Abolition des commissions : pause demandée

Par Pierre-Luc Trudel | 10 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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L’abolition des commissions intégrées pourrait avoir des conséquences « négatives inattendues » sur l’accès au conseil financier, a prévenu Henri-Paul Rousseau en ouverture du Colloque Retraite, investissement institutionnel et finances personnelles mardi à Québec.

Le vice-président du conseil de Power Corporation et de la Financière Power explique qu’il est essentiel que les autorités réglementaires fassent une pause dans la mise en place d’une telle réforme. Cela donnerait du temps aux conseillers pour s’adapter aux changements technologiques et aux nouvelles réglementations, ainsi que pour trouver des solutions permettant de protéger les clients tout en préservant l’accès au conseil financier.

« Il est essentiel de sauvegarder l’accès au conseil financier pour tous les ménages canadiens, pas seulement les riches. L’abolition des commissions pourrait mettre à mal les épargnants de la classe moyenne », plaide-t-il.

NE PAS RÉPÉTER LES ERREURS DES AUTRES

M. Rousseau prend en exemple le Royaume-Uni, qui a décidé d’abolir les commissions intégrées en 2013. Résultat? Le tiers des conseillers ont disparu, déplore-t-il.

« Les gens ne veulent pas acheter du conseil financier. Le remplacement des commissions par un système de rémunération directe a donc fait chuter la demande, qui a elle-même fait chuter l’offre. Et c’est la classe moyenne qui est la plus touchée. Ce n’est pas un problème pour les riches, ils payaient déjà des frais directs pour leurs conseils financiers », soutient-il.

Il invite donc le Canada à ne pas faire la même erreur et à plutôt s’inspirer de la Nouvelle-Zélande, qui a conclu que d’abolir les commissions aurait trop d’impact sur l’accès au conseil financier.

LE CONSEIL, UNE MAUVAISE AFFAIRE?

Selon Henri-Paul Rousseau, la croyance voulant que le conseil financier représente une mauvaise affaire est trop répandue au sein de la population.

« On entend souvent que le conseil financier coûte cher et manque de transparence. On remet également en doute la qualification des conseillers et les conflits d’intérêts possibles liés aux commissions. »

Une perception aussi bien ancrée dans l’imaginaire collectif pousse les régulateurs à faire de plus en plus « d’activisme réglementaire », explique-t-il.

« Je ne dis pas qu’il n’y a pas un certain ménage à faire, mais il faut s’y prendre de la bonne façon », insiste M. Rousseau.

LE RÔLE DU CONSEILLER

Pour redorer l’image de l’industrie, les professionnels doivent mener la relation client-conseiller à être perçue comme une relation de coaching, et pas comme une simple relation transactionnelle.

« Le rôle principal du conseiller n’est pas de faire de la sélection de titres (alpha) ou de la construction de portefeuilles (bêta), il consiste à accompagner les clients, fixer des objectifs et préparer des plans d’épargne (gamma). C’est là que se trouve la véritable valeur du conseil financier », affirme-t-il.

M. Rousseau insiste sur le fait que les clients qui entretiennent une relation à long terme avec leur conseiller accumulent deux à deux fois et demie plus de richesse, et que ceux-ci sont généralement très bien préparés pour la retraite.

« On ne peut pas se permettre de rendre le conseil financier accessible seulement aux riches », soutient-il, soulignant qu’une bonne planification financière n’a pas seulement un effet positif sur les ménages, mais aussi sur la société dans son ensemble.

Plus les gens sont préparés financièrement, moins ils dépendent des services et des régimes de retraite publics. Les gens qui n’ont pas à s’inquiéter de leurs finances sont également plus en santé et productifs au travail, affirme-t-il.

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Pierre-Luc Trudel