Budget provincial 2019 : les travailleurs âgés dans la mire

Par Christine Bouthillier | 21 mars 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Aleksandr Davydov / 123RF

La pénurie de main-d’œuvre qui frappe le Québec est sans précédent. Devant les difficultés d’embauche que vivent les employeurs, le gouvernement caquiste prévoit dans son premier budget déposé jeudi un crédit d’impôt incitant les travailleurs âgés à rester plus longtemps au travail, mais aussi une réduction des charges sur la masse salariale pour les PME.

Le taux de chômage a atteint un creux annuel historique l’an dernier, passant de 6,1 % en 2017 à 5,5 % en 2018. Afin de favoriser le maintien en emploi des travailleurs d’expérience, le budget abaisse l’âge d’admissibilité au crédit d’impôt non remboursable aux travailleurs d’expérience à 60 ans dès 2019. Il était auparavant ouvert aux 61 ans et plus.

Le plafond des revenus de travail excédentaires admissibles au crédit d’impôt passera également à 10 000 $ pour les travailleurs de 60 à 64 ans et restera à 11 000 $ pour ceux de 65 ans et plus. Ce seuil était auparavant fixé à :

  • 3 000 $ pour les employés de 61 ans
  • 5 000 $ pour ceux de 62 ans
  • 7 000 $ pour ceux de 63 ans
  • 9 000 $ pour ceux de 64 ans

Les travailleurs de 60 à 64 ans pourront ainsi augmenter leurs revenus de travail jusqu’à 28 226 $ avant de payer de l’impôt au Québec. Précisons que ce crédit change d’ailleurs de nom pour « crédit d’impôt pour la prolongation de carrière ».

« Cela sera particulièrement intéressant pour ceux qui veulent prendre une retraite anticipée, mais continuer à travailler à temps partiel tout en réduisant l’impôt à payer », commente David Truong, conseiller, Centre d’expertise, Banque Nationale Gestion privée 1859, en entrevue avec Conseiller.

« Ce crédit est moins avantageux pour les revenus plus élevés. Il est en effet réduit à partir de 34 610 $ de revenu de travail, jusqu’à tomber à zéro à un revenu de plus de 64 610 $. »

FACTURE ALLÉGÉE POUR LES PME

Dans la même optique, les sociétés ayant un capital versé[1] inférieur à 15 M$ se voient octroyer un crédit d’impôt sur la masse salariale des travailleurs âgés de 60 ans et plus. Ce dernier se situe à :

  • 50 % pour les travailleurs âgés de 60 à 64 ans, jusqu’à concurrence de 1 250 $ par employé
  • 75 % pour les travailleurs âgés de 65 ans et plus, jusqu’à concurrence de 1 875 $ par employé

Les cotisations visées par cette réduction sont celles au Fonds des services de santé, au Régime de rentes du Québec, au Régime québécois d’assurance parentale et à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.

« L’entreprise a ainsi une charge fiscale moins élevée et peut réinvestir ces sommes où bon lui semble, ajoute David Truong. Mais notons que l’assurance-emploi et le Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre ne font pas partie des cotisations touchées par cette mesure. »

Martine Hébert, vice-présidente principale et porte-parole de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, se réjouit de ces annonces.

« C’est excellent, cela faisait partie de nos demandes. Il y a des mesures tant pour l’employé que l’employeur, c’est gagnant-gagnant », indique-t-elle en entrevue avec Conseiller.

Elle rappelle que comme les employés plus âgés travaillent souvent à temps partiel, les embaucher représente parfois des coûts additionnels pour les PME, qui ne peuvent généralement pas compter sur une division de ressources humaines pour les aider. Ces mesures pourront donc éponger ces dépenses supplémentaires, mais aussi être réinvesties dans le salaire de ces employés pour refléter leur longue expérience, croit-elle.

LA DPE OUBLIÉE?

Après l’harmonisation du Québec avec les règles fiscales fédérales touchant les revenus passifs en décembre, les analystes s’attendaient à une simplification des critères d’admissibilité à la déduction pour petite entreprise (DPE) dans ce budget.

« Pour bénéficier de la DPE provinciale, les PME doivent avoir accumulé au moins 5 500 heures de travail. Ce n’est pas le cas au fédéral. Comme Québec a harmonisé ses règles concernant les revenus passifs, nous croyions que ce critère allait disparaître. Ce n’est pas ce qui est arrivé dans ce budget, indique M. Truong. Au Québec, on peut donc maintenant perdre la DPE si on ne satisfait pas un de ces deux critères, au lieu d’un seul critère comme c’est le cas au fédéral.

POUR LES GRANDS PROJETS D’INVESTISSEMENT

Les entreprises se lançant dans un grand projet d’investissement bénéficient déjà d’un congé fiscal de 15 % sur les dépenses engagées à cette fin. Mais celles-ci doivent s’élever à 100 M$, ou 75 M$ si le projet est réalisé en région. Le budget provincial vient abaisser la limite en région à 50 M$.

« Ce ne sont pas toutes les entreprises qui disposent de tels montants, mais il est certain que la réduction du seuil vient donner un coup de pouce pour les sociétés qui veulent investir en région », conclut M. Truong.

[1] Ce qui correspond environ à la somme investie au démarrage de l’entreprise, additionnée aux bénéfices non répartis.

Christine Bouthillier

Titulaire d’un baccalauréat en science politique et d’une maîtrise en communication de l’Université du Québec à Montréal, Christine Bouthillier est journaliste depuis 2007. Elle a débuté sa carrière dans différents hebdomadaires de la Montérégie comme journaliste, puis comme rédactrice en chef. Elle a ensuite fait le saut du côté des quotidiens. Elle a ainsi été journaliste au Journal de Montréal et directrice adjointe à l’information du journal 24 Heures. Elle travaille à Conseiller depuis 2014. Elle y est entrée comme rédactrice en chef adjointe au web, puis est devenue directrice principale de contenu de la marque (web et papier) en 2017, poste qu’elle occupe encore aujourd’hui.