Le grand défi de l’épargne transgénérationnelle

Par Yves Bonneau | 22 Décembre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Closeup portrait of a beautiful daughter embracing her mother

À mesure que la génération omniprésente des baby-boomers se transforme en cohorte de rentiers, le poids de tous les malheurs semble s’abattre sur les autres générations. Elle aura probablement d’énormes responsabilités à combler pour ramener l’équilibre social entre les générations.

Encore une année de plus au compteur! Les années se suivent si vite qu’elles semblent ne plus se démarquer l’une de l’autre. On a l’impression que les événements d’hier continuent de marquer profondément ceux d’aujourd’hui et ceux qui s’en viennent. L’expression populaire voulant qu’« on reprend tout en neuf avec l’année nouvelle! » ne s’applique plus vraiment…

Je relisais mon billet de janvier 2011 et j’aurais pu le republier à quelques détails près, en changeant la date… et les noms des pays européens qui menacent la planète d’une récession imminente. Au lieu de la Grèce et de l’Irlande, l’Italie et la France?

Et pour 2012, que voient les devins? Beaucoup… d’inquiétudes, et peu… de croissance. La fameuse récession qui nous pend toujours au nez; la zone euro sera-t-elle mise à mal par le Portugal, l’Espagne, la Slovaquie? Même les titres de dette allemands, jadis prisés pour leur qualité, n’ont pas trouvé les preneurs escomptés. Les pays de la zone euro sont inquiets. Les agences de notation sifflent sur leurs têtes depuis des mois.

Et, justement, comme le début de l’année coïncide normalement avec un court moment d’introspection et de réflexion, j’en profite pour porter à votre attention cette étude américaine qui a eu très peu d’attention dans les médias, mais qui risque de vous donner une idée plus ou moins réjouissante de l’avenir de la profession si rien ne change au cours des prochaines années.

Yves Bonneau, rédacteur en chef du magazine Conseiller

L’institut américain Pew Research Center, spécialisé en études socio-économiques et sociodémographiques, a publié en novembre dernier une analyse très exhaustive de l’état de la richesse chez nos voisins du Sud.

Pour la plupart des Américains, comme pour les Canadiens et les Québécois d’ailleurs, la propriété est la composante qui pèse le plus dans la balance des actifs. En 2009, la valeur de leur maison représentait 39 % de leur actif total moyen, à laquelle on ajoutait la seconde plus importante composante de leur actif, soit les placements (fonds et titres), qui représentaient 16 % de leur actif total moyen.

« Évidemment, comme la maison est l’actif le plus important des ménages américains, tout changement de direction du marché immobilier a des conséquences considérables sur la valeur de l’actif des ménages », écrit le Pew Center. Lorsque la crise immobilière a débuté vers 2006, elle a tiré vers le bas la valeur de l’actif des ménages pendant le reste de la décennie. Une véritable hécatombe.

Toujours selon l’institut de recherche, en 1984, les ménages d’adultes de 65 ans et plus avaient un actif net de 10 fois supérieur aux ménages de la plus jeune génération des 35 ans et moins. En 2009, cette même comparaison donnait une différence de 47 fois supérieure.

En dollars de 2010, la valeur nette moyenne des retraités américains de 65 ans et plus était de 170 494 $US, comparées à un mince 3 662 $US pour les ménages de ceux qui avaient 35 ans et moins. Faites le calcul, c’est 47 fois plus en faveur des plus vieux!

La disparité de la richesse entre les plus âgés et les jeunes s’est bien sûr intensifiée au cours de la récente crise économique. Mais elle n’explique pas complètement l’ampleur du gouffre que constatent aujourd’hui les chercheurs. La faible augmentation des salaires et le chômage sont aussi des facteurs à considérer.

Malgré le fait que la valeur moyenne des avoirs des ménages ait augmenté de 10 % entre 1984 et 2009, la portion des ménages n’ayant aucun actif, ou une valeur négative, a aussi augmenté. Elle était de 11 % en 1984; elle est maintenant de 20 %.

Finalement, on apprend que l’avoir des Américains de 65 ans et plus a crû de 42 % depuis 1984, alors que celui des jeunes de 35 ans et moins a été amputé de 65 %.

Ces chiffres qui décrivent la réalité financière des Américains peuvent facilement être transposés dans la plupart des pays occidentaux, avec quelques variantes près.

Au Canada, selon l’Institut Vanier de la famille, la dette moyenne des ménages canadiens atteignait plus de 100 000 $ en 2010, et on réussissait à épargner en moyenne 2 500 $. En 1990, on épargnait 8 000 $ par ménage. Au Québec, selon Ipsos Reid, les dettes des ménages sont passées de 40 000 $ en 2000, à plus de 65 000 $ en 2010. La progression la plus importante de l’endettement a toutefois été constatée chez les 35 à 44 ans. Or, même si la valeur des avoirs des ménages canadiens a aussi progressé de façon spectaculaire en raison de l’immobilier, rien ne garantit que ce marché ne fléchira pas lui non plus comme aux États-Unis.

Au rythme où vont les choses, une grande partie de la richesse se retrouvera néanmoins entre les mains d’une génération qui vivra plus longtemps que toutes les autres générations de l’Histoire, et qui devra en plus prendre soin de ses parents âgés tout autant que d’aider ses enfants.

Sans vouloir être alarmiste, le portrait d’avenir de l’épargne devra changer radicalement au cours des prochaines années si l’on veut que l’industrie financière continue de prospérer. Comment, en effet, pourra-t-on soutenir une saine croissance des affaires et un avenir enviable dans la profession si demain les jeunes générations n’ont pas de revenus disponibles pour l’épargne?

Yves Bonneau