Gagner la confiance, en assurance ou en placements?

Par Bernard Viau | 14 juin 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : 123RF

Je vous ai dit avoir vécu plusieurs expériences qui ont contribué à améliorer mon approche client.  La confiance se gagne différemment en assurance ou en valeurs mobilières, deux mondes dans lesquels j’ai travaillé.

Lorsque j’ai commencé comme conseiller en sécurité financière, naïvement, je croyais que tous mes nouveaux confrères connaissaient la base du monde des valeurs mobilières. J’ai déchanté à ma première réunion sur les placements. Comme le monde de l’assurance est très différent du monde de la Bourse, la façon de prospecter devrait aussi être différente. J’ai donc repensé ma stratégie de prospection.  Après quelques semaines, le cabinet m’ayant fourni une unité de service d’une centaine de clients, j’ai abordé ma prospection avec les techniques que j’avais apprises en placements.

Un conseiller en placements, et à plus forte raison en valeurs mobilières, n’intéresse que 10 % de la population. Un conseiller en assurance rejoint 90 % de la population, car tout le monde a besoin de sécurité financière. J’ai classé les prospects en quatre groupes identifiés par une image symbolique. Pour garder à l’esprit mes objectifs, j’ai épinglé sur les murs de mon cubicule mes 50 prospects avec leur nom au verso.

Je dois vous avouer que je suis un peu gêné d’en parler, mais mes images représentaient des lièvres, des sangliers, des chevreuils et des ours. Mes confrères étaient intrigués. Je leur ai expliqué les stratégies de prospection en valeurs mobilières. Le lendemain, le directeur des ventes m’a expliqué que cela ne cadrait pas avec la manière de penser de nos clients en sécurité financière. Après quelques jours, j’ai donc jeté mes dessins sous les sourires amusés de quelques confrères.

Dans le monde de l’assurance, un conseiller met l’accent sur l’aspect sécurité. Dans le monde des placements, il met l’accent sur le risque et le retour sur investissement.  En valeurs mobilières, j’ai eu un formateur américain qui parlait de 2 méthodes de prospection : soit trier les petits fruits (« cherry picking »), soit se focaliser sur les petits clients et la chasse au gros gibier (« gorilla hunting »), où on recherche davantage les gros clients. Comparer la prospection à une activité de chasse reflète une réalité que tous les conseillers financiers connaissent.

Voici comment j’ai intégré les techniques de chasse à ma prospection en assurance également.

PREMIER GROUPE.

Constitué par ceux qui gagnent le salaire minimum ou moins, ces gens vivent d’un chèque de paie à l’autre. Ils ne feront pas affaire avec vous, alors pourquoi perdre votre temps pour du bois mort ? C’est le terme consacré dans le jargon du métier, n’est-ce pas ?

J’ai décidé de considérer ce groupe plutôt comme des semences pour le jardin de ma clientèle.  Pour gagner leur confiance, j’ai simplement gardé le contact. Un téléphone, une ou deux fois par année, juste pour voir où ils en étaient avec leurs projets. J’étais là pour eux et je le serais dans le futur. Que pensez-vous qu’il est arrivé lorsqu’un d’eux a reçu un héritage inattendu ou a fait un gain de loterie ? Cela m’est arrivé au moins à quatre reprises.

DEUXIÈME GROUPE.

Ces personnes gagnent une fois et demie le salaire minimum et ils feront affaire avec vous pour des babioles. Ce sont souvent des jeunes qui débutent ou des gens qui sont sur le marché du travail depuis quelques années déjà.

J’ai conservé leur confiance en les contactant deux fois par année, aux vacances. Je m’informais de l’avancement de leurs projets financiers, de leur travail, de leurs intérêts. J’envoyais parfois des articles sur des points financiers. Je ne leur parlais pas de REER et de retraite, mais je les encourageais toujours à l’épargne.

TROISIÈME GROUPE.

Ils ont des revenus approchant ou dépassant les cent mille dollars par année. Professionnels avec une vie active et un rythme rapide, ils sont très courtisés par les conseillers.

Pour gagner, puis conserver leur confiance, je les contactais aux trimestres et j’organisais deux rencontres informelles par année durant leurs vacances. Pour les aider, j’envoyais les liens, plutôt que les articles pour éviter que les clients ne se sentent obligés de lire immédiatement l’article.

L’intensité de leur travail professionnel ne leur permet pas d’être investisseurs à temps plein. Si, un jour, ils vous donnent un numéro de téléphone confidentiel ou un autre moyen de les rejoindre à toute heure du jour, leur confiance vous est acquise.

Comment se démarquer ? J’ai un portefeuille personnel important, celui de ma fille. Je leur ai proposé un marché : un bon placement pour ma fille est un bon placement pour vous également. Il suffit d’ajuster le pourcentage que vous investissez.  Beaucoup de mes clients ont aimé cette idée et m’ont suivi. Lorsque je vendais, ou que j’achetais, je les informais évidemment.

À noter qu’il est primordial de toujours faire ce que vous promettez, car rien ne détruit plus vite la confiance qu’une promesse non tenue.

QUATRIÈME GROUPE.

Tous les conseillers financiers en valeurs mobilières rêvent de « Gordon Gekko », une référence au film Wall Street. Comment gagner la confiance d’une personne qui n’a, absolument, aucun besoin de vous ?

Je me rappelle d’un prospect en particulier qui, après 20 secondes, m’a demandé assez crûment : « Qu’est-ce que tu veux de moi ? ». Qu’auriez-vous répondu ? Ces gens savent très bien que vous rêvez de leur clientèle. Pour gagner leur confiance, la réponse de Gordon Gekko au jeune trader en valeurs mobilières est éclairante : « Dont send me info, give me something I dont know ».

J’ai gagné la confiance de prospects dans ce groupe parce que je me suis spécialisé dans des stratégies qui les intéressaient grandement et ensuite, parce que j’ai appris à contrôler mes émotions dans une panique générale de marché.

RÉSUMONS.

Certaines personnes l’ont dans le sang, ils inspirent naturellement confiance, mais en finance, gagner la confiance d’un client demande aussi une stratégie d’approche et une planification de ses actions dans les moindres détails. Gagner la confiance de mes clients est le défi que je trouve le plus passionnant dans la carrière de conseiller financier.

De nos jours, la confiance ne se programme pas, même avec un langage d’intelligence artificielle. Les conseillers n’ont donc pas à craindre les robots virtuels automatisés. Mais, il faut qu’ils repensent leur façon de prospecter dans le nouveau monde créé par la pandémie, un monde virtuel.

Bernard Viau