Entente Norbourg : l’indemnisation des investisseurs est à revoir

Par Ronald McKenzie | 19 janvier 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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« Nous sommes ravis pour les clients investisseurs floués dans le scandale Norbourg. Nos premières pensées s’adressent à eux. Ils méritent pleinement leur victoire », a lancé Léon Lemoine, porte-parole du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ), en entrevue à Conseiller.ca.

Maintenant que le dossier est clos, que les acteurs visés par le recours collectif s’en tirent sans admission de responsabilité et qu’ils peuvent passer à autre chose, les conseillers, eux, doivent « vivre avec les impacts néfastes de cette affaire », dit Léon Lemoine.

Notamment, ils doivent absorber la facture que leur a refilée l’Autorité des marchés financiers (AMF) lorsqu’elle a décidé, en 2007, d’indemniser une minorité de victimes de Vincent Lacroix. On se souviendra que le dédommagement s’était chiffré à 31 millions de dollars. En puisant cette somme à même le Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF), l’AMF créait automatiquement un déficit d’une vingtaine de millions.

La loi prévoyant le renflouement de tout déficit du FISF sur une période de cinq ans, l’AMF a fait passer les conseillers à la caisse. « Nos cotisations ont bondi de 220 % », calcule Léon Lemoine. À la fin de 2010, soit plus de trois après la ponction, on croyait que le déficit du FISF aurait été ramené à quelque 10 millions de dollars. Mais non. « Les états financiers de l’AMF montrent que le manque à gagner se chiffre à 27,5 millions. C’est plus substantiel qu’au départ ! », déplore le porte-parole du RICIFQ. Résultat ? « Il va nous rester plusieurs années, voire une décennie, avant de renflouer le FISF », déplore-t-il.

Luc Labelle, président et chef de la direction de la CSF

Luc Labelle, président et chef de la direction de la CSF

Indemnisation incomplète et inadéquate Également heureux que les victimes de Norbourg ont pu récupérer leur dû, Luc Labelle se réjouit que les 55 millions de dollars seront versés « par des intervenants qui ne cotisent pas au FISF ».

Le président et chef de la direction de la Chambre de la sécurité financière constate que cette affaire montre avec éloquence les carences entourant la protection des investisseurs du Québec. « Il faut revoir la structuration de l’indemnisation au Québec, car elle est très incomplète et probablement inadéquate ». L’occasion est belle de tout mettre sur la table : ce qui doit être indemnisé, ce qui ne doit pas l’être, qui doit financer quoi, etc.

De manière continue depuis 2007, la Chambre fait des représentations auprès du gouvernement pour le sensibiliser à cette question. « Il en va de la confiance des investisseurs dans la crédibilité du système financier », note Luc Labelle. Avec le dénouement du scandale Norbourg, le régulateur devrait en profiter pour mettre ce dossier à l’ordre du jour, croit-il.

Les conseillers seuls avec la facture Pour Léon Lemoine, l’entente intervenue entre les parties impliquées dans le recours collectif dans le dossier Norbourg ne modifie en rien le quotidien des conseillers. Depuis l’éclatement du scandale en 2005, tout a changé pour eux. « Avant, nous n’avions qu’à décrire nos produits et services à nos clients. Maintenant, nous devons leur dire qui nous sommes, montrer que nos permis sont en règle, leur expliquer la différence entre Norbourg et notre pratique, etc. Nous sommes tenus de faire un travail supplémentaire de pédagogue », souligne-t-il.

Et puis, le souvenir du ressac Norbourg lui laisse un goût amer. « Nous étions seuls sur la ligne de feu à écouter, à consoler et à réconforter nos clients. Nous le sommes tout autant pour défendre notre réputation. L’image du ‘bandit à cravate’ reste incrustée dans la mémoire collective. Ça laisse de traces et nous demeurons seuls avec la facture », se désole-t-il.

Ronald McKenzie