Santé financière de nos retraités : un diagnostic inquiétant

Par Sylvain B. Tremblay | 3 mai 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Lorsqu’on se penche sur leur situation financière, les retraités peuvent être divisés en trois catégories : les prestataires d’un régime à prestations déterminées, ceux qui bénéficient d’un régime de retraite à cotisation déterminée et ceux qui ne profitent d’aucun régime.

Selon Statistique Canada, les «sans régime» représentent pas moins de 75% de la population! Ils seront appelés à relever d’importants défis au cours des prochaines années.

Dans la deuxième moitié du 20e siècle, on commençait à travailler à 15 ans, on prenait notre retraite à 65 ans et on mourait à 70 ans. Aujourd’hui, on débute sa carrière entre 20 et 25 ans, on part à la retraite à 60 ans et on quitte ce bas monde souvent bien après 85 ans, selon mes propres observations et les conclusions que j’ai pu tirer d’une conversation avec le démographe Yves Carrière, de l’Université de Montréal.

Nous sommes donc passés de 50 à 35 ans de «préparation» de la retraite, alors que cette dernière s’étire, elle, de 5 à 25 ans. Comble de malheur, le taux d’épargne a diminué de 5 à 3% du revenu pendant cette même période. En 2015, il y avait au Canada plus de 8 000 centenaires, dont 30% n’étaient pas placés en institution, selon Statistique Canada… On ne peut pas dire que la situation s’est améliorée.

En 2014, 1,5million de Québécois ont cotisé à leur REER pour une valeur annuelle médiane de 2600$! Seuls la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ont fait pire. Navrant! La même année, le revenu brut médian des 5,5 millions de Canadiens de 65 ans et plus ayant produit une déclaration de revenus était de 25910$, incluant les prestations versées par le Régime de rentes du Québec (RRQ) et la pension de la Sécurité de la vieillesse.

Maigre consolation, cependant, les Canadiens détenaient en 2012 autant d’épargne hors REER que d’épargne dans un REER, pour un total de 2 000 G$. Tout n’est donc pas perdu.

L’OPTION RVER

Afin de venir en aide à nos concitoyens sans régime, le gouvernement du Québec a mis en place le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER), auquel doivent adhérer avant le 31 décembre de cette année tous les employeurs qui comptaient au moins 5 employés le 31 décembre de l’année précédente et qui n’offraient pas déjà un régime de retraite collectif. Cela permet ainsi aux travailleurs d’épargner à partir de cotisations prélevées directement sur leur salaire.

Jusqu’à présent, peu d’efforts ont été déployés par le secteur des services financiers pour commercialiser ce type de régime, car il serait moins avantageux que d’autres options comme le REER collectif en raison de son administration plus lourde, son manque de souplesse et ses choix de placement limités. La rémunération y étant rattachée reste aussi plutôt anémique.

De plus, comme la cotisation au régime est volontaire et qu’elle ne comporte pas de volet contributif (portion versée par l’employeur), les participants potentiels y attachent malheureusement trop peu d’importance. Il y a fort à parier que cette initiative, bien qu’elle soit louable, ne donne que très peu de résultats à brève échéance.

LA CIGALE ET LA FOURMI 

Divisons maintenant les «sans régime» en deux sous-catégories : les prévoyants et les insouciants.

Les prévoyants, ayant fait leurs devoirs, arrivent à la retraite généralement assez bien nantis, ayant progressivement amassé du capital dans un REER, un CELI et souvent dans des comptes de placement non enregistrés, pour ne nommer que ces trois possibilités. Il n’est pas rare de rencontrer dans cette sous-catégorie des épargnants qui disposent d’un, voire même de plusieurs millions de dollars.

Qu’en est-il alors de leur situation à la retraite? Comme les taux d’intérêt restent assez bas (le gouvernement fédéral a même fait disparaître le programme d’obligations d’épargne du Canada, coûtant plus cher à administrer que ce qu’il rapportait), l’épargnant devra exposer son portefeuille à un niveau de risque plus élevé afin d’obtenir un meilleur potentiel de rendement… et tout le stress qui va avec.

Selon les Normes d’hypothèses de projection publiées annuellement sur le site web de l’Institut québécois de planification financière, on peut espérer obtenir d’un portefeuille équilibré un rendement brut moyen de 5% au cours des prochaines années. On obtient ainsi un revenu de 50000$ par million de dollars en placement sans devoir entamer le capital. Si on y ajoute les prestations maximales en provenance des régimes publics, on se retrouve avec près de 70000$! Ça vaut la peine de prévoir un peu…

Quant aux insouciants, ils devront continuer à travailler, se satisfaire du revenu de pension versé par l’État… ou tout simplement attendre leur potentiel héritage.

La santé financière de nos retraités n’est donc pas très bonne. Heureusement, la plupart d’entre eux bénéficient des prestations des régimes publics. Une question se pose cependant : combien de temps ces régimes résisteront-ils aux pressions créées par le vieillissement de notre population?

sylvain_b_tremblay_thumb_150x150 Sylvain B. Tremblay, Adm.A., Pl. Fin., est vice-président, Gestion privée à Optimum Gestion de placements.


• Ce texte est paru dans l’édition de mai 2018 de Conseiller.

Sylvain B. Tremblay