Les FCP et les fonds de couverture seraient-ils des (faux) frères?

Par Pierre Saint-Laurent | 12 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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• Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2006 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.


Les fonds communs de placement sont faciles à comprendre. Le marché progresse : on gagne. Le marché se détériore : on présume que le gestionnaire aura su protéger le portefeuille (en clair, le fonds aura décrû moins que l’indice de référence.)

Mais un instant! Votre FCP de confiance serait-il, en partie du moins, un fonds de couverture déguisé?

C’est du moins ce qu’en conclut Christopher Holt, président de Holt Capital Advisors et éditeur de www.allaboutalpha.com, un site de placements alternatifs spécialisé en séparation alpha et bêta. De quoi s’agit-il? À l’encontre du bêta (la composante «passive» de tout placement), la quête de l’alpha, la composante de «talent» contenue dans la gestion active, est à la base de nombreux efforts de recherche en ce moment. Selon ces recherches, on ne devrait pas hésiter à payer des honoraires importants pour l’alpha, car ces rendements proviennent de gestionnaires chevronnés qui se démarquent. De toutes façons, le bêta, lui, provient du marché et devrait coûter le moins possible: on peut se le procurer à travers un fond négocié en Bourse (FNB) ou un autre produit à base d’indices.

Mais quelle est la part de l’alpha dans les FCP que vous employez tous les jours ? Et celle du bêta ? C’est ce qu’a étudié M. Holt et ses conclusions méritent qu’on s’y attarde.

En faisant appel à une méthodologie développée par le gagnant d’un prix Nobel, William Sharpe, consistant à séparer un placement en éléments constitutifs en décomposant ses rendements (l’analyse de style à base de rendements), M. Holt reproduit la composante « fonds de couverture » grâce à l’analyse de régression et aux rendements historiques d’un FCP canadien bien connu. Il montre1 qu’un fonds commun géré activement est l’amalgame d’un indice de marché et d’un fonds de couverture (défini ici comme un ajout de positions en compte et à découvert aux pondérations sous-jacentes de l’indice).

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Conclusion : un gestionnaire actif devient un « gestionnaire de fonds de couverture» en prenant des positions en compte et à découvert par rapport à l’indice de marché (à la limite, l’utilisation de liquidités provenant de souspondérations du portefeuille pour établir des surpondérations ressemble à l’emploi de levier). La distinction est importante : bien que toutes les positions du portefeuille soient en compte («longues»), les sous-pondérer revient à les vendre à découvert pour ce qui est du travail du gestionnaire. Tout est question de perspective, en passant d’une référence de 0% à celle de l’indice de référence.

Ainsi, les fonds de couverture et les FNB se situeraient en ligne droite avec des produits plus traditionnels comme les FCP. Il n’y a pas de magie dans les fonds de couverture! Mais surtout, M. Holt insiste que ces fonds ne constituent pas des catégories d’actif: ce sont des placements qui ciblent les marchés de façon différente (et qui font usage de positions à découvert, de levier et de produits dérivés: des degrés de liberté supplémentaires). En fin de compte, placement traditionnel = indice (ou FNB) + fonds de couverture. Il s’agit là de la mathématique des superpositions d’alpha, un outil institutionnel qui, selon M. Holt, s’applique très bien aux fortunes personnelles et qui pourrait se retrouver dans de plus petits portefeuilles dans l’avenir.

Qu’en retenir? M. Holt croit que les conseillers progresseront vers une analyse alpha/bêta des portefeuilles de leurs clients et auront de plus en plus tendance à vérifier à quel point les gestionnaires produisent de l’alpha. Pour ce qui est du bêta, ils se tourneraient de plus en plus vers les produits à faible coût, tels que les FNB et les produits indiciels. Cette démarche, bien sûr, se conçoit bien dans un contexte de pratique à honoraires. Pour M. Holt, ces produits créeront une pression croissante sur les gestionnaires traditionnels, à l’instar d’une autre industrie qu’il a connue, celle des agents de voyage qui ont subi l’impitoyable concurrence des sites Internet de réservation en ligne et des billets électroniques des sociétés aériennes. Comme dirait l’autre, ce qui ne change pas, c’est le changement.

Pierre Saint-Laurent, M. Sc., CFA, CAIA, est président d’ActifConseil à Montréal. On peut lui écrire à l’adresse psl@actifconseil.com.

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1 Comparing Position-Level and Regression- Based Techniques for Isolating the “Embedded Hedge Fund” in an Active Mutual Fund.


• Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2006 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

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