Des banques centrales métamorphosées par la crise

Par La rédaction | 7 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La crise a modifié les politiques et le rôle des banques centrales, ainsi que leurs relations avec les gouvernements et les citoyens. Qu’en pensent leurs dirigeants? Et qu’entrevoient-ils pour l’avenir?

Dans une récente étude, le National Bureau of Economic Research (NBER) a interrogé 55 banquiers centraux en mai dernier, dont 16 de grands pays industrialisés, à l’occasion d’un vaste sondage. Premier constat : les politiques monétaires non conventionnelles dont on parle tant (plans d’assouplissement quantitatif, taux négatifs, etc.) ont été fort minoritaires. Au moins 70 % des banquiers centraux ont résisté à ces tentations. Cependant, elles ont été mises de l’avant dans certaines des plus grandes économies mondiales (États-Unis, zone euro, Japon, Grande-Bretagne).

Au total, une banque centrale sur cinq a procédé à un plan d’assouplissement quantitatif, et 12,5 % l’ont élargi à d’autres actifs que les titres d’État, ce qui leur a valu de farouches critiques. Les taux courts à zéro ont été employés par 29 % des banques centrales interrogées, alors que 12 % sont même descendues sous zéro.

À QUAND LE RETOUR À LA NORMALE?

Doit-on s’attendre à un retour à la normale une fois que les conditions financières et l’économie le permettront? Près de 40 % des sondés jugent qu’il est trop tôt pour dire si ces outils doivent demeurer dans la panoplie des banques centrales. Les taux courts resteront dans la manche d’un peu moins d’un banquier central sur deux, alors qu’un sur cinq souhaite conserver l’option des taux négatifs et un sur trois celle de l’assouplissement quantitatif. Encore là, ce sont les institutions des pays développées qui tiennent le plus à ces outils.

Le mandat même des banques centrales a aussi bougé. La Réserve Fédérale et la Banque du Japon, par exemple, ont annoncé des objectifs d’inflation chiffrés (2 %), ce qu’elles ne faisaient pas auparavant.

Quelque 20 % des répondants aimeraient modifier leur cible, laquelle reste généralement autour de 2 % par année. Certains ressentent une pression pour tolérer davantage d’inflation afin de contribuer à la relance économique.

UNE CIBLE DANS LE DOS

Les nouvelles approches développées par les banques centrales n’ont pas laissé les investisseurs et citoyens indifférents. Au contraire, le ton a souvent monté, et les accusations ont plu. D’aucuns leur ont reproché d’avoir outrepassé leurs droits en s’engageant dans l’implantation de politiques fiscales, la chasse gardée des gouvernements, d’avoir pris trop de risques ou d’avoir manqué d’indépendance envers les gouvernements.

Un tiers des banquiers centraux des grands pays développés concèdent avoir été modérément ou très écorchés, notamment en raison de leurs politiques d’assouplissement quantitatif sur des actifs autres que des titres d’État. Si plus de 80 % des banquiers centraux croient avoir conservé leur indépendance, près de 6 % admettent qu’elle a été entamée ou diminuée.

Une tendance qui pourrait croître, puisque 20 % des répondants craignent de voir leur indépendance menacée par le pouvoir politique dans l’avenir. Il serait d’ailleurs intéressant de voir la relation entre un éventuel président Trump et la Réserve fédérale américaine, lui qui a violemment critiqué cette institution pendant la campagne. Les chercheurs du NBER rappellent, par ailleurs, que l’indépendance des banques centrales est devenue la norme seulement dans les année 1980, alors qu’il s’agissait auparavant d’une prérogative à peu près exclusive aux banques centrales américaine, allemande et suisse.

PLUS DE TRANSPARENCE

Comme toute institution, les banques centrales ont tenté de réagir aux critiques en augmentant et raffinant leurs efforts de communication. Les trois quarts des répondants estiment que la crise les a poussés à communiquer davantage et à augmenter leur transparence. Ces changements sont devenus permanents pour un banquier central sur deux, alors qu’un sur cinq juge que la communication va continuer d’augmenter. Environ un sur dix compte éventuellement revenir aux pratiques d’avant la crise.

Au cœur de cette communication se trouve notamment la forward guidance, qui consiste à guider les marchés en étant plus explicites sur les conditions propices aux modifications des taux d’intérêt. Cependant, 40 % des banquiers centraux veulent miser sur des critères quantitatifs, comme le taux de chômage ou l’inflation, alors qu’une proportion similaire préfère les éléments qualitatifs, en utilisant des expressions comme « les taux resteront bas pendant une période prolongée. »

Chose certaine, aucun banquier central ne veut répéter l’erreur de communication de Ben Bernanke au printemps 2013. Les taux s’étaient envolés après qu’il eut évoqué la possibilité que la Fed commence à retirer progressivement son soutien aux marchés. La prudence est très certainement de mise pour les banques centrales, dans un marché où elle est scrutée de toutes parts.

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