EXCLUSIF – Des banques œuvrant au Canada poursuivies pour 1 G$

Par Jean-François Parent | 13 octobre 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Au moins 14 banques et une trentaine de courtiers faisant affaire au Canada sont visés par une demande de recours collectif s’élevant à 1 milliard de dollars.

La requête en autorisation du recours, déposée simultanément à Québec et à Toronto en septembre, pourrait toucher des milliers d’investisseurs à travers le pays qui ont investi dans des instruments du marché des devises entre 2003 et 2013.

C’est l’avocate Caroline Perreault qui plaide la cause dans la Belle Province pour le compte de la plaignante Christine Béland, de Québec. Cette dernière aurait subi des pertes par l’entremise de parts de fonds commun qu’elle détenait auprès de RBC Gestion d’actifs, fonds qui utilisait des stratégies de devises, allègue la requête.

Compte tenu de l’ampleur du dossier et du fait qu’il n’est pas encore approuvé par la cour, Me Perreault n’a pas voulu commenter davantage la nature et la valeur de ces pertes. Dans l’immédiat, la poursuite réclame 150 000 $ pour chacun des membres du recours.

La liste des institutions visées par l’action collective réunit les plus grands noms de la finance internationale : Banque Royale du Canada, Société Générale, HSBC, Crédit Suisse, UBS, Royal Bank of Scotland, BNP Paribas, Bank of America, JP Morgan, Barclays, Goldman Sachs, pour ne nommer que celles-là.

L’essentiel des grands courtiers et banques d’affaires internationales, ainsi que leurs filiales ayant pignon sur rue au Canada sont visés par la plainte.

RBC est la seule institution d’origine canadienne nommée dans la requête. La cause se retrouvant devant les tribunaux, la banque ne commentera pas le dossier, explique son porte-parole pour le Québec, Denis Dubé, qui indique que l’institution compte « se défendre contre la poursuite ».

Les torts allégués au Canada ont été prouvés et sanctionnés aux États-Unis, en Angleterre, en Suisse, en Allemagne, à Hong Kong, et dans plusieurs autres juridictions, peut-on lire dans le document déposé au tribunal.

COLLUSION BANCAIRE

Ainsi, plusieurs grandes banques et leurs filiales de courtage sont accusées d’avoir manipulé les écarts de taux changes entre différentes devises afin de gonfler le profit des cambistes au détriment des investisseurs.

« Nous invoquons les dispositions de la Loi sur la concurrence pour plaider le dommage subi par les investisseurs », explique l’avocat David Sterns, du cabinet Sotos LLP, qui représente les requérants à Toronto.

Comme la collusion a été démontrée et sanctionnée par au moins une douzaine d’autorités et de régulateurs dans le monde, « les demandeurs n’ont qu’à établir qu’un dommage a été subi au Canada », selon Me Sterns.

La poursuite allègue que la manipulation des taux de change, notamment de l’écart des prix à l’achat et à la vente, avec lequel les investisseurs espèrent obtenir du rendement, a nui aux détenteurs de produits de placement canadiens faisant appel aux instruments monétaires.

Selon la requête, les dollars canadien et américain auraient notamment été manipulés par les cambistes. Se serait ainsi retrouvé perdant quiconque « a souscrit un instrument FOREX, soit directement ou indirectement par un intermédiaire, et/ou acheté un fonds d’action, fonds mutuel [sic], fonds de couverture, fonds de pension ou tout autre véhicule d’investissement qui a souscrit à un instrument FOREX », peut-on lire dans le document.

« LE CARTEL »

C’est par l’entremise de plusieurs forums de discussion sur Internet aux noms évocateurs, tels « Le Cartel », « La Mafia » ou encore « The Bandits’ Club », que plusieurs responsables de la négociation des devises employées par les institutions financières en cause auraient comploté pour fixer les taux de change de plusieurs devises, indique la requête.

Les avocats de la demande de recours citent en preuve des documents émanant du département de la Justice américaine, qui détaillent ces agissements.

La plupart des intimées ont d’ailleurs plaidé coupable à plusieurs chefs d’accusations, aux États-Unis notamment, admettant avoir manipulé le marché des devises. JP Morgan, Morgan Stanley, Goldman Sachs et UBS ont entre autres dû débourser un total de près de 4 G$ en amendes à la Justice et à la Réserve fédérale américaines.

La Financial Conduct Authority britannique a quant à elle infligé pour 1,1 milliard de livres d’amendes (1,7 G $CA) à plusieurs des protagonistes cités dans la requête canadienne.

Toujours selon cette dernière, près d’une centaine d’employés des institutions visées auraient comme par hasard été renvoyés ou auraient perdu leur emploi en 2014 et 2015, juste avant que le scandale éclate.

« Le co-chef de RBC Marché des capitaux pour les transactions au comptant a brusquement quitté son poste en février 2014 », affirment notamment les plaignants dans leur requête, sans élaborer davantage.

DES RÈGLEMENTS EN COURS

Déjà, trois institutions ont offert un règlement aux investisseurs canadiens. UBS propose ainsi 4,95 M$, BNP Paribas, 4,5 M$ et Bank of America, 6,5 M$. Ces ententes doivent encore être approuvées par la cour.

Malgré ces accords, les trois banques « n’admettent aucun comportement répréhensible […] et consentent à offrir une coopération raisonnable aux plaignants afin de les aider dans leur recours contre les autres défendeurs », lit-on dans un jugement ontarien, qui approuvait en août dernier la publication des avis aux membres de la demande de recours.

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Jean-François Parent