Réforme de la finance mondiale

Par La Presse Canadienne | 10 juillet 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les défenseurs de l’aide à l’étranger et du climat affirment qu’Ottawa doit faire beaucoup plus pour aider les pays en développement à se préparer au chaos climatique sans se ruiner, après la contribution peu inspirante du Canada à un sommet visant à réformer la finance mondiale le mois dernier.

Le président français Emmanuel Macron a accueilli à Paris le sommet réunissant des dirigeants d’Afrique et de petits États insulaires ainsi que des pays riches et des institutions financières.

Le nouveau pacte de financement mondial visait à commencer à transformer les systèmes utilisés par les pays en développement pour emprunter, rechercher des renflouements et rembourser des prêts, par exemple par l’intermédiaire de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI).

La réunion a eu lieu alors que les pays du monde en développement sont confrontés à des catastrophes naturelles dévastatrices, à des pandémies et à l’inflation qui les ont rendus incapables de rembourser leurs prêts, avec peu de fonds pour tenir leurs promesses de protéger la biodiversité.

Caroline Brouillette, directrice générale du Réseau action climat Canada, a déclaré que les banques multilatérales de développement ne travaillaient pas face à la convergence des crises du climat et de la dette.

Selon elle, prêter plus d’argent ne fait qu’alimenter davantage ce cycle d’endettement.

Le gouvernement libéral fédéral s’est déjà dit favorable à la réforme des institutions financières internationales et la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a souligné la question devant l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre dernier.

Le premier ministre Justin Trudeau copréside également un groupe des Nations Unies qui défend les objectifs de développement durable avec la première ministre de la Barbade, Mia Mottley. Les deux ont fait pression pour une réforme du financement international afin d’aider les États des Caraïbes à faire face à la montée du niveau des océans et à des tempêtes de plus en plus violentes.

PRÉSENCE DISCRÈTE DU CANADA

Selon des défenseurs, Ottawa n’a pas montré comment il prévoit de faire pression pour réformer le système de financement, et ils ont remarqué la présence relativement discrète du Canada au sommet du président Macron le mois dernier.

Parmi les participants figuraient Emmanuel Macron et Mia Mottley, qui ont co-organisé l’événement, le chancelier allemand Olaf Scholz, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen.

Le Canada a envoyé le ministre du Développement international Harjit Sajjan à Paris, au lieu de Justin Trudeau, de Mélanie Joly ou de la ministre des Finances Chrystia Freeland.

« Ça envoie un signal politique vraiment inquiétant sur la participation du Canada à cette conversation internationale extrêmement importante », a souligné Caroline Brouillette.

Elle a dit qu’elle était également perplexe que le Canada ne soit pas signataire d’une lettre conjointe appelant à une réforme du financement mondial, publiée dans le journal The Guardian avant le sommet.

La lettre a été signée par le président américain Joe Biden, ainsi que par les dirigeants de l’Afrique du Sud, du Brésil, du Sénégal et de tous les pays du G7, à l’exception de l’Italie et du Canada. Les signataires font partie du comité directeur qui a travaillé ensemble pour lancer le sommet, auquel le Canada n’a pas participé non plus.

La lettre indiquait que les pays en développement devraient pouvoir connaître une croissance économique tout en réduisant leurs émissions de carbone, au lieu de devoir faire face au poids du changement climatique.

Le Canada a publié un éditorial similaire dans le même journal avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie, mais il a été signé par le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault, et non par Justin Trudeau.

PEU DE FINANCEMENT

Le sommet s’est terminé par un projet de déclaration et des poches de financement relativement petites de divers pays. Du Canada, il y avait 50 millions de dollars (M$) pour un programme visant à attirer des projets de financement aidant les femmes et les minorités en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Jean-François Tardif, chercheur à Résultats Canada, a dit qu’il espérait que le Canada aurait annoncé quelque chose à Paris sur le sujet actuel, à savoir la réforme des banques multilatérales de développement. Il a jugé que c’était une occasion manquée.

Un communiqué de presse d’Affaires mondiales Canada a déclaré que pendant son séjour à Paris, Harjit Sajjan a évoqué la nécessité d’une « nouvelle architecture financière féministe » et d’un mélange d’investissements publics et privés pour inverser le recul des objectifs de développement durable.

Le bureau du ministre Steven Guilbeault a noté dans un communiqué le travail continu d’Ottawa sur la biodiversité et le travail multilatéral pour obtenir 100 G$ de dollars américains de financement pour les initiatives climatiques.

Jean-François Tardif a noté que le Canada a été parmi les premiers pays à faire pression pour que les banques multilatérales de développement réaménagent les prêts inutilisés dans leurs bilans afin d’obtenir plus d’argent pour les pays dans le besoin.

Il a également été parmi les premiers à se réapproprier un actif ponctuel du FMI utilisé pour financer les vaccins contre la COVID-19, un processus connu sous le nom de droits de tirage spéciaux, et à le détourner vers les pays les plus pauvres.

Cette décision a permis aux pays disposant de réserves de change limitées de contracter davantage de prêts. Cependant, Ottawa a détourné trois fois plus de fonds pour l’Ukraine que pour l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes réunies, selon une analyse de l’organisation Campagne ONE.

Jean-François Tardif a souligné que des pays comme le Canada pourraient détourner davantage de ces réserves inexploitées et faire pression pour des clauses de suspension de la dette, ce qui coûterait peu, mais aiderait les pays en développement à faire des progrès dans la lutte contre l’extrême pauvreté.

« Le Canada doit conserver ce leadership et ne pas se contenter de s’asseoir sur ses lauriers », a-t-il affirmé.

Jean-François Tardif et Caroline Brouillette espèrent que les pays promettent plus d’argent et surtout des réformes financières, lors d’une série de conférences à venir.

Les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des pays du G20 se réuniront en Inde la semaine prochaine, tandis que le Fonds vert pour le climat tiendra sa conférence de reconstitution en octobre.

La Presse Canadienne