Compte non enregistré au décès : « rouler » ou ne pas « rouler »?

Par Laurie-Anne Gagnon | 12 novembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Votre client vous informe que son père est décédé en juin dernier et qu’il est le liquidateur de sa succession. Son père détenait un compte non enregistré dont vous vous occupiez. Sa mère est l’héritière de tous les biens en pleine propriété. Que doit faire votre client à l’égard du compte?

Afin de l’épauler, vous lui suggérez une rencontre avec son comptable. Après l’analyse fiscale du dossier, ce dernier propose une planification à l’égard du compte non enregistré, un portefeuille diversifié dont la juste valeur marchande (JVM) au décès était de 500 000 $ et le coût1, de 150 000 $.

Votre client apprend qu’il y a plusieurs étapes lors du règlement d’une succession et que divers choix fiscaux sont disponibles afin de payer le moins d’impôt possible au décès.

On l’informe également qu’il y a généralement disposition réputée de la majorité des actifs d’un défunt à leur JVM au décès. Cependant, sous certaines conditions, lorsqu’un conjoint hérite des biens, cette disposition s’effectue automatiquement au coût, entraînant un transfert libre d’impôt (« roulement »)2.

Le liquidateur peut toutefois effectuer un choix fiscal afin de ne pas appliquer ce roulement3, entraînant ainsi une disposition réputée à la JVM au décès.

Disposition réputée au coût d’une partie du portefeuille

Dans un premier temps, le comptable suggère l’application du roulement automatique sur une partie des titres ayant une valeur de 200 000 $ et un coût fiscal de 50 000 $. Madame acquerra ainsi ces titres à leur coût, soit 50 000 $. Afin qu’elle puisse bénéficier du roulement, le comptable explique l’importance de ne pas vendre ces titres avant leur transfert au compte non enregistré de madame. Toute plus-value accumulée sur cette partie du portefeuille depuis la date du décès deviendra imposable dans les mains de madame lorsqu’elle en disposera ou lors de son décès.

Disposition réputée du solde du portefeuille à sa JVM au décès

Dans un deuxième temps, voici ce qu’il propose relativement aux autres titres qui composaient le portefeuille au moment du décès. Compte tenu que le défunt a des pertes en capital déductibles de 100 000 $ provenant d’années antérieures, il pourrait être intéressant de se prévaloir du choix fiscal4 permettant une disposition réputée à la JVM au décès. En effet, la loi permet de faire un choix bien par bien afin de ne pas appliquer le roulement automatique.

Ainsi, ce choix sera effectué sur les titres restants, d’une valeur globale de 300 000 $ et d’un coût de 100 000 $. Il permettra de réaliser un gain en capital imposable de 100 000 $, soit 200 000 $ de gain, dont 50 % est imposable, sur le portefeuille l’année du décès et éliminera en totalité les pertes des années antérieures. Le défunt ne paiera ainsi aucun impôt sur la plus-value accumulée jusqu’à la date du décès dans son compte non enregistré.

Ce faisant, le coût de ces titres pour la succession sera de 300 000 $, soit leur valeur en date du décès.

Une fois le règlement de la succession terminé et au moment du transfert de cette partie du portefeuille à l’héritière, il y aura deux possibilités.

Sous certaines conditions, elle pourra bénéficier d’un transfert automatique de la succession en sa faveur au coût de 300 000 $5.

Sinon, on pourrait plutôt choisir d’imposer la succession sur la plus-value générée entre la date du décès et le transfert à madame6. Un tel choix est avantageux si l’on veut profiter des taux progressifs dont bénéficie une succession sur son revenu imposable pour une période maximale de 36 mois suivant la date du décès, ou encore utiliser des pertes de la succession, le cas échéant.

Si, au moment du transfert, ces titres avaient une valeur de 330 000 $, le liquidateur pourrait imposer la plus-value accumulée depuis le décès, correspondant à un gain en capital imposable de 15 000 $ ((330 000 $ – 300 000 $) x 50 %), dans la déclaration de revenus finale de la succession. Le coût des titres pour madame serait alors de 330 000 $.

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Lors d’un décès, le liquidateur devrait donc demander l’aide d’un expert afin de prendre le chemin optimal parmi les multiples choix fiscaux disponibles durant le règlement de la succession.

Laurie-Anne Gagnon, LL.B, M.Fisc, est conseillère principale, Fiscalité, retraite et succession, à Trust Banque Nationale.


1 Généralement, il s’agit du prix initialement payé plus certains ajustements fiscaux. 2 Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), paragraphe 70(6) 3 Paragraphe 70(6.2) LIR 4 Dans la déclaration de revenus finale du défunt. 5 Paragraphe 107(2) LIR 6 Paragraphes 107(2.001) et 107(2.1) LIR


• Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2019 de Conseiller. Vous pouvez consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Femme effectuant un travail de comptabilité.

Laurie-Anne Gagnon

Laurie-Anne Gagnon , ­LL.B, M.Fisc, est conseillère principale, ­Fiscalité, retraite et succession, à ­Trust ­Banque ­Nationale.