L’embauche d’étudiants d’été

Par Melissa Shin | 13 juillet 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Grattes-ciels du quartier financier de Toronto.
Photo : Roxana Gonzalez Leyva / 123RF

Les stages d’été sont un rite de passage pour toute personne poursuivant un diplôme de premier cycle en finance ou en commerce. Toutefois, de nombreux étudiants privilégient des postes au sein de banques d’investissement, de sociétés de capital-investissement et de cabinets comptables, au détriment des cabinets de conseil financier.

Rob Pollard veut changer cela.

Rob Pollard, gestionnaire de portefeuille principal, groupe de clients privés chez The Wyndham Group au sein de Raymond James Ltd., à Toronto, embauche des étudiants d’été depuis les 20 dernières années et croit avoir trouvé une méthode qui profite à la fois à sa pratique et aux étudiants.

« La clé est d’avoir des personnes qui peuvent rester concentrées sur une chose », affirme Daniel Brodlieb, gestionnaire de portefeuille principal chez The Wyndham Group et partenaire de Rob Pollard au sein du cabinet.

Les deux conseillers en services financiers ont souligné l’importance de faire travailler les étudiants sur des projets spécifiques, plutôt que chercher à leur faire compléter le travail que les membres de l’équipe font déjà.

« [Trouvez] quelque chose que vous devez faire, mais que vous n’avez tout simplement pas le temps de le faire », illustre Rob Pollard, ajoutant qu’il choisissait des initiatives ne nécessitant pas l’accès à des informations sur les clients de manière à préserver la confidentialité.

Dans le cas de Wyndham, les projets consistent à créer une base de données d’avocats et de comptables transfrontaliers et à effectuer une analyse factorielle pour déterminer comment développer un portefeuille modèle de 25 à 35 actions américaines.

Bien que Wyndham n’ait pas affiché les postes disponibles pour l’été, les membres du réseau de Rob Pollard lui ont recommandé d’embaucher Ben Barringer, un étudiant de troisième année en sciences politiques de l’Université Queen’s qui n’avait jamais travaillé dans la finance (ou au sein d’un bureau) auparavant, et Edouard Larouche, un étudiant de deuxième année en finance à l’Université de Toronto qui a travaillé dans une salle de marché en Suisse au cours de l’été précédent.

Après les avoir interviewés, Rob Pollard a supposé que les compétences relationnelles de Ben Barringer complèteraient l’expérience technique d’Edouard Larouche.

« L’investissement de détail, c’est parler aux clients; il y a une composante de vente qui compte », mentionne Rob Pollard. « Mais en même temps, vous devez avoir les données et la compréhension derrière. Eh bien, réunissons ces deux gars qui ont des compétences très différentes et j’espère qu’ils vont apprendre l’un de l’autre », s’est-il dit.

Cet espoir s’est réalisé.

« Tout tourne autour de l’appariement entre Ed et moi », a confirmé Ben Barringer. « Si Ed peut m’expliquer quelque chose et que je peux le comprendre, un client peut certainement le comprendre aussi. »

En plus de travailler sur la base de données et les projets de construction de portefeuille, le duo a participé à des appels auprès de clients et à différents types de réunions.

« On nous a donné une réelle responsabilité », témoigne Ben Barringer. « Généralement, en tant que stagiaire, c’est plutôt ‘Comment voulez-vous votre café, monsieur?’ », ironise-t-il.

Edouard Larouche abonde dans le même sens. « Parfois, ça me frappe : Wow, c’est pas mal de responsabilité; Nous avons intérêt à être performants. »

ÊTRE SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDE

Ayant vu son fils effectuer un stage d’été en grande partie sur Zoom lors de la pandémie, Rob Pollard veut permettre à ses analystes d’été de récolter les fruits d’une expérience en personne.

Pour donner le ton aux stages chez Wyndham, il a rédigé un document d’une page décrivant les attentes telles que l’heure d’arrivée (à 8 heures), le rendement de travail attendu et l’attitude.

Il a également établi un lien entre ces attentes et leur développement de carrière. « Nous espérons que, dans quelques années, lorsque vous repenserez à vos expériences de travail, vous considérerez tous les deux votre passage chez Raymond James comme un élément crucial de votre vie », commence le document. « Nous croyons que pour que cela se réalise, ce qui suit doit se produire. »

Le document énumère ensuite quatre principes (p. ex., « Vous devez approfondir vos connaissances »; « Vous devez exercer votre responsabilité sociale »), des conseils connexes (« Travailler pour une entreprise peut être source de conflits ou de coopération. Mon conseil est de toujours choisir cette dernière voie ») et des objectifs pour chaque catégorie (« construire une base de données transfrontalière » ; « participer à des événements sociaux »).

Rob Pollard a intitulé le document « L’excellente aventure de Ben et Ed » et l’a envoyé au duo par courriel quelques semaines avant leur date de début de stage, le 1er mai. (Aucun d’eux n’a compris la référence au film, ont-ils dit.)

Ben Barringer a trouvé le document utile, et pas intimidant : « Nous avions un bon aperçu de ce qu’étaient les objectifs. Avec un parcourt scolaire comme le nôtre, vous avez l’habitude de voir des rubriques [qui énumèrent les exigences pour réussir] pour tout. C’était agréable. »

Edouard Larouche indique que les grandes lignes fournies constituaient un changement rafraîchissant par rapport à son expérience vécue en Suisse l’été précédent.

« Les deux premières semaines, j’étais complètement perdu. Ce qu’on attendait de moi n’était pas très clair; Tout était très lent », dit-il. « Ce [document] m’a vraiment aidé, avant même mon premier jour, à me préparer à ce qui allait se passer. »

PLANTER DES GRAINES AVEC LA PROCHAINE GÉNÉRATION

Edouard Larouche estime que son expérience pratique apportera un éclairage utile au reste de son diplôme. Par exemple, avec le projet de portefeuille modèle, « le principal problème auquel nous sommes confrontés est que beaucoup de ces nouveaux noms déclencheraient beaucoup de gains et de pertes [en capital] réalisés. Nous devons donc essayer de conserver un maximum de noms tout en cherchant à minimiser ces gains fiscaux », illustre-t-il.

« Pour ce qui est d’un retour pour le volet de gestion de portefeuille… En classe, le professeur pourrait simplement parler de la performance et des différents ratios », ajoute-t-il. « Je vais toutefois pouvoir davantage évaluer l’implications des taxes et autres frais. »

Ben Barringer apprécie également la formation intensive qu’il reçoit jusqu’à présent.

« Il y a certainement eu quelques moments qui dépassaient ma formation, mais c’est là que l’on apprend le mieux, non? » dit-il. « J’ai appris beaucoup plus au cours des 12 dernières semaines que tout au long de mes études. »

Lors d’une récente réunion d’équipe dans les bureaux de Wyndham au Scotia Plaza, Ben Barringer et Edouard Larouche ont pris la parole pour faire un retour sur une présentation d’’analyse des titres à laquelle ils avaient assisté auprès d’un gestionnaire d’actifs.

Ainsi, tout n’est pas que du travail, mais ce n’est pas non plus du jeu. Rob Pollard et Daniel Brodlieb s’attendent à ce que les étudiants socialisent et construisent leurs réseaux. Cette journée-là, le duo a eu droit à une évaluation de leur performance et sont allés ensuite boire un verre avec d’autres étudiants d’été liés à Raymond James. Le lendemain, ils ont participé à une sortie d’équipe dans les îles de Toronto pour jouer au golf frisbee.

À un mois de la fin des stages, Rob Pollard est d’avis que la cohorte de 2023 est « la meilleure que nous ayons faite ». Il espère reproduire ce succès dans l’avenir, et le programme figure déjà au budget de la saison 2024. (C’est Wyndham qui finance le salaire des étudiants d’été, et non Raymond James.)

« Je pense que c’est formidable pour ces jeunes d’être ainsi plongé dans le secteur de la gestion de patrimoine », lance Daniel Brodlieb, tout en étant conscient que d’autres domaines de la finance paient mieux au départ et dégagent possiblement une plus grande aura de prestige. « C’est pourtant dans notre secteur que de nombreuses personnes finissent par vouloir venir 10 ans plus tard. Je voulais évoluer dans le secteur bancaire; Je suis en quelque sorte tombé dedans. Et puis, j’ai réalisé que c’était bien mieux que la banque – car vous construisez quelque chose, vous le possédez. »

Melissa Shin

Melissa Shin est directrice de la rédaction du groupe des publications financières de Newcom Media Inc. Elle fait partie de l’équipe depuis 2011 et a été reconnue par l’ACGA et la CFA Society Toronto pour ses reportages. Rejoignez-la à mshin@newcom.ca.