Québec prive le Fonds des générations de revenus en croissance

Par La Presse Canadienne | 1 Décembre 2023 | Dernière mise à jour le 30 novembre 2023
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Mine à ciel ouvert, Malartic, Québec, Canada
Claude Laprise / iStock

En excluant les redevances minières, Québec prive le Fonds des générations d’une source de revenus avec un fort potentiel de croissance. La décision n’est pas équitable pour les générations futures, dénonce Force Jeunesse.

« Il y a de grandes volontés gouvernementales en matière d’exploitation minière, notamment avec la filière batterie, souligne la présidente de l’organisme, Laurianne Dery, en entrevue en marge d’une commission parlementaire, jeudi. On se dit que potentiellement dans le futur, c’est un secteur qui risque d’avoir des revenus croissants et très intéressants. »

Les revenus des redevances minières atteignaient près de 926 millions de dollars en 2021, selon les estimations les plus récentes du ministère des Ressources naturelles et des forêts. Ces redevances ne sont plus versées au Fonds des générations afin de financer la récente baisse d’impôt du gouvernement Legault.

Laurianne Dery juge que les redevances minières avaient aussi une fonction de symbole en faveur de l’équité intergénérationnelle. « Ce sont des revenus qui sont issus d’une ressource limitée, qui bénéficient actuellement à une seule génération ou à deux alors que ça pourrait faire bénéficier les prochaines. »

Le symbole n’est pas aussi fort pour la taxe spécifique sur les boissons alcooliques, qui n’est plus versée au Fonds des générations. L’alcool n’est pas une source de revenus qui disparaît. « Le lien est un peu moins fort idéologiquement », répond-elle.

Dans son mémoire, Force Jeunesse recommande également que le Fonds des générations adopte une politique ESG renforcée pour ses investissements afin d’assurer d’une équité générationnelle environnementale.

En commission parlementaire, Laurianne Dery a réitéré que l’objectif principal du Fonds devait rester la réduction de la dette financière à long terme, mais qu’il n’était pas incompatible avec une politique d’investissement qui tiendrait davantage compte des critères environnementaux.

Le Fonds des générations a été créé en 2006 par le gouvernement Charest pour réduire le poids de la dette. Force Jeunesse avait contribué à sa création.

Même si le gouvernement a retiré certaines sources de revenus au Fonds des générations, Québec prévoit toujours réduire le poids de sa dette à long terme. Son objectif est de ramener le poids de la dette nette à 30 % de l’économie québécoise d’ici 15 ans.

En 2010, Québec s’est donné l’objectif de ramener le poids de la dette brute à 45 % du PIB pour l’année financière 2025-2026. Lors de la présentation du plus récent budget de mars dernier, la dette nette représentait 37,4 % du PIB.

UN FONDS TROP GROS?

Plus tard en commission parlementaire, le ministre des Finances, Eric Girard, a plutôt évoqué le risque que le Fonds des générations devienne trop gros par rapport à la taille de la dette du Québec, lors d’un échange avec un professeur de HEC, Pierre-Carl Michaud.

Faire des déficits en même temps qu’on verse de l’argent dans le Fonds des générations revient à faire le pari que les rendements du portefeuille du Fonds des générations seront supérieurs aux intérêts payés sur les obligations émises par le gouvernement du Québec.

Or, cette prime de risque vient, comme le dit son nom, avec un risque, a expliqué Pierre-Carl Michaud, car il est possible que les rendements soient inférieurs. Le professeur a mentionné aussi que les taux obligataires avaient augmenté, ce qui réduit l’attrait de la prime de risque.

Il a invité le gouvernement à mitiger ce risque en s’assurant que le Fonds des générations ne devienne pas trop grand par rapport à la dette. « On peut faire la même stratégie, consacrer les mêmes montants à la réduction de la dette, sans nécessairement les mettre dans le Fonds (en réduisant immédiatement les émissions d’obligations). »

Eric Girard a exprimé son accord avec l’analyse du professeur et a mentionné que la prime de risque du Fonds des générations n’était pas « un repas gratuit ». « Le seul problème, c’est qu’il y a des années où les rendements sont négatifs et que ça prend plusieurs années pour récupérer ça. »

Dans sa mise à jour économique présentée cet automne, Québec prévoit que le Fonds des générations atteindra 18,7 milliards de dollars (G$) au 31 mars 2024, soit 8,6 % de la dette nette.

Le gouvernement prévoit retirer 2,5 G$, annuellement, du Fonds au cours des deux prochains exercices. Ces sommes seront consacrées au remboursement de la dette. « À 10 %, on commence à se poser de sérieuses questions et, à 20 %, on est pas mal certains qu’on est trop gros », a dit le ministre.

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