La hausse des taux fera-t-elle une trêve?

Par La rédaction | 14 janvier 2019 | Dernière mise à jour le 27 février 2024
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Les analystes se perdent en conjectures pour tenter de prévoir le moment de la prochaine hausse des taux d’intérêt de la Banque du Canada (BoC), suivant les récentes déclarations très vagues de son gouverneur Stephen Poloz.

Dans un article publié dans Le Devoir, l’économiste du Mouvement Desjardins, Benoit P. Durocher, voit la Banque du Canada faire une pause jusqu’en juillet, après avoir rehaussé son taux directeur trois fois de 0,25 points de pourcentage l’an dernier. De son côté, Brian De Pratto, économiste de la Banque TD, prévoit une nouvelle hausse dès le printemps, à condition que l’économie évolue comme prévu.

Le 9 janvier dernier, la BoC a laissé son taux directeur inchangé à 1,75 %. M. Poloz a ajouté qu’elle avait toujours l’intention d’augmenter « avec le temps » ses taux d’intérêt. Une déclaration que lui-même a qualifiée de vague et qui obscurcie la boule de cristal des analystes. Il a précisé sa pensée en ajoutant que le rythme de l’augmentation des taux n’est pas déterminé à l’avance et dépendra des données économiques. 

TROU D’AIR ÉCONOMIQUE

Or, justement, les données montrent un certain essoufflement économique au Canada, engendré par l’impact beaucoup plus important que prévu des conflits commerciaux, de la chute des prix du pétrole et du ralentissement du marché immobilier. Ainsi, dans ses plus récentes prévisions, la BoC se montre moins optimiste qu’en octobre dernier. Elle réduit ses prévisions de croissance de l’économie mondiale pour 2018 de 3,8 % à 3,7 %, mais conserve sa prédiction de 3,4 % pour 2019 et 2020. 

C’est important pour le Canada, un pays dont l’économie repose pour une part importante sur l’exportation de ressources, dont le pétrole. Une croissance mondiale moins forte réduit la demande pour ces produits. Le secteur pétrolier et gazier canadien devrait accuser un recul de 12 % cette année et amputer le PIB canadien d’environ 0,5 % d’ici la fin de 2020.

La croissance des salaires reste faible et la remontée du marché immobilier est plus lente que prévu. Pour la BoC, l’économie canadienne repose sur des bases solides, mais doit tout de même surmonter un petit ralentissement. Elle évalue à 2 % sa croissance en 2018 (contre le 2,1 % qu’elle prévoyait en octobre) et abaisse à 1,7 % sa prévision pour 2019.

TROP HAUT, TROP VITE?

Cela explique que la BoC pourrait retarder sa prochaine hausse. Pour certains analystes de marché, toutefois, elle serait peut-être déjà allée trop loin. Du côté de Bloomberg, on souligne que la consommation plus faible que prévue et la relative faiblesse du marché immobilier soulèvent une question : la BoC a-t-elle augmenté ses taux trop rapidement?

« La Banque du Canada a augmenté et continuera d’augmenter [ses taux] dans un ralentissement plus prononcé qu’aux États-Unis », avance Frances Donald, directrice de la stratégie macroéconomique à Manuvie Gesition de patrimoine. Elle suggère même de parier sur cette politique erronée sur les marchés obligataires.

Pour David Rosenberg, économiste en chef de Gluskin Sheff + Associates, le fait de voir la BoC continuer de discuter d’augmenter ses taux montrerait qu’elle évalue mal la force de son impact sur l’économie. Il croit qu’elle a déjà trop remonté ses taux et ne s’étonnerait pas qu’elle procède bientôt à une baisse, plutôt qu’à une nouvelle hausse.

La BoC continue d’estimer sont taux neutre quelque part entre 2,5 % et 3,5 %, ce qui laisse supposer qu’elle a encore au moins trois nouvelles hausses dans ses cartons. Toutefois, les positions actuelles sur le marché montrent que peu de gens croient que la BoC se rendra même jusqu’à 2,5 % dans les cinq prochaines années.

La rédaction