La chute des marchés n’est pas seulement due au coronavirus

Par La rédaction | 27 mars 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
3 minutes de lecture
Photo : ffikretow / istockphoto

Bien avant le début de la crise sanitaire actuelle, les cours des Bourses mondiales étaient déjà largement déconnectés des bases économiques, estime l’économiste française Valérie Mignon.

Dans une chronique publiée jeudi par La Tribune de l’économie, la chercheure à EconomiX-CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et professeure à l’Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières juge que le récent effondrement des grandes places financières résulte de deux principaux facteurs.

Le premier facteur, prévisible, est qu’« une correction à la baisse des marchés financiers était à attendre, indépendamment de la crise sanitaire actuelle ». Certes, reconnaît-elle, l’ampleur de cet ajustement est inédite, mais « la chute ne constitue pas, en soi, une surprise », et il en va de même en ce qui concerne l’effondrement du prix de l’or noir, véritable « baromètre » de l’économie mondiale.

DES BOURSES DÉCONNECTÉES DE LA VRAIE VIE

Revenant sur l’année écoulée, marquée selon elle par « une certaine euphorie », voire une « bulle financière », Valérie Mignon note que les marchés ont alors enregistré des performances « exceptionnelles » (+32 % pour le Nasdaq et +29 % pour le S&P 500, par exemple). Pourtant, souligne la chercheure, le contexte de 2019 était pour le moins morose, avec notamment un ralentissement économique global, l’érosion de la croissance des pays émergents, l’avenir de l’Union européenne après le Brexit ou encore la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis.

Autant d’événements susceptibles d’alimenter l’incertitude économique, explique-t-elle, encore aggravée par « le caractère accommodant des politiques monétaires menées par les banques centrales », puisque, d’ordinaire, « de telles politiques sont plutôt observées en période de récession ». Au final, estime la chercheure, 2019 apparaît donc comme « une année où les cours boursiers étaient déconnectés des fondamentaux économiques ». Autrement dit, précise-t-elle, « les marchés financiers et l’économie réelle n’étaient pas en phase et, si une situation doit être considérée comme anormale, c’est bien celle-ci ».

Résultat : les mouvements actuels sur les places financières internationales ne sont rien d’autre qu’une « correction », soutient l’économiste. La raison? Indépendamment de la crainte directement liée à la pandémie, l’incertitude économique demeure en effet « très importante » partout sur la planète et se concrétise par « une très forte volatilité sur les marchés financiers, qui font le yoyo et reviennent ainsi vers les fondamentaux économiques ».

« LE SPECTRE D’UNE RÉCESSION EST UNE RÉALITÉ »

C’est dans ce contexte économique plus que précaire qu’est survenu le second facteur, imprévisible : la pandémie de COVID-19, qui a déjà largement contribué à freiner l’activité mondiale. Si la Chine a été la première à en subir les conséquences, le rôle central qu’elle occupe dans les échanges internationaux fait en sorte qu’un très grand nombre d’entreprises partout sur la planète dépendent aujourd’hui des biens qu’elle exporte. D’où des perspectives de croissance revues largement à la baisse dans la plupart des pays. « Les répercussions économiques sont et seront très lourdes et le spectre d’une récession mondiale est désormais, à l’évidence, une réalité », affirme Valérie Mignon.

Sa conclusion? Si le coronavirus a bel et bien ralenti l’activité économique mondiale puis affecté les marchés financiers, « il n’en reste pas moins que la crise financière était latente » et que la pandémie n’a fait qu’en « accélérer le déclenchement ». Par ailleurs, ajoute-t-elle, « un effet boomerang est à craindre, avec le risque d’entrer dans un cercle vicieux » : « Le très fort ralentissement économique auquel nous assistons pousse en effet nombre d’investisseurs à vendre leurs actions. En procédant de la sorte, ceux-ci alimentent et renforcent la baisse sur les marchés, créant à nouveau des répercussions sur l’économie réelle en affaiblissant encore plus les entreprises. Ces phénomènes, bien connus en finance, renvoient à ce que les économistes qualifient de prophéties autoréalisatrices. »

La rédaction