Les FinTech, menace ou occasion à saisir?

Par Pierre-Luc Trudel | 15 juin 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Avec l’essor rapide des FinTech dans l’industrie financière, une multitude d’enjeux de nature réglementaire font surface. Trois experts ont partagé leurs points de vue sur cette question lors d’un panel organisé dans le cadre du Forum économique international des Amériques cette semaine à Montréal.

« Pendant longtemps, nous avons sous-estimé les risques réglementaires du système financier. La crise de 2008 nous l’a brutalement démontré. C’est pourquoi il faut faire preuve de beaucoup de prudence », a souligné d’entrée de jeu Daniel Dăianu, membre du conseil d’administration de la Banca Națională a României, la banque centrale roumaine.

Selon lui, la création de marchés parallèles qui échappent aux mesures de contrôle standards, comme les bitcoins, peut représenter un réel risque systémique. Il revient donc aux régulateurs de déterminer quelles innovations sont bénéfiques, et lesquelles le sont moins.

Mais malgré sa méfiance envers certaines fintech, l’économiste admet que les banques ont besoin de se redéfinir et que la technologie leur donne l’opportunité de développer de nouveaux modèles d’affaires.

« Nous devons changer radicalement le système bancaire. Les fintech changent les règles du jeu et forcent les institutions financières à prendre en compte l’insatisfaction des consommateurs face au système actuel », a-t-il dit.

« À l’heure actuelle, il y a un réel fossé entre les besoins des gens et l’offre des banques », a confirmé Mona M. Vernon, vice-présidente de Thomson Reuters Labs. Selon elle, l’innovation technologique permettra de simplifier les lourds processus de conformité qui existent dans les institutions financières traditionnelles.

TENTER LA COLLABORATION

« Les consommateurs sont les grands gagnants de l’essor des fintech. Ils ont accès à un service plus rapide à un coût moindre », a de son côté affirmé David Fernandez, président de Meridex, une fintech canadienne se spécialisant dans l’échange de devises étrangères et les paiements internationaux.

L’entrepreneur est d’avis que la relation entre les fintech et les banques devrait en être une de collaboration plutôt que de concurrence. « Nous avons des solutions qui pourraient permettre aux banques d’améliorer leur performance », a-t-il soutenu.

Il a également évoqué la difficulté qu’ont certaines start-ups du domaine à percer le marché. « Dans le secteur financier, on a besoin de beaucoup de connaissances, de talent, d’un cadre réglementaire et d’argent. Ce sont toutes des choses que possèdent les banques, mais qui sont difficilement accessibles pour les entreprises en démarrage », a expliqué David Fernandez.

Du côté de la réglementation, la collaboration avec les régulateurs est souvent pénible. « À Meridex, le régulateur voulait nous forcer à faire affaire avec les banques pour offrir nos services. C’est un peu l’œuf ou la poule », a-t-il déploré.

« Les fintech veulent être réglementées, mais par les régulateurs, pas par les banques. On ne veut pas deux couches de réglementation », a-t-il insisté. Son souhait serait d’ailleurs que la Banque du Canada fournisse directement les comptes bancaires aux fintech, leur permettant de développer leurs activités sans être à la merci des banques.

Si David Fernandez admet que la réglementation serrée du secteur financier canadien a permis au pays de mieux traverser la dernière crise que d’autres États, il s’inquiète du fait qu’elle ait parallèlement un impact négatif sur l’innovation et la technologie. « On tire de l’arrière au Canada. Oui, il faut une réglementation en place pour protéger le consommateur, mais on doit aussi faire la promotion des innovations technologiques », a-t-il plaidé.

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Pierre-Luc Trudel