Intégrité des conseillers : comment inspire-t-on confiance ?

Par Sophie Stival | 30 novembre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
15 minutes de lecture

Les récents scandales financiers et la visibilité médiatique d’un cas comme celui de Carole Morinville ont mis à dure épreuve l’image des conseillers et, par ricochet, le lien de confiance avec les clients. Discuter d’intégrité est un sujet pour le moins glissant. Les questions d’honnêteté et de morale sont des notions abstraites et subjectives qui causent des maux de tête à plusieurs conseillers.

Comment le conseiller peut-il inspirer confiance ? Bien qu’il n’existe aucune recette miracle, Conseiller a tenté de trouver des solutions concrètes à un problème qui ne l’est pas. Des notions comme l’image que projette le conseiller, sa transparence, les promesses qu’il tient et le service qu’il donne à ses clients peuvent certainement compter pour beaucoup.

Mettez-vous un instant dans la peau d’un client. Vous avez accumulé durement un peu d’épargne au fil des ans. Vous acceptez de rencontrer à votre domicile un conseiller afin de voir comment il pourrait améliorer votre santé financière et faire fructifier votre pécule. Lorsque vous ouvrez votre porte, un jeune homme confiant, cravaté et portant un costume trois pièces griffé vous tend une main ferme. Son poignet arbore une belle montre haut de gamme. Devant votre demeure est garée une BMW sport de l’année.

Rembobinons le film au début. Vous ouvrez la porte. Un homme, début cinquantaine, grisonnant, vous sourit, l’air détendu. Il porte un pantalon bien pressé, une chemise et un cardigan sans cravate. Sa main est ferme et chaleureuse. Son auto : une Subaru usagée.

Lequel de ces conseillers vous inspirera le plus confiance ? L’exemple vous semble grossier et stéréotypé ? Vous avez raison. Il n’en reste pas moins qu’avant d’étaler son savoir et ses compétences, le conseiller doit faire une bonne première impression.

« Toute notre industrie est basée sur la confiance », affirme sans ambages Daniel Bissonnette, président de Planifax. Certains inspirent confiance et d’autres non. « On récolte ce qu’on sème », croit-il. L’attitude, le style de vie qu’adoptent les conseillers ainsi que l’image qu’ils projettent peuvent parfois leur jouer des tours.

Une étude menée en 2009 par des chercheurs de l’Université Berkeley en Californie confirme que la première impression est souvent la bonne. Des volontaires devaient observer une centaine de photos de gens debout, affichant une expression naturelle. Sans connaître ces personnes, les volontaires ont établi des jugements sur leur personnalité qui se sont révélés vrais neuf fois sur dix. Trois personnes qui connaissaient le sujet photographié devaient valider les impressions des volontaires. Des traits comme l’ouverture, la confiance en soi et l’amabilité étaient jugées notamment par la posture, les vêtements et les accessoires des personnes photographiées.

Robert Frances, fondateur du Groupe financier PEAK, prend en exemple un professionnel de la santé. « Quand on entre dans un cabinet de médecin, on s’attend à voir ses diplômes et les résultats de ses recherches affichés au mur. Ces documents nous inspirent confiance. Si on voyait à la place un trophée des meilleures ventes de pilules décerné par une compagnie pharmaceutique, ça ne passerait pas », dit-il.

Une confiance fragile La confiance qu’établit un conseiller avec ses clients est très fragile, croit M. Bissonnette. Il ne faut donc jamais faire des promesses qu’on ne peut pas tenir. « Et la meilleure façon de démontrer son intégrité, c’est de bien servir nos clients du moment en espérant qu’ils nous recommanderont avec les années à leurs amis et à leur famille. Ça veut aussi dire qu’il faut se montrer disponible et avoir de l’empathie », affirme le conseiller d’expérience.

Pour Kathleen Peace, planificatrice financière pour Bennett March, à Toronto, tout ce qui touche le client doit intéresser son conseiller. « En manifestant de l’intérêt pour les placements et les cotisations du REER collectif de votre client, vous témoignez de votre souci pour sa situation financière globale, et ce, que vous perceviez ou non une rémunération. Ces efforts constants pour ajouter de la valeur confirment à votre client que ses intérêts vous tiennent à cœur. Ils renforcent la confiance. Et la confiance est notre secteur d’activité », mentionne-t-elle dans une chronique récente de Conseiller.ca.

Le président de la Chambre de la sécurité financière, Luc Labelle, avoue d’emblée qu’en raison de la perception du public, un conseiller indépendant aura plus de difficulté à démontrer son intégrité que celui travaillant pour une institution financière. « On a davantage associé les récents scandales financiers à des individus plutôt qu’à des institutions. Pourtant, les exigences de conformité sont les mêmes pour nos 32 000 membres », admet-il.

Éviter la suspicion en étant transparent Selon Michel Mailloux, président de Mayhews & Associés et spécialiste en conformité, un moyen simple d’être conforme, c’est d’être transparent. « La conformité est de nos jours populaire. Dites à vos clients pourquoi vous faites les choses. Dans le formulaire d’ouverture de compte, par exemple, demandez-leur s’ils sont des « oiseaux migrateurs ». Vous pourrez ainsi leur rappeler que vous ne pouvez pas les appeler là où ils passeront l’hiver pour leur vendre des fonds communs. En justifiant vos questions constamment, vous démontrerez vos compétences tout en offrant des conseils », explique le planificateur financier.

« Il est vrai que le représentant a l’obligation déontologique de bien connaître son client », note M. Labelle. Et parfois, c’est difficile d’obtenir cette information. Dans un tel cas, dites simplement au client qu’il est de votre devoir de lui poser ces questions afin de lui offrir des conseils adaptés à sa situation. « La Chambre a plusieurs dépliants publicitaires à cette fin, que peuvent consulter ou imprimer les conseillers », rappelle M. Labelle.

Afficher sa conformité Depuis le cas médiatisé de Carole Morinville, même le registre de l’AMF ne suffit plus pour rassurer les consommateurs, puisqu’il leur faut également comprendre les différents permis que possèdent les conseillers. Devrait-on alors ajouter son numéro de certificat sur sa carte professionnelle ? « Pas sûr », déclare M. Mailloux. Les cartes d’affaires sont de plus en plus chargées en raison du succès grandissant des différents réseaux sociaux comme Linkedln, dont les adresses s’ajoutent aux diplômes et autres titres professionnels juxtaposés au nom du conseiller. « Mieux vaut laisser la place à ses titres professionnels. Par contre, rien n’empêche un conseiller d’indiquer dans une lettre le lien avec l’AMF où se trouvent son numéro de certificat et les permis qu’il détient », remarque-t il.

Le meilleur moyen, selon Michel Mailloux, de démontrer son intégrité, c’est qu’une tierce partie en témoigne. « Le conseiller ne peut s’autoproclamer intègre. Cela paraîtrait douteux. Mais, si je fais partie d’un regroupement professionnel qui déclare que je suis conforme ou si une autre partie certifie que je le suis, c’est encore mieux. »

On peut ainsi afficher dans son bureau un certificat attestant sa conformité. Un cabinet peut donc dire qu’il est certifié conforme en ce qui a trait à un ou plusieurs aspects du code déontologique. « Pratiquement, ce genre de rapport comporte une quinzaine de pages; alors, si on en fait état par écrit au client, mieux vaut l’expliquer le plus simplement possible », affirme M. Mailloux.

Ordre professionnel pour les intervenants Il pourrait être intéressant de fonder un regroupement professionnel qui réunirait tous les intervenants des marchés financiers, croit M. Mailloux. « Si nous sommes plusieurs milliers à dire que nous sommes conformes, nous aurons beaucoup plus de poids que si on l’affirme seul. Et être soumis à un code de déontologie ne veut pas dire que l’on est conforme à l’ensemble de ces normes. Pour cela, il faut une certification qui n’est pas à ce jour obligatoire et qui coûte cher, très cher pour un conseiller indépendant », rappelle Michel Mailloux. Selon Luc Labelle, la Chambre est déjà structurée comme un ordre professionnel. Et pour rassurer le public, il est important de dire à son client qu’il existe un organisme, la Chambre de la sécurité financière, créée par la loi et financée par les membres, qui voit à l’encadrement de ces derniers.

Démontrer son intégrité par des faits Pour le président de la Chambre, un bon moyen de rassurer son client, c’est de lui rappeler que son conseiller est encadré par la Chambre et que, par le fait même, il a des obligations déontologiques et des obligations de formation continue à respecter; sans quoi, il est passible de mesures disciplinaires et risque même d’être exclu de la profession.

« Certains de nos membres impriment nos publicités en couleur et les mettent dans leur bureau. Ils affichent des dépliants comme Une seule option : la compétence, ou ils expliquent l’encadrement du représentant. Ces démarches contribuent à mettre en confiance le public », explique-t-il.

« À l’exception des conseillers en placements, les clients des conseillers pourront dès le mois de novembre savoir en deux clics de souris si leur conseiller est un membre dûment autorisé et s’il a un dossier disciplinaire », ajoute M. Labelle. Le conseiller soucieux de transparence peut expliquer à son client comment il est encadré, tout en lui procurant un lien direct (par courriel ou par lettre) que celui-ci pourra consulter en ligne s’il le souhaite.

Jean Carrier, vice-président de la conformité chez PEAK, suggère aux cabinets de préparer de la documentation pour expliquer aux clients comment leurs conseillers sont réglementés. « Si on a des vérificateurs externes et si on fait affaire avec des fiduciaires reconnus, il faut en informer ses clients. C’est plus rassurant pour eux de savoir que leur argent est placé dans une grande institution canadienne et pas n’importe où aux Bahamas », ajoute-t-il.

Après le scandale de Norbourg, PEAK a conçu un dépliant explicatif intitulé Comment PEAK protège les clients. Conseiller a préparé une lettre modèle s’inspirant de la brochure de Peak (voir Réponses aux questions les plus posées à la fin de cet article, ci-dessous). Ce document expose, sous forme de questions-réponses neutres, comment les clients sont protégés. Un outil de plus dans la boîte du conseiller qui souhaite démontrer son intégrité.

Le cas Morinville La visibilité médiatique d’un cas comme celui de Carole Morinville, par exemple, a un effet certain sur la réputation des conseillers. Pourtant, la réalité n’est pas toujours comme on la dépeint. Moins de 1 % des 32 000 membres de la Chambre de la sécurité financière font l’objet de mesures disciplinaires année après année. En 2009, seuls 85 représentants ont fait l’objet de décisions disciplinaires, c’est moins de 0,3 % de ses membres (donnée de la Chambre).

« Si les chiffres sont éloquents, des cas comme ceux de Carole Morinville et de Vincent Lacroix ont marqué l’imaginaire populaire, remarque M. Labelle. On a beau répéter au public que 99 % des gens de la profession sont honnêtes et compétents, le public nous dit que ce 1 % leur a coûté leur retraite et même leur vie », ajoute-t-il.

Le Fonds d’indemnisation : un autre argument Les clients connaissent pour la plupart la protection de 100 000 $ de la Société d’assurance-dépôts du Canada (SADC). Mais qu’en est-il du Fonds d’indemnisation de l’AMF ? Bien que les cotisations annuelles des intervenants à ce fonds aient beaucoup augmenté après l’affaire Norbourg, le grand public ignore encore souvent qu’une telle protection existe. Il s’agit tout de même d’une indemnisation maximale de 200 000 $ par investisseur en cas de fraude, de manœuvres dolosives ou de détournement de fonds.

« Si j’étais représentant, je dirais à mes clients toutes les mesures qui sont mises en place pour les protéger dans les situations où le conseiller est dûment autorisé. Le fonds d’indemnisation de l’AMF en est effectivement un exemple », remarque M. Labelle.

Démontrer son excellence Dans la foulée des nombreux scandales des dernières années, la Chambre a lancé un Prix d’excellence et un Prix de la relève. « En nommant publiquement ceux qui se démarquent dans notre industrie, nous démontrons notre culture d’excellence », explique M. Labelle.

La performance et la compétence ne sont pas les seuls critères examinés pour l’attribution de ces prix. Il faut notamment faire preuve d’une pratique professionnelle exemplaire et se mériter la reconnaissance des pairs.

Bâtir son intégrité dans la vingtaine Robert Frances a 21 ans quand il débute dans le métier. « Je ne pouvais pas, à mes débuts, promettre des résultats que je ne serais pas en mesure d’obtenir. Il a donc fallu que je me concentre sur ce que je connaissais bien, évitant de recourir à des stratégies financières trop complexes, bien qu’elles puissent sembler avantageuses. Ayant peu d’expérience, je me suis attardé à des stratégies déjà éprouvées et à des produits connus. Cette approche m’a beaucoup aidé », explique le fondateur de PEAK.

« L’intégrité, c’est deux choses. C’est l’intégrité de ce qu’on connaît et de ce qu’on comprend, ce qui veut dire se limiter dans ses entreprises. Et c’est également une intégrité envers son client. On lui donne les services et les explications qu’on lui a promis. On s’engage à l’équiper avec les types de placements et un portefeuille qui correspondent à ses besoins », croit le PDG qui a aujourd’hui la mi-quarantaine.

Si Robert Frances ne devait donner qu’un seul conseil à des jeunes qui débutent dans la profession, il dirait : « Trouvez une firme et entourez-vous de gens qui vous ressemblent et qui ont les mêmes valeurs d’intégrité que vous. C’est dans votre intérêt et celui de la firme qui vous embauchera. »

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Réponses solides aux questions les plus posées Ce petit guide peut servir pour vos brochures, votre site Web ou tout autre matériel promotionnel à remettre aux clients

Votre firme ou votre cabinet est-il réglementé ? Oui. Notre firme est soumise à la réglementation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour ses activités au Québec, et à la réglementation de l’Association canadienne des courtiers en fonds mutuels (ACFM) pour ses activités ailleurs au Canada.

Si vous êtes conseiller en placement, ajoutez que votre firme est soumise à la réglementation de l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM) pour ses activités partout au Canada.

Votre firme fait-elle l’objet de vérifications externes ? Oui. Spécifiez ici quel service ou division de votre firme a fait l’objet d’une vérification de la part de quels organismes de réglementation. On peut ajouter si c’est le cas que « de plus, une vérification de nos livres et registres est effectuée par une firme indépendante de vérificateurs externes sur une base annuelle ».

Qui agit à titre de fiduciaire des régimes enregistrés de votre firme / cabinet ? Notre firme agit à titre de fiduciaire pour nos régimes enregistrés et, à ce titre, les sommes détenues à l’encaisse de ces comptes sont protégées par la Société d’assurance-dépôts du Canada (SADC). Ainsi, toutes les sommes qui nous sont confiées sont immédiatement transférées chez notre fiduciaire qui procède au règlement des transactions.

Votre firme souscrit-elle à une assurance responsabilité professionnelle ? Oui. Notre firme de même que chacun des conseillers souscrivent à une assurance responsabilité couvrant les fautes professionnelles. Il s’agit d’une exigence règlementaire nécessaire pour maintenir un permis de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Si vous êtes conseiller en placement, ajoutez : Notre firme souscrit à une assurance des institutions financières protégeant contre la perte de titres, la fraude informatique interne, etc.

Quels sont les différents fonds de protection existant dans l’industrie ? Le Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF) protège les investisseurs jusqu’à concurrence de 200 000 $ pour une fraude commise par un conseiller ou un cabinet dans le cadre de la distribution de produits financiers. Les secteurs d’activités relatifs aux assurances de personnes, à la planification financière et à l’épargne collective sont sous la juridiction de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et sont couverts par ce fonds.

À l’extérieur du Québec, la corporation de protection des investisseurs de l’Association des courtiers en fonds mutuels (ACFM) protège aussi les investisseurs en cas de faillite de la firme. Enfin, le Fonds canadien de protection des épargnants (FCPE) protège les clients qui font affaire avec un conseiller en placement en cas de faillite du courtier. Cette protection est de l’ordre d’un million de dollars par compte.

Où puis-je vérifier que vos titres sont en règle ? Vous pouvez consulter le Registre des entreprises et des individus autorisés à exercer sur le site Web de l’AMF . Si vous êtes Pl. Fin. : Vous pouvez vérifier notre inscription au Répertoire des Pl. Fin sur le site Web de l’Institut québécois de la planification financière.


Cet article est tiré de l’édition de novembre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.

Sophie Stival