Le créateur du PlexCoin dénonce un « enfer juridique »

Par La rédaction | 25 juin 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Rattana Rueangha / 123RF

Dominic Lacroix, créateur de la cryptomonnaie Plexcoin, s’est récemment confié au journal Métro, décriant en détail ce qu’il qualifie « d’enfer juridique » et de « combat déloyal ». 

Celui qui fait face à des enquêtes pour violation des lois sur les valeurs mobilières au Canada et aux États-Unis a d’ailleurs fondé son propre site Web, pour livrer le fond de sa pensée sur son parcours judiciaire. 

Les autorités de réglementation lui reprochent d’avoir collecté des fonds auprès d’investisseurs sans être inscrit comme courtier. L’organisme américain évalue à 6,5 millions de dollars américains la somme amassée auprès de 90 000 investisseurs pour cette cryptomonnaie fondée en 2017.

L’Autorité des marchés financiers a obtenu en septembre 2017 des ordonnances de blocage qui empêchent Dominic Lacroix de manipuler toute forme d’argent. Le 24 juillet prochain, il obtiendra une audience pour tenter de faire lever ces ordonnances, que l’AMF souhaite voir maintenues jusqu’en 2020.

VALEUR MOBILIÈRE OU PAS?

Dominic Lacroix n’en démord pas. Son PlexCoin ne peut pas être considéré comme une valeur mobilière.

« Le PlexCoin était vendu comme un bien contre de l’argent sans promesse de rendement, c’était une cryptomonnaie lancée alors qu’il n’y avait aucune loi qui encadrait les cryptomonnaies à l’époque au Québec, explique-t-il dans Métro. Le PlexCoin n’a jamais été un investissement. C’est la raison pour laquelle l’enquête n’aboutit pas et qu’aucune accusation n’a été portée depuis maintenant plus de deux ans. »

ORDONNANCE SÉVÈRE

Cela n’est pas l’interprétation de l’Autorité, qui est intervenue dès l’été 2017. Une ordonnance a alors été levée contre lui, lui interdisant de dépenser toute somme d’argent, directement ou indirectement. Ses comptes bancaires personnels et d’entreprises sont gelés, ses cartes de crédit annulées et il lui est même interdit de recevoir de l’aide d’une autre personne.

« Ma famille n’a pas le droit de me prêter 200 dollars pour faire l’épicerie, déplore-t-il. Je n’ai pas le droit non plus de vendre quoi que ce soit pour avoir de l’argent pour manger. Le seul moyen possible de pouvoir modifier ce blocage aurait été de me présenter au tribunal, ce qui aurait couté de l’argent, que je n’avais pas le droit de dépenser. »

TOUS CONTRE LUI

Il accuse les autorités de perquisitions illégales, d’intimidation et d’abus de procédure. Les perquisitions et interrogatoires effectués auprès de lui et de ses employés auraient été particulièrement brutaux. Il affirme avoir reçu plus de 100 visites de huissiers. Il a aussi passé une nuit derrière les barreaux, à la suite d’une plainte d’entrave à une enquête de l’AMF. Cette enquête s’est terminée trois mois plus tard, sans accusation.

Les médias en prennent aussi pour leur rhume dans son témoignage. Il les accuse d’avoir bénéficié de fuites venant de l’Autorité pour casser du sucre sur son dos, notamment dans des moments cruciaux, comme juste avant qu’il passe devant un juge.

« Des articles avec des titres accrocheurs, mais complètement faux pour retourner le jugement de la population contre moi et miner mon moral, soutient-il. Les titres m’appelaient le fraudeur ou me disaient recherché par la police. Or, je n’ai jamais été accusé et encore moins déclaré coupable. »

Il s’en prend aussi au rôle de la firme Raymond Chabot, son ancienne firme comptable nommée administrateur provisoire de ses actifs. Ce qui selon lui la place en conflit d’intérêts. Il se demande aussi pourquoi l’AMF ne rembourse pas simplement les investisseurs avec les plus de neuf millions de dollars qu’elle a saisis dans cette affaire. 

« Pourtant, ils continuent depuis deux ans à essayer de trouver encore plus d’argent, ils fouillent et fouillent! Le problème? C’est que Raymond Chabot a été autorisée à faire son enquête, à engager le nombre de gens et de spécialistes qu’il voulaient, et tout ça en se payant à même les sommes saisies », s’inquiète Dominic Lacroix, au moment où les dépenses ont déjà dépassé 1,5 million de dollars.

DE L’ARGENT CACHÉ

L’AMF et l’administrateur provisoire Raymond Chabot présentent toutefois une version de ce dossier bien différente de celle de Dominique Lacroix. Encore récemment, Raymond Chabot faisait état de sites de minage de cryptomonnaies gérés par Dominic Lacroix pour miner du Zcash. Cela lui aurait permis de se payer de luxueuses voitures, malgré la faillite de ses compagnies et la saisie de ses biens. 

C’est d’ailleurs en analysant le mode de paiement d’un VUS Mercedes que l’AMF a découvert des actifs cachés. En remontant la piste, l’AMF a constaté que Dominic Lacroix et sa conjointe Sabrina Paradis-Royer avaient aussi acquis une Tesla S de 186 000 dollars ainsi qu’un Roadster T-Rex ZZ Campagna à depuis le même compte de banque où les bitcoins avaient abouti après avoir été convertis en dollars canadiens.

« Ce n’est que lorsque [l’enquêteur de l’AMF] a découvert l’existence et le mode de paiement de la Mercedes GLE par l’entremise du compte bancaire […] détenu par […] Lacroix […] qu’il a pu démontrer que le paiement de dépenses personnelles était effectué à partir des sommes reçues des investisseurs ayant acheté des PlexCoins », précise le Tribunal des marchés financiers dans une décision de 2018.

Au total, l’AMF aurait identifié « pour au moins quatre millions de dollars américains » de fonds détenus par le couple dans différentes institutions financières qui, jusqu’alors, étaient restés dans l’ombre.

SANS LE SOU, VRAIMENT?

Concernant le minage de Zcash, du matériel informatique évalué à 600 000 dollars aurait été identifié par Raymond Chabot. Il aurait été payé par un transfert d’ethereums en bitcoins après l’ordonnance de l’AMF lui interdisant d’avoir toute cryptomonnaie. Les sites auraient été loués sous d’autres noms, notamment celui de la conjointe de Dominic Lacroix. Ce dernier soutient avoir cessé de miner à la mi-décembre 2018, après que son équipement ait été saisi par les propriétaires des bâtiments, auxquels il n’était plus en mesure de payer les loyers.

Des contracteurs ont aussi affirmé en cour avoir été payés par M. Lacroix pour effectuer des rénovations de 200 000 dollars dans sa nouvelle résidence, alors même que les ordonnances de l’AMF le lui interdisaient. Un message texte signé Master DL et envoyé à un des entrepreneurs faisait état du fait qu’on lui avait pris 2,5 millions de dollars, mais qu’il lui en restait encore 11,5 millions. Dominic Lacroix nie être l’auteur de ce message. 

Ce n’est pas non plus la première fois que Dominic Lacroix vit des démêlées avec l’Autorité des marchés financiers. En 2013, sa compagnie Micro-Prêts et lui avaient plaidé coupable à six chefs d’accusation pour placement illégal, pratique illégale et transmission d’informations fausses ou trompeuses. La Cour du Québec leur avait alors imposé une amende de 25 000 $.

La rédaction