Leçons fiscales de 2019

Par Julie Perreault | 13 janvier 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture
Evgeny Atamanenko / 123RF

Si au Québec, l’année fiscale 2019 a surtout souri aux parents, les entrepreneurs n’ont pas été en reste. Malgré cela, les impôts pèsent lourd dans la province, a-t-on constaté. Retour sur les douze derniers mois en matière de fiscalité.

Ces conclusions, ce sont celles de l’édition 2020 du Bilan de la fiscalité au Québec de la Chaire en fiscalité et en finances publiques. Le bilan a été présenté le 9 janvier dernier par le ministre des Finances et ministre responsable de la région de Laval, Éric Girard, et le professeur de fiscalité et titulaire de la Chaire, Luc Godbout.

Tant au fédéral qu’au provincial, l’année 2019 a été marquée par diverses annonces et mesure fiscales. Au Québec, la contribution supplémentaire pour les services de garde a été supprimée, et ce, rétroactivement au 1er janvier 2019. L’Allocation famille a également été bonifiée, octroyant désormais le même montant pour un enfant, peu importe son rang.

Pour sa part, le fédéral a annoncé qu’il allait progressivement augmenter le montant de base[1] pour atteindre 15 000 $ en 2023. Durant la dernière année, le gouvernement a réduit le taux d’imposition des petites sociétés de 10 % en 2018 à 9 % en 2019 et mis en place l’Allocation canadienne pour la formation, qui permet de réclamer un crédit d’impôt de 250 $ par année pour des besoins de formation, jusqu’à un maximum de 5 000 $. Le retrait maximal du Régime d’accession à la propriété est également passé de 25 000 $ à 35 000 $.

POIDS DE LA FISCALITÉ EN HAUSSE

Malgré la bonification de certaines allocations et réduction de plusieurs contributions, la pression fiscale s’est accrue au Québec, passant de 37,9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2015 à 38,6 % en 2018.

La Chaire définit cette pression fiscale par le « poids mesuré par le rapport entre le montant des recettes fiscales collectées et le PIB ».

« Le poids de la fiscalité avait commencé à diminuer en 2015. Que s’est-il passé? Cela s’explique par le fait que l’économie va tellement bien que les recettes fiscales ont été révisées à la hausse », explique M. Godbout.

Quant aux méthodes de prélèvement des recettes fiscales québécoises, soit les impôts sur le revenu, ceux sur le patrimoine, ceux des sociétés et les taxes à la consommation, elles sont majoritairement restées stables ou ont enregistré une légère augmentation en 2018.

Ceci fait en sorte que le Québec se classe en tête de liste des membres de l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) où les impôts sur le revenu, ceux sur le patrimoine et ceux des sociétés pèsent le plus. Cependant, la tendance s’inverse lorsqu’il s’agit des taxes à la consommation et des cotisations sociales.

CHARGE FISCALE DES CONTRIBUABLES

La charge fiscale nette des Québécois demeure cependant la plus basse des pays de l’OCDE pour les ménages avec deux enfants qui n’ont qu’un seul revenu équivalant au salaire moyen de 50 000 $ par an, ou les familles monoparentales gagnant les deux tiers du salaire moyen.

Toutefois, les célibataires, couples sans enfant ou ménages ayant un revenu familial équivalant à 2,5 fois le salaire moyen, subissent une charge fiscale nette beaucoup lourde.

En 2016, plus de 70 % des contribuables québécois avaient déclaré un revenu total sous les 50 000 $.

Il existe cependant de nombreux crédits, déductions et mesures (près de 300) pour alléger le fardeau des contribuables, note Luc Godbout, mentionnant au passage quelques exemples de mesures si peu utilisées qu’elles ne bénéficient qu’à une poignée de personnes. C’est le cas notamment du crédit d’impôt pour le mécénat culturel et de l’étalement du revenu pour les artistes.

« Je ne dis pas qu’il faut enlever ces mesures. Mais il y aurait lieu de se questionner à savoir si les critères d’admissibilité sont trop rigides, si les mesures sont connues, si elles sont encore pertinentes… » indique le professeur.

Ce dernier privilégie pour sa part un moins grand nombre de mesures, mais des mesures plus généreuses.

Sur le thème des inégalités de revenus, le professeur mentionne que « depuis 2000, la part accaparée par le 1 % des plus riches est demeurée stable au Canada ». Cette tranche des contribuables est très hétérogène, leur revenu variant d’une province à une autre. Au Québec, le seuil de revenu à partir duquel un contribuable est considéré comme faisant partie du 1 % est de 220 100 $, comparativement à 262 700 $ pour l’ensemble du Canada.

Par ailleurs, sur les 37 autres pays de l’OCDE, le Québec se classe au 14e rang des États où les inégalités sont les plus faibles, selon le coefficient de Gini, un indicateur mesurant le niveau d’inégalités de la distribution des revenus.

Ceci est dû notamment aux interventions gouvernementales, qui ont permis une réduction de 34,2 % des inégalités de revenus de marché, soit les revenus totaux d’emploi avant impôts moins les revenus issus de source gouvernementale, comparativement à 32,8 % pour la moyenne des pays de l’OCDE et 29,6 % pour le Canada.

PLAN DE MATCH GOUVERNEMENTAL

De son côté, le ministre Girard a présenté les thèmes des consultations prébudgétaires 2020 et discuté des mesures fiscales implantées par le gouvernement provincial afin d’atteindre l’un de ses principaux objectifs : réduire l’écart de niveau de vie entre le Québec et le reste du Canada.

Pour y arriver, son gouvernement entend notamment hausser la participation au marché de l’emploi, d’où l’instauration de mesures visant à garder les travailleurs plus âgés en poste. Celles-ci se traduisent notamment par les premiers 10 000 $ de revenu non imposable pour les travailleurs de 60 à 64 ans et un crédit d’impôt de 50 % sur la masse salariale des PME qui engagent des personnes de 60 ans et plus (75 % dans le cas de travailleurs de 65 ans et plus).

Le ministre a aussi abordé la nécessité d’augmenter les investissements privés au Québec et son gouvernement entend également continuer de diminuer la dette de la province.

Pour ceux qui aimeraient prendre plus amplement connaissance du cahier de recherche Bilan de la fiscalité au Québec – édition 2020, c’est ici.


[1] Crédit d’impôt non remboursable, dont le montant vient réduire le revenu imposable aux fins de l’impôt fédéral.

Julie Perreault