Au tour de l’Australie d’interdire les commissions

Par Ronald McKenzie | 20 mai 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La décision du gouvernement britannique de bannir la rémunération à base de commissions dans le secteur des services financiers fait des petits.

En effet, l’Australie a annoncé récemment qu’elle adoptera des mesures inspirées du Royaume-Uni afin d’interdire aux conseillers de toucher des commissions de la part des fournisseurs de produits (comme les commissions de suivi et les ristournes basées sur les volumes de vente). Si tout se déroule comme prévu, cette nouvelle réglementation entrera en vigueur le 1er juillet 2012.

La refonte obligera aussi les cabinets australiens à adopter la « facturation des conseils ». Ils ne pourront donc plus exiger de frais basés sur des pourcentages pour des placements standard ou à levier financier.

Le gouvernement australien va même plus loin que le Royaume-Uni. En effet, il propose que les conseillers aient une obligation fiduciaire prescrite d’agir au mieux des intérêts des clients. « L’Australie est confrontée au défi du vieillissement de la population. L’accès à des conseils de qualité continue d’occuper une place importante dans la planification pour l’avenir. Ces réformes assureront aux investisseurs australiens de recevoir des conseils financiers qui servent au mieux leurs intérêts, plutôt que d’être orientés vers des produits en fonction des incitatifs ou des commissions offerts à leur conseiller financier », a déclaré Chris Bowen, ministre australien responsable des services financiers.

Par ce projet de loi, l’État australien veut élargir l’accès à des « conseils simples aux familles à faible revenu, qui ne peuvent pas se permettre de payer les honoraires d’un conseiller financier ». Les réformes annoncées font suite à un rapport du parlement australien qui a examiné une série d’effondrements largement médiatisés, dont ceux des firmes Storm Financial, d’Opes Prime et de West Point.

Le gouvernement australien compte aussi renforcer les pouvoirs de son organisme de réglementation, l’Australian Securities and Investments Committee, et il examinera la mise en place d’un mécanisme d’indemnisation des consommateurs.

Commissions interdites en Grande-Bretagne Au début d’avril, la Grande-Bretagne a annoncé le bannissement prochain des commissions versées aux conseillers qui vendent des produits de placement sur son territoire. Cette mesure, qui doit entrer en vigueur en 2013, est destinée à restaurer la confiance des investisseurs britanniques envers l’industrie des services financiers.

Le projet de loi prévoit, en remplacement des commissions, le paiement d’honoraires aux conseillers en retour des services rendus, mais il n’impose pas aux conseillers une obligation fiduciaire.

Au Canada anglais, cette nouvelle avait été accueillie avec satisfaction par plusieurs organismes et personnalités qui militent activement pour la protection des épargnants, dont FAIR, Glorianne Stromberg et la Small Investor Protection Association (SIPA).

Soucieux de l’avenir de la profession Pour sa part, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) défend le mode actuel de distribution des fonds communs au pays et les méthodes de rémunération des conseillers. Commentant la décision du Royaume-Uni, Joanne De Laurentiis, directrice générale de l’IFIC, avait déclaré : « Nous ne croyons pas qu’il faille implanter le modèle britannique. Selon nous, le meilleur système consiste à avoir un excellent mécanisme de diffusion de l’information, et c’est ce qui est offert. » Elle avait ajouté que les conseillers sont tenus de révéler toutes les formes de rémunération qu’ils touchent lorsqu’ils vendent des fonds communs.

Quant aux conseillers qui consultent Conseiller.ca, plusieurs d’entre eux s’inquiètent de la tournure des événements.

« Moi, je suis contre. Je suis aussi bien de m’en aller travailler à salaire pour une banque et de délaisser le tout. Je travaille déjà pour mes clients avec des comptes sans frais de rachat. Ma façon de vivre est avec les suivis. Je ne veux pas être employé, mais indépendant. Quel avenir réserve-t-on aux gens qui veulent commencer dans le domaine s’ils n’ont pas de rémunération valable ? On sait déjà que la relève est un problème ! », a écrit François P. Boissonneault.

Même souci pour l’avenir de la profession de la part de B., un conseiller indépendant de Laval qui préfère garder l’anonymat : « À mon avis, l’abolition des commissions entraînera la fin des conseillers financiers et la prise de contrôle complète des banques des services financiers. Il est déjà difficile de trouver des conseillers consciencieux et talentueux qui sont prêts à travailler à commission, que va-t-il arriver si même la commission est abolie ? Les plus médiocres vont se retrouver à travailler pour une institution financière avec un salaire médiocre. Le public ne sera pas mieux servi. »

« Avec une structure à honoraires pour tous, qui pourra desservir les clients qui détiennent de petits portefeuilles ? Imaginez la complexité de la chose pour un représentant en épargne collective d’une firme indépendante. Tous ces petits épargnants se retrouveront un jour ou l’autre entre les mains des caisses et des banques, ce qui ne leur garantira pas de meilleurs services, de meilleurs produits et de meilleurs ‘conseillers’ !? À mon avis, les commentaires véhiculés pour la vertu des comptes à honoraires sont probablement faits par des gens bien nantis, avec de gros portefeuilles en gestion privée, ou tout simplement par de petits soldats liés de près ou de loin à la filière québécoise des caisses et banques du Québec », a déploré Denis, représentant en épargne collective qui a souhaité que seul son prénom soit publié.

Qu’en pensez-vous ? Que pensez-vous des initiatives britanniques et australiennes ? Êtes-vous pour ou contre l’abolition des commissions sur la vente des produits de placement au Canada ?

Ronald McKenzie