Il y a 10 ans débutait la crise financière

Par La rédaction | 5 juillet 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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business man facing a wall

Dix ans après le début de la grande crise, le paysage du monde de la finance a beaucoup évolué, mais la situation demeure néanmoins fragile, notamment en raison du surendettement à l’échelle mondiale, rapporte Reuters.

« Juillet 2007. Les marchés financiers sont au beau fixe : les Bourses mondiales se sont remises de l’éclatement de la bulle Internet et le Fonds monétaire international a prédit en début d’année une croissance mondiale de l’ordre de 5 % », se souvient l’agence de presse.

« Malgré certains signes de nervosité » apparus au cours des mois précédents au sujet du ralentissement du marché immobilier aux États-Unis et des prêts hypothécaires à risque (subprimes), « les investisseurs restent globalement confiants, et rares sont alors ceux qui distinguent le risque systémique associé à la titrisation financière des crédits subprimes et les marchés », rappelle-t-elle.

Au point qu’à la mi-juillet, pour la première fois de son histoire, l’indice Dow Jones finit la séance au-dessus de la barre des 14 000 points, tandis que de l’autre côté de l’Atlantique, l’indice Stoxx 600 évolue à un niveau proche de ses records établis en 2000. Pourtant, dès le mois suivant, la situation se dégrade brutalement.

UN CHOC SANS PRÉCÉDENT

À la mi-septembre, la Réserve fédérale américaine décide alors d’abaisser ses taux d’intérêt d’un demi-point, « un geste qui clôt un cycle de 17 hausses successives, débuté en juin 2004, du principal taux d’intérêt américain », souligne Reuters.

Ce taux a finalement été ramené à zéro en décembre 2008, moins de trois mois après la faillite de la banque Lehman Brothers et l’entrée en récession des principales économies de la planète.

Une décennie plus tard, la crise semble toujours présente dans certains esprits, note l’agence. « Je garde un souvenir très fort de cette période où le monde s’écroulait sur les marchés financiers. On n’avait jamais vécu un tel choc conjoncturel simultané dans le monde entier », lui confie par exemple Éric Bourguignon, un haut responsable de la firme Swiss Life en France.

« J’ai toujours dit que je ne vivrai pas deux crises comme celle-là », renchérit Didier Le Ménestrel, PDG de la Financière de l’Échiquier, l’une des principales sociétés indépendantes de gestion d’actif dans l’Hexagone.

LE RÔLE DES BANQUES CENTRALES S’EST RENFORCÉ

Selon eux, la crise des subprimes a entraîné « un bouleversement de la structure des marchés et de l’environnement d’investissement », explique Reuters. Celle-ci ajoute que « le rôle joué par les banques centrales constitue l’un des grands changements de paradigme de ces 10 dernières années ».

Pour faire face au séisme qui a ébranlé la planète finance, « elles ont pris des décisions importantes et souvent inédites », comme l’injection massive de fonds dans des institutions financières menacées de faillite, la fourniture de liquidités, l’achat massif de titres ou les taux d’intérêts à zéro.

Interrogé par l’agence de presse, Michaël Aflalo, directeur des gestions au sein de la firme BFT IM, assure que « leur rôle a été vital » pour éviter le pire, c’est-à-dire un naufrage du système financier mondial.

Un diagnostic que fait également le site d’information belge Trends-Tendances, qui relève que deux banques du nord de l’Italie, Banca Popolare di Vicenza et Veneto Banca, gangrenées par les mauvaises créances sur des PME et par une mauvaise gestion, s’apprêtent à être sauvées avec le concours de l’État italien, qui leur apportera quelque 17 milliards d’euros (25 milliards de dollars canadiens). Le but? Rassurer les petits épargnants exaspérés par une récente série de faillites de banques régionales.

Selon Reuters, le retour en force des banques centrales sur la scène financière a également eu d’autres effets, notamment en matière de répartition d’actif. Avec les très bas taux actuellement en vigueur, « la recherche de rendement est devenue un casse-tête et la gestion du risque a pris le pas ».

« Il y a 10 ans, la gestion était assez simple : les taux sans risque étaient autour de 4 % à 5 %, le marché des actions se portait bien, les obligations des grandes entreprises [françaises] rapportaient entre 6 % et 7 %. On pouvait donc obtenir un rendement annuel assuré de 4 % » détaille à l’agence Alexandre Neuvy, directeur de la gestion privée à Amplegest.

« TROUVER DE NOUVELLES SOLUTIONS D’INVESTISSEMENT »

« Aujourd’hui, ajoute-t-il, face à des taux d’intérêts proches de zéro, la gestion du risque a pris une importance considérable. De nombreux investisseurs sont dans des logiques de maîtrise de la volatilité. Ils acceptent moins de pouvoir perdre à court terme et donc d’investir à long terme dans une vision d’accompagnement des entreprises. »

Un jugement que confirme Michaël Aflalo, qui estime que « la crise a changé le quotidien de la gestion » et que « l’environnement de taux faibles oblige à trouver de nouvelles solutions d’investissement plus personnalisées ».

Dans l’ensemble, si la structure des marchés a évolué en l’espace d’une décennie, « la psychologie des investisseurs reste la même depuis la crise des tulipes en Hollande en 1636 », constate Bernard Aybran, directeur multigestion à Invesco.

Par ailleurs, le bilan des banques centrales, aussi positif qu’il soit dans le cas de la crise financière, ne fait pas l’unanimité parmi les gestionnaires de portefeuille, explique Reuters. Éric Bourguignon juge ainsi qu’« on a sans doute évité le pire mais [que] ces politiques ont eu pour effet d’encourager une bulle d’endettement encore plus grande que ce qu’on a connu en 2007. […] On a soigné une crise de la dette par de nouvelles dettes. »

D’après une récente étude de l’Institute of International Finance, l’endettement à l’échelle de la planète s’établit aujourd’hui à quelque 217 000 milliards de dollars, soit… 327 % du produit intérieur brut mondial. « Ça va quand les taux sont à zéro, mais que va-t-il se passer avec le resserrement monétaire des banques centrales? Cela va forcément handicaper la croissance, car il faut bien, au final, rembourser les intérêts et la dette », met en garde Alexandre Neuvy.

Les responsables de la crise n’ont pas été inquiétés

Dix ans plus tard, les responsables de la crise des subprimes ont dû payer d’énormes amendes, mais dans l’ensemble, tous coulent des jours heureux. Seul Bernard Madoff se trouve actuellement en prison, rapporte Le Monde.

Ainsi, Dick Fuld, l’ex-PDG de Lehman Brothers, parti avec un demi-milliard de dollars de prime, n’a jamais été poursuivi par la justice malgré les risques qu’il a fait prendre à la banque qu’il dirigeait. Aujourd’hui âgé de 70 ans, il a récemment fondé Matrix Wealth Partners, une société de gestion de fortune destinée aux dirigeants de PME.

De même, Kathleen Corbet, 57 ans, qui dirigeait l’agence de notation financière Standard & Poor’s entre 2004 et 2007, occupe son temps libre entre le fonds d’investissement qu’elle a lancé et plusieurs conseils d’administration. Pourtant, elle avait « consciencieusement continué à distribuer des triples A à des obligations gorgées de produits financiers toxiques », au point que son agence a été accusée par la justice américaine d’avoir « conçu et mis en œuvre un système destiné à tromper les investisseurs », souligne Le Monde. Mais celle-ci a finalement passé l’éponge moyennant le versement de 1,5 milliard de dollars… payés par Standard & Poor’s.

De son côté, John Paulson, de Paulson & Co, a été « l’un des rares à s’enrichir » au début de la crise en 2007. Après avoir créé son propre fonds spéculatif en 1994, il a en été « l’un des premiers à comprendre que le marché des titres hypothécaires n’était pas viable et avait alors parié sur son effondrement, empochant ainsi une plus-value de 3,7 milliards », détaille Le Monde. Et tout va très bien pour ce jeune sexagénaire puisqu’après avoir soutenu la candidature de Donald Trump, il est désormais l’un de ses plus proches conseillers, notamment pour tout ce qui concerne ses projets de dérégulation financière.

Enfin, Fred Goodwin, ex-patron de Royal Bank of Scotland, n’a pas retrouvé de travail, mais a réussi à échapper à un procès bien qu’il ait laissé sa banque dans un piteux état. À 56 ans, il n’est pas trop à plaindre puisqu’il profite de sa retraite à Édimbourg, en Écosse, « entre les terrains de golf et ses voitures de collection ».

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