Du bon usage de l’assurance responsabilité

Par Jean-François Venne | 25 avril 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’assurance responsabilité est une obligation réglementaire et peut parfois s’avérer d’un grand secours. À condition de savoir quand et comment l’utiliser. Les participants au 12e Colloque de conformité du Conseil des fonds d’investissement du Québec ont eu droit à de judicieux conseils à cet égard.

« L’assureur responsabilité est un partenaire quand ça va bien, mais il peut devenir un adversaire si la relation avec l’assuré se dégrade. Il faut donc préserver le lien de confiance », lance d’entrée de jeu Me Éric Lemay, avocat et associé du cabinet Dussault Lemay Beauchesne.

Outil incontournable du conseiller, l’assurance responsabilité ne couvre pas tout. Elle comprend généralement une franchise payable par l’assuré, ne couvre pas les amendes et les pénalités, ni, évidemment, les fraudes et les opérations illégales, en plus de comporter de nombreuses autres exceptions.

Elle n’existe donc pas pour éliminer toutes les pertes liées à une poursuite ou d’autres recours d’un client mécontent, mais pour en réduire l’ampleur. Les protections varient, mais remboursent généralement les coûts de la représentation devant les tribunaux, l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou la Chambre de la sécurité financière (CSF), ceux découlant de la défense de l’intimé, comme les frais d’avocats (mais attention aux plafonds!), et ceux relatifs à l’enquête de la CSF ou de l’AMF.

COLLABORER EN TOUT TEMPS

Certaines plaintes de clients seront traitées dans le cours normal des affaires et ne nécessiteront pas d’alerter l’assureur. Mais lorsque la mésentente peut aboutir à une poursuite, occasionner des frais importants ou menacer la réputation, il faut le faire. Dans les plus grands cabinets, les responsables de la conformité en décideront, alors que les conseillers autonomes devront se fier sur eux-mêmes. « Le plus important est le libellé de la police, qui indique dans quelles circonstances procéder, explique Me Lemay. Si vous doutez, mieux vaut aviser l’assureur. »

D’autant plus que « s’il y a une enquête de la CSF ou de l’AMF ou qu’il faut répondre d’une plainte déposée auprès d’elles, l’assureur fournira de l’assistance, comme un avocat pour préparer le conseiller et l’accompagner dans ses démarches », rappelle Me Isabelle Nadia Tremblay, avocate du cabinet Le Droit Chemin. Il peut même en fournir plus d’un, dans les cas, par exemple, où le conseiller et son employeur ont des intérêts divergents dans l’affaire.

La collaboration de l’assuré est primordiale pour la compagnie d’assurance, notamment parce qu’elle est responsable de la défense. Rien de pire pour cette dernière que d’apprendre en cours de route de nouveaux éléments auxquels elle n’était pas préparée.

Pourtant, certains conseillers ont le mauvais réflexe de nier les faits, de les diminuer ou de dissimuler certains éléments. C’est naturel, car l’enjeu est important. Le professionnel veut protéger sa réputation, sa relation avec ses clients, son emploi, voire sa carrière. Il est pourtant crucial de faire preuve de transparence avec l’assureur. Il ne faut pas oublier que celui-ci peut aussi devoir se justifier auprès d’un réassureur et doit disposer des informations exactes pour ce faire.

Pour les cabinets et les institutions financières, le plus important est généralement de préserver leur réputation et d’éviter la publicité négative. Elles tenteront donc de trouver un moyen de satisfaire le client. « Dans certains cas, cela peut avoir des retombées positives, avance Me Tremblay. Un tel incident peut pousser une institution financière à revoir ses pratiques ou encore son code d’éthique, surtout si elle réalise que ce n’est pas un cas isolé. »

ÉVITER LES ERREURS

Les conseillers devraient surtout éviter les raccourcis ou les mauvais usages de l’assurance responsabilité. Par exemple, régler une plainte en versant une forte somme à un client avant d’envoyer une réclamation à l’assureur n’est vraiment pas une bonne idée. Il ne faut jamais tenter de régler à l’amiable un dossier sans avoir reçu une autorisation claire et sans équivoque de l’assureur.

Il ne faut pas non plus inciter un client à nous poursuivre en lui affirmant que ce n’est pas grave puisque l’on est assuré. On ne peut pas non plus proposer à un client un règlement financier conditionnel au renoncement à toute poursuite. Cette pratique est illégale et une telle entente n’empêcherait donc pas du tout le client d’entamer par la suite des procédures judiciaires.

De la même manière, les conversations avec un client mécontent revêtent une importance capitale. « Il ne faut jamais admettre sa culpabilité, car le conseiller ou le représentant pourrait perdre sa couverture, prévient Me Isabelle Nadia Tremblay. C’est l’assureur qui a le contrôle de la défense. Si on veut parler au client, mieux vaut en discuter d’abord avec l’assureur. »

L’essentiel dans une telle situation est de régler le dossier en minimisant les dégâts financiers et sur la réputation, le tout à la satisfaction du consommateur. « Il ne faut jamais sous-estimer la frustration d’un client, prévient Me Éric Lemay. Certains peuvent devenir très acharnés et causer beaucoup de dommages. »

Jean-François Venne