Contrats MGA : des clauses qui suscitent la grogne

Par La rédaction | 1 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
8 minutes de lecture

Daniel Guillemette, le président de Diversico, Experts-conseils, s’inquiète de clauses présentes dans certains contrats que les conseillers se sentiraient obligés de signer avec leur agent général.

Dans un court texte publié la semaine dernière sur son profil LinkedIn, le président de Diversico, Experts-conseils s’en prend à ce qu’il estime être des comportements inacceptables.

« Lisez-vous le contenu des contrats que vous signez avec votre agent général? Seriez-vous ouvert à signer un contrat qui contient un article [qui] vous oblige à lui vendre votre clientèle à un multiple précis? Vous n’avez pas accès à la loi du libre marché », écrit-il, avant de solliciter l’opinion de ses confrères sur cette épineuse question. Et pour appuyer sa démonstration, il accompagne son texte de deux extraits d’un contrat allant dans le sens de ses dires.

« LES CONSEILLERS DOIVENT REPRENDRE LE CONTRÔLE »

Interrogé par Conseiller, le patron de Diversico justifie son action en expliquant avoir découvert des abus de la part de plusieurs MGA [agents généraux] vis-à-vis des conseillers. « Depuis que nous avons lancé notre laboratoire de recherche, nous tentons de découvrir tous les endroits où ces derniers ont perdu le contrôle afin de trouver des manières de le regagner. La propriété des dossiers clients représente un élément de grande importance et nous avons constaté que certains MGA sont allés trop loin », indique Daniel Guillemette.

« Cette prise de conscience était devenue nécessaire en raison d’une foule de facteurs cumulatifs », insiste-t-il, citant notamment « la diminution progressive de notre rémunération », « les coûts croissants liés au respect de la conformité » ainsi que « les risques croissants de plaintes ou de poursuites ». Selon lui, le problème est que pour pouvoir placer des affaires auprès des assureurs, un conseiller indépendant doit aujourd’hui passer par l’intermédiaire d’un agent général, qui est « le « middle man » entre les conseillers et les assureurs », relève-t-il. Autrement dit, « le MGA n’est responsable de rien devant la loi, mais il est responsable des « reprises de commissions » de ses conseillers ».

« Par exemple, explique le président de Diversico, lorsqu’un contrat d’assurance est souscrit par un client par l’intermédiaire de son conseiller, ce dernier reçoit une partie de la commission qui en découle, tandis que le MGA en conserve une autre partie. Si le contrat est annulé au cours des 24 premiers mois suivant son entrée en vigueur, la commission totale doit être remboursée à l’assureur, au prorata du nombre de mois restant. Et si le conseiller ne rembourse pas l’assureur ou qu’il est insolvable, c’est le MGA qui doit rembourser non seulement sa part de la commission mais aussi celle du conseiller ».

LES CLAUSES DE CERTAINS CONTRATS SONT ABUSIVES

Par conséquent, « certains MGA ayant vécu de telles expériences ont fini par voir tous leurs conseillers comme des risques financiers importants et ont donc décidé d’augmenter leur niveau de protection au moyen de contrats d’adhésion que ceux-ci doivent signer avant de pouvoir placer leurs affaires ». Le problème, déplore Daniel Guillemette, c’est que ces contrats « sont très souvent signés aveuglément par les conseillers, qui croient à tort ne pas avoir d’autre choix, ce qui est évidemment faux ». Pire, devant « l’aveuglement » de ces derniers, « certains MGA ont poussé l’audace jusqu’à y ajouter des clauses telles que celle que j’ai publiée sur LinkedIn, lesquelles ont pour objectif d’empêcher les conseillers de profiter du libre marché pour vendre leur clientèle », s’insurge le patron de Diversico.

À l’exception des clients qui sont référés aux conseillers par un MGA, ce qui est par exemple le cas du cabinet de services financiers Aurrea, ces clauses « sont abusives » et les conseillers « ne devraient jamais accepter de signer de tels contrats », recommande-t-il. « Autrement dit, lorsque c’est le conseiller qui réussit lui-même à trouver un client et à le convaincre de lui faire confiance au point de souscrire des produits financiers par son intermédiaire, il n’y a aucune raison justifiant qu’il soit obligé contractuellement de vendre un jour sa clientèle à son MGA. En revanche, si c’est le MGA qui a trouvé et référé le client au conseiller, c’est le contraire », résume Daniel Guillemette.

Associé à Planex Solutions financières, à Saint-Jérôme, Larry Bathurst ne se montre pas plus tendre que le patron de Diversico sur cette question. Également interrogé par Conseiller, le conseiller et représentant de courtier en épargne collective auprès de Services en placements PEAK juge que « dans un environnement de conseiller autonome et indépendant, c’est-à-dire lorsqu’on a un véritable statut indépendant, ce type de contrat est inacceptable ».

CRÉATION D’UN RÉSEAU NATIONAL DU CONSEIL INDÉPENDANT

Par conséquent, un professionnel qui se verrait proposer de telles conditions « devrait « se magasiner » un autre agent général qui saura mériter les affaires du conseiller », croit Larry Bathurst. « De plus, lors de la signature du contrat, je lui suggère de demander un pre-release, c’est-à-dire une acceptation écrite du MGA de laisser le conseiller mettre fin à son contrat et faire affaire ailleurs, et même transférer son bloc d’affaires, et ce, sans aucune restriction [voir l’encadré]. En effet, si l’agent général n’est pas disposé à signer un tel document, le conseiller risque fort de ne jamais pouvoir le quitter ».

Pour remédier à une situation « qui ne cesse de s’envenimer », Daniel Guillemette a l’intention de lancer au début du mois de décembre un « Réseau national du conseil indépendant ». Sa mission? « Éduquer le public afin qu’il puisse faire la distinction entre un conseil indépendant, neutre et objectif et les autres types de conseils ». Alimenté par les données recueillies dans le cadre du « laboratoire de recherche » de Diversico, ce réseau « devra également mettre en place des solutions visant à assurer la survie et l’expansion du conseil indépendant tout en réduisant la dépendance des conseillers face aux commissions découlant des produits financiers ».

Approchés par Conseiller, des agents généraux ainsi que l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes n’ont pas donné suite. Réaction de Daniel Guillemette : « Le contraire aurait été surprenant. On demande de la transparence aux conseillers, mais tout indique que ce sera le seul étage où il y en aura! » Seul Greg Skinner, porte-parole de RBC Assurances, nous a répondu que sa compagnie a « des ententes très claires avec ses courtiers (…), notamment en ce qui a trait au transfert des affaires ». « Nous encourageons les conseillers à lire et à comprendre les contrats qu’ils signent », a-t-il ajouté.

Ce que le conseiller ne sait pas forcément…

« Lorsqu’un conseiller signe un contrat avec un agent général, il croit souvent qu’il pourra mettre fin à cette entente, quelle qu’en soit la raison, et travailler avec un autre MGA. Or, à moins que ce cas de figure soit bien spécifié par écrit dans le contrat, la réalité est très différente », met en garde Larry Bathurst. Et pour illustrer son propos, le Pl. Fin. donne l’exemple suivant : le conseiller signe une entente avec un agent général pour les compagnies d’assurance X, Y, et Z. Puis, un jour, il souhaite mettre fin à cette entente et signer un nouveau contrat avec un autre agent, mais pour les mêmes compagnies.

Pour avoir le droit de le faire, il devra obtenir une acceptation écrite de la part de son MGA actuel, faute de quoi il ne pourra pas signer de nouveau contrat pour ces trois compagnies. La raison? Un conseiller ne peut détenir plusieurs « contrats actifs » avec plusieurs agents généraux et auprès du même assureur.

LE RISQUE DE DÉPENDRE DE DEUX MGA

Par ailleurs, le bloc d’affaires (les ventes passées) que le conseiller a bâti avec son premier MGA appartient à ce dernier, en vertu de l’entente contractuelle qu’il a conclu avec les assureurs (à ce titre, il reçoit de leur part des commissions de service). Dans ces conditions, l’agent « d’origine » pourrait tout à fait décider de refuser de céder ce bloc d’affaires au nouvel agent général. Il se pourrait aussi qu’il donne son acceptation pour les nouvelles affaires du conseiller mais refuse de céder ou de vendre le bloc d’affaires actuel.

Dans un tel cas de figure, le conseiller pourrait se retrouver à « dépendre » de deux MGA : l’un pour ses nouvelles affaires et l’autre pour le service à donner aux clients de son ancien bloc d’affaires. Ce qui risque de poser des problèmes, estime Larry Bathurst. « Est-ce que ce service-là sera de haute qualité si la relation d’affaires est tendue? Permettez-moi d’en douter », conclut-il.

La rédaction vous recommande :

La rédaction