L’économie, science exacte?

Par La rédaction | 12 septembre 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Une déclaration de guerre. C’est ainsi que le journal Les Echos qualifie l’ouvrage des économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg intitulé Le négationnisme économique. Et comment s’en débarrasser, qui s’en prend à tous ceux qui doutent que l’économie soit une science infaillible.

Les « négationnistes économiques », comprend-on, ce sont non seulement ceux qui ne croient pas en l’infaillibilité de l’économie, mais aussi tous ceux qui n’adhèrent pas au néolibéralisme.

Les auteurs invoquent la méthode pour prouver l’infaillibilité de la science économique. L’économie recourt, disent-ils, à l’expérimentation chaque fois qu’elle le peut. L’avancement des connaissances est soumis à une évaluation par les pairs dans des revues internationalement reconnues. Ceux qui refusent d’admettre la validité de ces procédures sont de « faux savants ».

Les auteurs semblent oublier que toutes les sciences humaines, dont l’économie fait partie, publient dans des revues scientifiques avec révision des pairs. Cela n’empêche pas les théories rivales de se développer et les débats de s’enflammer, tout comme en économie.

Le journal fait d’ailleurs remarquer que les certitudes du courant « orthodoxe » ne sont pas d’une solidité à tout épreuve. Après avoir vanté les mérites de la libre circulation des capitaux et des politiques d’austérité, les économistes du Fonds monétaire international (FMI) commencent aujourd’hui à revenir sur leurs positions. Les effets n’ont pas été ceux que prévoyaient les études économiques, toutes très scientifiques, sur lesquelles ils s’étaient basés pour faire leurs recommandations.

DES ÉCONOMISTES DUBITATIFS

Les Echos ne sont pas les seuls à soulever des doutes quant aux prétentions scientifiques de Pierre Cahuc et André Zylberberg. Six économistes interrogés à ce sujet restent… dubitatifs. Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes et membre du directoire chez Edmond de Rothschild, qualifie le livre de trivial et naïf et suggère aux auteurs de relire leurs classiques (Adam Smith, John Meynard Keynes, Robert Schiller et autres…).

Selon lui, ils limitent l’économie politique à quelques évaluations simplistes. « Or, son objectif est de comprendre le fonctionnement de l’économie mondiale, note-t-il. Et cela est bien plus compliqué. D’où vient le ralentissement de l’économie mondiale? Y a-t-il risque de stagnation? Cela suppose d’être capable de construire une représentation de ce système si complexe et si daté. »

De son côté, Éric Heyer, directeur du département Analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), rappelle que soutenir que l’économie est une science exacte revient à supposer que ses agents vont toujours réagir de la même manière, rationnelle, indépendamment du contexte et de la période étudiée. « Or, les hommes n’ont jamais les mêmes comportements, souligne-t-il. Ils sont influencés par leurs croyances, leur confiance et leurs pressentiments. Remettre en question en permanence la connaissance économique, c’est tout sauf être négationniste. »

Les Echos enfonce le clou en rappelant que plusieurs idées nouvelles et fécondes (la rationalité limitée d’Herbert Simon, l’économie comportementale de Daniel Kahneman) ne sont pas nées au cœur de l’économie orthodoxe, mais en marge d’elle. Exclure ces contributions revient à faire de l’économie une chapelle fermée.

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