ENTREVUE : Nous entrons dans l’âge d’or de la fonction des ressources humaines

28 avril 2008 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Florent Francoeur, CRHA, est président-directeur général de l’Ordre des ressources humaines et des relations industrielles (ORHRI), ainsi que président sortant de la Fédération mondiale des associations de direction de personnel (WFPMA). Nous l’avons d’ailleurs rencontré avant qu’il quitte pour un séjour à Londres à l’occasion du Congrès mondial sur les ressources humaines, afin qu’il nous livre sa perception de la fonction des RH à l’aube de l’importante pénurie de la main-d’oeuvre annoncée.

  • Quel est le plus gros défi auquel sont confrontés les conseillers en RH présentement?

F. F. – Dans un contexte de rareté de la main-d’oeuvre, les gestionnaires en RH doivent être proactifs non seulement pour recruter les bons candidats, mais aussi pour les retenir et les mobiliser. Au Québec, le vieillissement de la main-d’oeuvre est plus avancé qu’ailleurs au Canada. Par conséquent, la dimension stratégique prend de plus en plus d’importance.

Les employeurs de choix, qui offrent les meilleures conditions, devront le crier haut et fort afin d’attirer et surtout retenir les meilleurs candidats. Ensuite, le défi pour les entreprises sera de livrer la marchandise.

  • Comment voyez-vous l’influence des RH dans les prochaines années?

F. F. – Il y a une dizaine d’années, la fonction de gestionnaire en ressources humaines était beaucoup plus technique puisqu’elle consistait à trier la multitude de candidatures reçues pour combler les postes disponibles. Aujourd’hui, avec la rareté de la main-d’oeuvre dans certains secteurs d’activité, nous arrivons à ce que j’appelle l’âge d’or de la profession. La fonction des ressources humaines est devenue la clé dans le monde des affaires; il faut nécessairement dénicher les bons candidats. Une fois recrutés, il faut retenir et mobiliser les candidats de qualité, ce qui rend les RH beaucoup plus stratégiques que par le passé.

  • Les ressources humaines chapeautent divers programmes au sein des entreprises. Est-ce que le champ d’expertise des gestionnaires en RH doit maintenant être élargi?

F. F. – De nos jours, la fonction RH renferme plusieurs champs d’expertise : la gestion des ressources humaines pures, les relations de travail, la rémunération, la dotation, la formation, la santé et sécurité au travail, etc. Certains champs sont plus techniques que d’autres. Toutefois, on remarque de plus en plus d’impartition pour les aspects plus techniques, comme les services de paie ou encore les programmes d’aide aux employés (PAE).

Dans les PME, les gestionnaires en ressources humaines demeurent encore plus généralistes et touchent un peu à tout, alors que dans les grandes entreprises, les gestionnaires en RH sont maintenant plus spécialisés. Sous la férule du vice-président en ressources humaines, chacun des gestionnaires est appelé à couvrir un aspect précis de la profession.

  • À la fin mai, vous organisez un colloque sur la retraite. La retraite est-elle devenue une nouvelle préoccupation pour les gestionnaires en RH?

F. F. – La retraite a toujours été une préoccupation pour les gestionnaires en RH puisqu’elle a toujours fait partie de la politique de rémunération globale des entreprises. Aujourd’hui, toutefois, devant le vieillissement de la population active et la rareté de la main-d’oeuvre, la retraite prend de plus en plus d’importance aux yeux des employés et des employeurs. Les entreprises doivent d’abord s’assurer qu’il offre un bon régime de retraite, puis qu’il possède une stratégie efficace de rétention des employés expérimentés clés afin de permettre le transfert des connaissances et du savoir-faire. C’est tout un contraste avec ce qui était préconisé, il y a à peine dix ans. On parle beaucoup plus maintenant de rétention de la main-d’oeuvre, pour les employés âgés de 50 ans et plus, et de retraite progressive.

  • Le gouvernement québécois vient d’ailleurs de dévoiler un projet de loi pour favoriser la rétention de la main-d’oeuvre expérimentée sur le marché du travail sans pénalité. Comment voyez-vous ce projet de loi?

F. F. – L’Ordre est très favorable au projet de loi. Il s’agit d’un outil qui servira d’abord les intérêts des employés, mais également ceux des employeurs. D’ici quelques années, la plupart d’entre eux n’auront d’autres choix d’embarquer. Je pense notamment aux employeurs qui oeuvrent dans les secteurs primaires comme les mines par exemple ou encore ceux qui travaillent dans le commerce de détail. Ces employeurs seront heureux de compter sur des employés qualifiés et expérimentés, qui désirent continuer à travailler à temps partiel.

  • En raison du désengagement des entreprises des régimes PD à CD, est-ce que les conseillers en RH sentent le besoin d’avoir plus de formation sur l’abc de la gestion des placements, de la fiscalité, etc.? Comment les conseillers en RH comblent ces lacunes (s’il y en a) en ce moment?

F. F. – Les gestionnaires en RH tentent d’acquérir un minimum de connaissances dans ces domaines, mais quand cela devient plus pointu, ils préfèrent impartir ce genre de service de manière à avoir recours à de véritables experts en la matière. La retraite constitue un bon exemple.

Le rôle des gestionnaires en ressources humaines est alors de bien sélectionner une firme de conseillers en retraite, en posant les bonnes questions, en fonction de leurs besoins spécifiques. Il s’agit donc plutôt d’un travail d’évaluation pour trouver les bonnes ressources pour leur entreprise et ses employés.

  • Un de vos sondages nous apprenait qu’un employé sur deux est stressé au travail. Avec les problèmes de santé mentale que le stress peut entraîner, à qui revient la responsabilité d’améliorer la situation?

F. F. – La gestion du stress doit être une responsabilité partagée entre les employés et les employeurs. L’employeur a l’obligation de développer une culture d’entreprise afin de réduire les risques de problèmes liés au stress. Les problèmes liés à la santé mentale des employés coûtent cher à l’employeur. Il revient aux gestionnaires de ressources humaines entre autres d’évaluer la charge de travail de chacun des employés, l’environnement de travail et les risques de conflit personnel. Ce dernier aspect n’est pas à négliger puisque le tiers de l’absentéisme est le résultat d’un conflit interpersonnel au sein même du milieu de travail, ce qui est énorme.

Par ailleurs, les entreprises doivent revoir leur culture d’organisation en favorisant notamment la conciliation de la vie professionnelle et personnelle des employés. Les entreprises auraient avantage d’être plus flexible puisque cela réduirait leur taux d’absentéisme. Le temps où les longues heures des employés étaient bien vues par les employeurs semble de plus en plus révolu.