conseillers, la structure et le fonctionnement d’une succursale, comment aider les conseillers, comment leur transmettre l’information, etc. C’est une approche tout à fait différente, mais ça reste du coaching. »

Intégrité et expérience Si le directeur de succursale doit être un bon communicateur et un bon coach, pour M. Toupin, il doit d’abord être un modèle à suivre. « C’est quelqu’un qui inspire confiance, vers qui les gens sont enclins à se tourner pour des conseils. Il est performant, il a une clientèle et de bons rendements, mais aussi un dossier de conduite irréprochable au niveau de la conformité ». Même son de cloche chez Guy Duhaime, président du Groupe Financier Multi Courtage. « Pour bien diriger les autres, il faut savoir se diriger soi-même. »

Et l’expérience? Faut-il beaucoup d’années au compteur pour prétendre devenir directeur de succursale? Les réponses sont variables, mais tous s’entendent sur un minimum de deux ans. « L’expérience terrain est nécessaire, il faut avoir vécu la réalité des conseillers pour savoir comment guider leur travail. Je serais d’avis qu’il faut cinq et même dix ans d’expérience », soutient Guy Duhaime.

Pour Louis-Philippe Toupin, deux à cinq serait le nombre d’années idéal. « Il ne faut pas être trop éloigné de sa propre formation. Cela m’a d’ailleurs été utile pour les 37 conseillers et directeurs que j’ai formés en carrière. »

« Quelques années d’expérience sont nécessaires pour bien connaître l’industrie, mais aussi avoir vécu différents cycles de hausses et de baisses des marchés et avoir rencontré une large variété de clients », ajoute Benoit Parenteau.

Conseiller un jour… L’expérience antérieure n’est pas la seule clé du succès. De nombreux directeurs continuent de servir leur propre clientèle et d’agir à titre de conseillers. Un troisième chapeau, n’est-ce pas un peu trop? Non, répondent ces derniers. Au contraire, le fait de continuer à rencontrer des clients les garde en contact avec les réalités actuelles du marché. Cela dit, plusieurs d’entre eux ne prennent plus de nouveaux clients, réservant ce temps à encadrer leur équipe.

Et la formation?

Tout comme leurs conseillers, les directeurs de succursale doivent suivre des formations et des mises à jour constantes selon leur permis d’exercice. Ceux qui doivent assumer la responsabilité de la conformité doivent avoir suivi le cours du CSI : Responsable de la conformité de la succursale ou encore de Chef de la conformité, selon les secteurs de pratique et les exigences des différents organismes de surveillance.

Des formations minimales que la plupart des directeurs de succursale complètent par des formations d’appoint. Une priorité pour Catherine Mainguy, présidente de Mainguy assurances et services financiers à Québec. « Je suis les formations offertes par la Chambre de la Sécurité financière et celles que nous offre le Groupe Cloutier, notre grossiste pour les fonds de placement. On trouve aussi de très bons livres d’experts qui approfondissent certains sujets. Un bon directeur doit non seulement se former continuellement, mais aussi offrir de la formation pertinente à son équipe. »

Mathieu Marcil, Louis-Philippe Toupin et Benoit Parenteau soulignent, pour leur part, que le fait de travailler au sein d’une grande firme facilite la tâche des directeurs, qui ont ainsi accès au sein même de l’entreprise à une panoplie de formations sur mesure pour eux-mêmes et pour leurs conseillers. Des formations que doivent monter eux-mêmes ou encore dénicher les directeurs des plus petites firmes, s’ils souhaitent les offrir à leurs équipes.

Une tête, deux chapeaux Au palmarès des qualités requises pour être un bon directeur : une certaine fermeté, voire une autorité naturelle, qui sera nécessaire lorsque viendra le temps de trancher dans des cas problématiques de conformité. Car outre son chapeau de coach, le directeur de succursale porte aussi souvent celui de responsable de la conformité. Une tâche qui exige rigueur et vigilance et qui est en évolution constante.

Ce double chapeau est monnaie courante dans l’industrie, surtout dans les firmes de moyenne et de petite taille. Dans les grandes sociétés, le rôle de responsable ou de chef de conformité est souvent dissocié de celui de directeur de succursale. « Chez nous, ces rôles sont distincts, ce qui permet au directeur de se concentrer uniquement sur les ventes et le coaching, explique Benoit Parenteau. Cela dit, lorsque j’étais directeur de succursale à Option Retraite, je cumulais les deux fonctions, qui sont tout à fait conciliables. »

Porter ces deux chapeaux serait même souhaitable, selon certains. « J’aime assumer les deux fonctions, cela me permet d’avoir un meilleur contrôle sur les transactions de ma division, car ultimement c’est ma responsabilité comme directeur de m’assurer que les dossiers que j’approuve sont conformes. Sans compter que cet aspect du travail fait appel à d’autres compétences que celles requises pour diriger les ventes, ce qui rend mon rôle plus intéressant » explique Mathieu Marcil.

Cette fois encore, les directeurs qui œuvrent au sein de grandes entreprises ont l’avantage de pouvoir compter sur les ressources et l’encadrement du bureau ou du chef de conformité du siège social. Des avis experts qui peuvent les aider à résoudre les cas les plus difficiles. « Dans certains cas, avoir une opinion détachée du terrain et un regard entièrement extérieur au dossier permet de mieux cerner le problème ou la solution », souligne M. Toupin.

Une tâche qui se complexifie La tâche est souvent plus lourde ou plus ardue pour les directeurs de succursale de petites firmes qui doivent assumer seuls et sans filet les deux fonctions.

Daniel Bissonnette, chef de la conformité à Planifax depuis 23 ans, déplore que certaines des formations offertes pour la conformité ne soient pas toujours bien adaptées aux réalités du Québec. De son côté, Guy Duhaime estime que les organismes qui émettent des directives et des règles devraient offrir un meilleur support aux directeurs de succursale et de conformité.

Cela semble encore plus pertinent depuis l’instauration de la Règle 31-103, qui a profondément bouleversé les normes et les procédures en matière d’inscription et qui a exigé beaucoup d’adaptation de la part des directeurs. « Ces règles nous sont souvent communiquées, sans explications et sans un support adéquat. Pour les grands bureaux qui ont un service juridique, c’est sans doute plus facile de s’y retrouver, mais pour les directeurs des petites boîtes c’est parfois un défi de trouver les réponses et les explications. Je crois que l’Autorité des marchés financiers (AMF) pourrait aussi jouer un rôle de support auprès des directeurs pour s’assurer qu’ils comprennent bien les règles », soutient Guy Duhaime.

Chef d’équipe ou chien de garde? Difficile de garder l’équilibre entre la volonté d’augmenter les ventes et celle d’imposer le respect des règles? « De toute façon, on ne peut dissocier l’un de l’autre, répond Martin Bernard. Chez nous, par exemple, nous répondons au directeur de conformité de Multi Courtage Capital pour nos opérations en fonds communs, mais en tant que gestionnaire, je dois également m’en préoccuper. Les dossiers doivent être bien montés et les règles respectées, cela fait partie intégrante du travail et cela est aussi une condition du succès. Les affaires doivent être menées avec droiture. »

Même son de cloche au Groupe Financier Multi Courtage, qui compte au total une cinquantaine de représentants. « Nous avons une directrice de la conformité, qui assume la surveillance des règles et le suivi des formulaires au jour le jour, mais elle relève de la direction de l’entreprise. Nous tenons des réunions de conformité chaque mois et nous suivons les dossiers, c’est sous notre responsabilité », explique Guy Duhaime.

Quelle que soit la structure de l’organisation ou la taille du bureau, le directeur de succursale reste ultimement responsable de s’assurer que les dossiers qu’il approuve sont conformes. « Il faut faire preuve de fermeté et savoir trancher lorsqu’un dossier n’est pas conforme et s’assurer que le conseiller retournera voir le client ou modifiera le portefeuille si cela s’impose », commente Mathieu Marcil.

Daniel Bissonnette, pour sa part, se définit comme un « chien de garde ». « Je n’hésiterais pas à écarter un conseiller qui serait malhonnête, négligent ou qui ne respecterait pas les règles. Il ne faut jamais perdre de vue que toute notre industrie repose sur le client. »

Catherine Maingy préfère parler de chef d’équipe plutôt que de chien de garde. Pour elle, un bon directeur doit savoir transformer les contraintes de la conformité en occasions. « C’est une obligation légale bien fondée, qui apporte une certaine lourdeur administrative, mais qui nous assure aussi d’une bonne performance et d’une fidélisation de la clientèle, mieux vaut donc y voir un outil d’excellence, une façon de bien mener les affaires. La révision d’anciens dossiers, par exemple, devient une occasion de relancer des clients, etc. Bien sûr, il faut une certaine dose d’autorité pour s’assurer du respect des règles, mais il faut en faire une culture d’entreprise et savoir la transmettre à son équipe. »

Difficile d’imposer cette vision à une équipe de conseillers? « En général, non, répond Guy Duhaime, en cas de problème de conformité, le directeur les rencontre et les aide à trouver une solution. Cependant, la tâche des directeurs devient de plus en plus lourde face à la complexification des règles. »

« C’est vrai, mais si l’on tient compte du nombre de transactions et de conseillers de l’industrie, par rapport au nombre infime de plaintes qui aboutissent à une sanction, on peut dire que le travail des directeurs et des responsables de conformité est très efficace », conclut Daniel Bissonnette

Françoise Genest