L’AMF devra s’expliquer en commission parlementaire

Par Jean-François Parent | 28 août 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’Autorité des marchés financiers (AMF) a été convoquée par la Commission de l’administration publique pour faire le point sur les lacunes relevées par la vérificatrice générale (VG) du Québec dans son plus récent rapport et expliquer comment elle entend les corriger.

Guylaine Leclerc a constaté plusieurs problèmes dans les mécanismes d’inspection des sociétés financières et d’indemnisation des épargnants. Par exemple, seules 10 % des entreprises du secteur de l’assurance ont été passées en revue depuis 2011, relate la VG, qui constate en outre des suivis « insuffisants » pour évaluer les correctifs mis en place à la suite des contrôles.

D’où la convocation de la Commission de l’administration publique (CAP). On ne connaît pas encore la date de l’audience, mais au secrétariat de la Commission, on estime qu’elle pourrait avoir lieu dès les premières semaines de l’automne.

CORRECTIFS EXIGÉS

« Les résultats de l’audit de la VG soulèvent plusieurs questions quant à la gestion que fait l’AMF des ressources qui lui sont allouées », explique le vice-président de la CAP Jean-Denis Girard, en entrevue avec Conseiller.

Le rôle de la CAP est d’évaluer si l’argent public est bien dépensé, poursuit le député libéral de Trois-Rivières. À cet égard, le régulateur devra proposer des mesures pour corriger les lacunes identifiées par la VG dans son document rendu public le 31 mai dernier.

Tout ministère ou organisme visé par un rapport de la VG est habituellement convoqué par la CAP dans une perspective « d’amélioration continue », explique Jean-Denis Girard.

LE FONDS D’INDEMNISATION TROP COÛTEUX

Lors de la Commission, cet ancien planificateur financier entend notamment interroger l’AMF sur les raisons pour lesquelles « le Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF) coûte si cher à administrer pour aussi peu de réclamations ».

La trentaine de réclamations traitées par l’AMF lors de l’exercice 2015-2016 s’est soldée par le versement d’une seule indemnité de 50 000 dollars. Le FISF coûte entre 1 et 2 M$ par année, note la vérificatrice générale.

À cet égard cependant, l’ex-ministre des Finances péquiste Nicolas Marceau a affirmé à Conseiller que « l’AMF n’est pas coupable des ratés du FISF – elle est victime d’une loi extrêmement restrictive, [qui fait en sorte qu’on] ne verse à peu près pas de compensations aux victimes de fraude ».

Réagissant par voie de communiqué au rapport de la VG en juin dernier, l’AMF déplorait d’ailleurs « le champ d’application limité au type de produit financier autorisé, un enjeu qu’elle a maintes fois soulevé dans le passé » et insistait sur le besoin de modifications législatives.

Actuellement, seuls les actes posés en lien avec un produit ou service financier autorisé sont couverts par le FISF. La vente de produits illégaux par des représentants inscrits ne l’est pas, limitant le recours aux indemnisations. Dans son rapport d’évaluation de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, déposé en 2015, le ministre des Finances Carlos Leitao proposait ainsi d’ouvrir les réclamations aux actes posés en marge de ce que permettent le certificat ou l’inscription d’un représentant.

On attend toujours cette réforme, explique Nicolas Marceau, qui écorche au passage M. Leitao. « Il a reporté trois fois, depuis 2015, le dépôt de son projet de loi d’encadrement du secteur financier et de refonte du FISF. C’est du traînage de pieds ».

INTERROGATOIRE SERRÉ

Le député de Rousseau, également critique en matière de finances pour le PQ, croit néanmoins que l’AMF aura droit à un interrogatoire serré de la part des parlementaires.

« Je m’attends à ce qu’on puisse aller au fond des choses. Il faudra qu’on sache s’il y a une mauvaise administration des ressources, ou si l’on est surchargé de travail. »

Jean-Denis Girard espère quant à lui que l’AMF se donne des objectifs clairs pour pallier les problèmes soulevés par la VG. « Les délais de traitements dans les inspections, par exemple, on ne veut pas juste une stratégie. On veut des objectifs mesurables, avec des échéanciers. »

Il dit vouloir également s’assurer que l’AMF « ait des processus efficaces et simples pour les conseillers et pour les clients ». Des procédures fluides pour les assujettis, un guichet unique pour les investisseurs et des mesures de contrôle efficaces.

« C’est quand même l’entité la mieux placée pour gérer tous ces mandats – mais ce qui est important, c’est que ce soit simple et, surtout, que ça protège bien le public. Pour ça, il faut avoir les procédures les plus efficaces et les meilleures personnes aux bonnes places », soutient Jean-Denis Girard, ajoutant que c’est ce dont la Commission veut s’assurer.

L’AMF SE DIT « ENTHOUSIASTE »

L’AMF dit avoir déjà commencé à plancher sur l’application des recommandations de Guylaine Leclerc. « Nous préparons notre plan d’action pour répondre aux constats de la VG et aux questions des membres de la Commission. Une fois celui-ci complété, la VG et les parlementaires en reçoivent copie, et nous irons ensuite en commission pour discuter de ce plan d’action », explique Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF.

Les mesures qui seront apportées ne sont pas encore finalisées, vacances estivales obligent. Elles ne peuvent donc pas encore être rendues publiques.

L’AMF souscrit « à l’ensemble des recommandations de la VG » et réagit avec « enthousiasme » au rapport, qui sert de base pour raffiner ses interventions et corriger les lacunes identifiées, affirme Sylvain Théberge. « C’est très bon pour une organisation d’avoir un regard extérieur », conclut-il.

Jean-François Parent