Fiscalité : peut-on encore prêter de l’argent à son conjoint?

Par Mathieu Huot | 23 mars 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Un couple en pleine réflexion
Photo : Dean Mitchell / istockphoto

Comme nous le savons, les règles de certaines stratégies de fractionnement de revenu ont été resserrées avec la réforme Morneau. Il est toutefois toujours possible de prêter une partie de ses placements non enregistrés à son conjoint au taux prescrit pour permettre un fractionnement des revenus de placement sans être assujetti aux règles d’attribution.

MOINS INTÉRESSANT?

Depuis avril 2018, le taux prescrit qui doit être utilisé pour prêter la somme d’argent est passé de 1 % à 2 %. Cela réduit l’avantage fiscal, certes, mais voyons s’il est encore possible de faire des économies d’impôt intéressantes.

J’ai rencontré dernièrement une professionnelle ayant vendu les actions de sa pratique dentaire. Après impôt, il lui restait personnellement une somme de 1 200 000 $. Dans le contrat signé lors de la vente, elle s’engage à continuer de travailler de façon autonome durant une période de deux ans. Son revenu annuel oscillera autour de 175 000 $. Son conjoint, déjà à la retraite, reçoit uniquement sa rente d’un montant annuel de 42 000 $.

Le tableau « Situation actuelle » illustre ce qu’il advient si aucun prêt n’est effectué.

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Voyons maintenant ce qui arrive si l’on prête au conjoint la somme de 1 200 000 $ au taux prescrit de 2 % (tableau « Situation avec prêt au conjoint »).

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Nous remarquons une économie d’impôt annuelle de 4 725 $ (169 207 $ – 164 482 $).

L’économie d’impôt annuelle serait d’environ 1 900 $ dans le cas d’un prêt de 500 000 $. Nous constatons donc que les sommes prêtées doivent être relativement importantes pour obtenir un avantage fiscal intéressant.

Puisqu’il s’agit d’un prêt, il est important qu’un contrat soit dressé devant un juriste, afin que toutes les clauses nécessaires soient comprises.

Les intérêts doivent être payés avant le 30 janvier de l’année suivante. Autrement, les règles d’attribution s’appliqueront1. La première année du prêt, les intérêts seront calculés au prorata du nombre de mois où il a été effectué. Nous recommandons de conserver une copie du chèque dans le dossier.

QUELLE EST LA PLACE DE LA FIDUCIE?

Lorsque l’on prête une somme d’argent directement à son conjoint, c’est dorénavant lui qui doit déterminer la politique de placement. Il se peut que le prêteur veuille conserver un contrôle sur les décisions ou la répartition du portefeuille. Dans ce cas, il peut être intéressant de considérer la mise en place d’une fiducie familiale pour effectuer le prêt.

Dans ces conditions, le prêteur pourra être nommé comme fiduciaire et ainsi conserver le contrôle sur la gestion d’actif. La fiducie permet aussi d’intégrer plusieurs bénéficiaires, comme le conjoint, les enfants et même les petits-enfants. Le fiduciaire aura le pouvoir de déterminer annuellement la répartition des revenus de placement à attribuer à chacun des bénéficiaires.

La fiducie familiale comporte toutefois des frais supplémentaires de plusieurs milliers de dollars. Le coût initial de la constitution de la fiducie et de la préparation du rapport d’impôt annuel n’a pas à être déboursé lorsque l’on effectue un prêt directement au conjoint.

La décision de choisir l’un plutôt que l’autre dépendra des objectifs recherchés par le prêteur. Il est donc important de bien comprendre la situation financière du client avant de recommander ce type de stratégie.

Mathieu Huot, M.Fisc., Pl. Fin., CIM, est fiscaliste, planificateur financier et gestionnaire de portefeuille agréé à IG Gestion de patrimoine.

1 Article 74.5(2) LIR


• Ce texte est paru dans l’édition de mars 2020 de Conseiller. Vous pouvez consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Mathieu Huot