La durabilité n’est pas encore perçue comme rentable

Par La rédaction | 20 avril 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Au cours des deux dernières années, ce sont plus d’un milliard de dollars qui ont été investis dans les fonds ESG. Est-ce à dire que tout le monde voit maintenant la valeur commerciale de la durabilité ? Pas vraiment !

Selon un article publié par Harvard Business Review, de nombreux dirigeants sont toujours plus enclins à dépenser de l’argent pour les équipements informatiques que de financer des projets visant la réduction de la consommation d’énergie, l’utilisation des énergies renouvelables ou pour payer des salaires décents à leurs employés. Quand il s’agit d’investir dans l’avenir de l’entreprise et de l’humanité, ils hésitent.

Selon les auteurs, cinq raisons expliquent pourquoi la durabilité n’est pas encore perçue comme rentable.

  1. LES CHIFFRES NE DISENT PAS TOUT SUR LES COÛTS RÉELS.

Chaque tonne de carbone émise augmente légèrement la température de la planète et réduit la qualité de l’air, mais les entreprises ne paient jamais ces coûts (aussi appelés externalités). Elles obtiennent même des subventions gouvernementales pour faire des choses moins durables — brûler des combustibles fossiles, par exemple.

La solution ? Fixer le prix de ce qui n’est pas tarifé. De nombreuses entreprises de premier plan internalisent les externalités en mettant un « prix fictif » sur le carbone à l’intérieur de l’entreprise (certaines perçoivent de l’argent réel sous forme de taxe auto-imposée). L’augmentation du prix du carbone ou d’autres intrants entraîne différentes décisions en matière de capital et d’investissement.

2. ON EST TROMPÉ PAR NOS PROPRES PRÉJUGÉS.

Même lorsque le choix durable est plus rentable, cela ne signifie pas que les gens optent pour lui. Personne n’est à l’abri, pas même les PDG, les directeurs financiers ou les banquiers des préjugés qui influencent la prise de décisions. Ces biais portent les individus à choisir la voie la plus connue — comme investir dans les combustibles fossiles.

La solution ? Diversifier le groupe de personnes qui prend les décisions. Pourquoi ne pas faire participer la société civile comme des ONG qui peuvent aider à éduquer sur des enjeux spécifiques ? Pour débusquer les vieilles idées, il serait intéressant d’inviter les plus jeunes générations à donner leur point de vue. Elles n’attendent que ça de trouver des solutions qui améliorent la vie des personnes et la planète dans une perspective à plus long terme.

3. ON EST TROP CONCENTRÉ SUR LES COUTS ET LES AVANTAGES A COURT TERME.

S’il est faux de dire que la durabilité coûte toujours plus cher, il n’est pas plus exact de prétendre qu’elle est toujours payante, du moins à court terme. Le coût de certaines technologies est forcément plus cher jusqu’à ce qu’elles se déploient à une plus grande échelle.

La solution ? Il y a lieu de redéfinir les critères pour les décisions d’investissement. Le retour sur investissement n’est pas forcément le plus approprié (il n’est pas le seul, en tout cas). Au lieu de cela, il faut trouver et internaliser les données qui prouvent la valeur des décisions à long terme.

4. ON PENSE EN VASE CLOS.

Offrir de meilleurs salaires augmente les coûts de façon immédiate, c’est indéniable. Mais ne considérer que ce chiffre ne donne qu’une vue partielle et étroite sur le choix d’investissement. Il faut inclure dans le calcul les avantages intangibles : l’attraction et la rétention des talents, des travailleurs plus productifs, des relations plus solides avec les communautés, et une meilleure (et vraie) histoire à raconter aux clients sur l’impact net positif de l’entreprise sur le monde.

La solution ? Encore une fois, le retour sur investissement et d’autres outils ne fonctionnent pas correctement ici. Il faut avoir une vue plus systématique sur les liens entre le traitement des travailleurs et les nombreux leviers de la réussite commerciale pour avoir une vue plus complète et positive.

5. NE PAS PRENDRE EN COMPTE LE PLUS GROS COÛT QUI EST DE NE PAS AGIR.

Selon le géant de l’assurance Swiss Re, ne pas agir sur le climat réduira le PIB mondial de 18 % environ d’ici 2050. Ce chiffre, même s’il équivaut à une dépression économique majeure, peut sembler acceptable. Pourtant, il ne raconte qu’une histoire partielle. Certaines régions, comme le Canada ou la Sibérie, peuvent en fait connaître des saisons de croissance plus longues et des gains économiques. Mais de nombreux autres endroits, comme Miami, de vastes parties du Bangladesh et toutes les nations insulaires basses, seront inondés de façon permanente. Certaines villes deviendront trop chaudes pour y vivre. Le risque de déclin pour ces économies régionales n’est pas de 18 %, mais plutôt de 100%.

La solution ? Il faut apprendre à penser en termes nets positifs et voir plus loin que la situation locale pour évaluer les grandes tendances qui évoluent de façon non linéaire : le changement climatique, les inégalités sociales, la surutilisation des ressources, l’économie des technologies propres, la désinformation, et plus encore. Les entreprises doivent évaluer les risques — elles seront bientôt tenues de le faire de toute façon avec les exigences de divulgation des régulateurs qui sont annoncées. C’est en apprenant à penser en termes nets positifs en travaillant sur les défis systémiques avec d’autres acteurs (ONG, gouvernements, citoyens) que l’on pourra résoudre le défi climatique au profit de tous.