La confiance se gagne

Par Bernard Viau | 5 avril 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : 123RF

Lorsque j’étais au début de ma carrière comme conseiller en sécurité financière, j’ai vécu une expérience qui a changé ma façon d’entrer en relation avec des clients. Nos expériences avec ces derniers sont souvent des sujets de discussion au bureau et certaines rencontres sont plus mémorables que d’autres. En voici une qui m’a marqué.

J’arrive chez mon client, comme convenu, vers 7 heures du soir. Un petit village du Bas-Saint-Laurent. Celui-ci m’ouvre la porte, surpris, en s’excusant de m’avoir oublié. Il a de la visite inattendue et notre rendez-vous lui est complètement sortie de la tête. Sa visite s’en mêle : « Plus on est de fous, plus on rit, laisse-le entrer Marc », lance celui qu’on me présente comme le beau-frère d’Abitibi. « Vous n’êtes pas parent avec Vincent Lacroix, vous ? », rajoute-t-il pour planter son clou.

Si vous avez plus de 30 ans, vous vous rappelez la saga des fonds Norbourg et de Vincent Lacroix. Ce dernier avait été accusé d’avoir orchestré un détournement pour plus de 100 millions de dollars au début des années 2000, plus de 9000 investisseurs floués. Sorti de prison pour bonne conduite, Vincent Lacroix sera libéré de faillite au printemps 2022.

Une fraude financière produit toujours deux résultats : le plus évident est l’argent que des clients perdent, mais les fraudeurs nous volent aussi nous, les conseillers financiers. Ils nous prennent la confiance de nos clients.

Les scandales financiers sont toujours très médiatisés et la réaction du « beau-frère d’Abitibi » est représentative du public.  Un sondage de janvier 2021 ne fait que confirmer ce que tout le monde sait déjà depuis des années, à savoir que les pompiers et le personnel médical sont en haut de l’échelle de confiance accordée aux professions. À l’autre extrême, les vendeurs de voitures récoltent 16% de la confiance du public. Et qu’en est-il de nous ? Les planificateurs financiers récoltent 52%, les courtiers 36% et les simples vendeurs 20%. J’en déduis que si mon directeur me félicite pour mes qualités de vendeur, je devrais me demander si mes clients m’accordent autant de mérite, mais revenons à mon histoire.

Devant l’insistance de mon client, et comme il s’agissait du dernier rendez-vous de la journée, j’acceptai d’entrer, bien conscient que je ne conclurai rien. On s’installe au salon. Le beau-frère se remet à commenter la fraude à sa manière et termine en disant qu’en finance « c’est tous des voleurs et des menteurs. »

Là c’est le moment de vérité. De votre réponse dépendra le reste de votre rencontre avec ce client. Posez-vous sincèrement la question : comment réagiriez-vous ? Évitez les réponses toutes faites qui ne veulent rien dire, vous devez répondre sincèrement. Plus encore, il faut que votre regard, votre intonation et votre langage non verbal soient impeccables. Si vous tournez autour du pot, comme un politicien, vous perdrez ce client. Voici donc comment j’ai réagi ce soir-là.

« Savez-vous une chose, moi aussi j’ai été volé par Vincent Lacroix. Non, je n’ai pas perdu d’argent, mais il m’a volé une chose plus importante encore à mes yeux. Il m’a volé ma réputation en tant que conseiller financier.  Des gens comme lui font que le public nous place, moi et les autres conseillers, dans le même bateau qu’eux, celui des arnaqueurs. Alors la seule chose que je peux rajouter, à propos de cette fraude, c’est que j’enrage intérieurement autant que vous. Avez-vous pensé à une chose : tous les gens qui travaillaient pour Norbourg et qui ne savaient rien des magouilles de leurs chefs, comment pensez-vous qu’ils se sentent aujourd’hui ? Eux aussi ont été volés, pourtant personne ne parle d’eux dans les médias. »

Le silence qui a suivi mes propos a duré quelques secondes, mais le résultat a été concluant pour le beau-frère : « Monsieur, prendriez-vous une petite bière ?  Quel est votre nom déjà ? ».  Il ne faut pas boire pendant le travail, mais j’ai accepté la « petite bière » tendue par le beau-frère souriant. L’atmosphère s’est soudainement détendue. J’avais gagné leur confiance.

Dans le mois qui a suivi, j’ai revu ce client et nous avons signé un contrat. Trois mois plus tard, le « beau-frère d’Abitibi » m’a téléphoné et nous avons programmé une rencontre pour parler de ses affaires.

Au cours de ma carrière, tant en assurance qu’en valeurs mobilières, j’ai côtoyé des Vincent juniors, certains ont été pris, mais d’autres non. C’est la confiance que nos clients nous accordent qui assure le succès ou la médiocrité en carrière. Dans un rapport comptable, cette intangible confiance s’appelle l’achalandage et il détermine la valeur à long terme d’une entreprise. Quelle est la valeur de votre achalandage comme conseiller ?

Ce texte débute une série sur Comment gagner la confiance des clients. Si le cœur vous en dit et si l’intangible confiance des clients est quelque chose qui vous motive, racontez-moi ce que vous avez vécu. Vous avez sûrement aussi des histoires à raconter.

Envoyez un courriel à conseiller@newcom.ca en précisant mon nom « Bernard Viau » dans le sujet du courriel.

Bernard Viau