« Mettre en quarantaine » les paradis fiscaux

Par Rémi Maillard | 16 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les paradis fiscaux devraient être considérés «comme une dangereuse maladie» et, par conséquent, la communauté internationale devrait les « mettre en quarantaine», affirment Joseph Stiglitz et Mark Pieth.

Dans un rapport publié mardi, Overcoming the Shadow Economy (Vaincre l’économie souterraine), le prix Nobel d’économie américain et l’expert anticorruption suisse estiment que c’est à l’Union européenne et aux États-Unis qu’il revient de prendre la tête de la lutte contre les paradis fiscaux, car ils sont des « leaders économiques ».

« Les régulateurs américain et européen devraient traiter les paradis fiscaux comme les porteurs d’une dangereuse maladie. Sans contrôle, ça peut se propager comme un virulent virus », écrivent-ils dans ce document qui recense une série de propositions destinées à combattre « l’économie souterraine » mondiale.

« ACTIVITÉS SOCIALEMENT RÉPUGNANTES »

Les deux économistes définissent les paradis fiscaux comme étant des « juridictions qui sapent les normes mondiales en matière de transparence financière et des entreprises », rapporte l’Agence France-Presse. Et ils jugent qu’« il y a un point de vue largement partagé, selon lequel ils existent uniquement parce que les États-Unis et l’Europe regardent ailleurs, influencés par leur élite économique ».

« Les paradis fiscaux ont joué un rôle important pour faciliter l’évitement fiscal et l’évasion fiscale, la corruption, le narcotrafic et d’autres activités socialement répugnantes », dénoncent encore Joseph Stiglitz et Mark Pieth. Or, « si ces entités servent de centres pour l’évasion fiscale ou facilitent de quelque manière que ce soit la corruption ou les activités illicites, elles agissent comme des parasites et devraient être isolées du système financier et économique mondial », insistent-ils.

D’après eux, la détention d’un compte par un particulier dans un paradis fiscal pourrait facilement être interdite, tout comme le fait d’être actionnaire, directeur ou administrateur d’une entité localisée dans une de ces « juridictions non coopératives ». De même, le fait qu’une banque entretienne des relations avec ces dernières pourrait être rendu illégal et sanctionné par la loi.

ATTAQUER LE PROBLÈME DE MANIÈRE GLOBALE

Le rapport publié mardi fait suite à la participation des deux économistes à un comité d’experts indépendants créé au printemps par les autorités panaméennes après le scandale des Panama Papers. Ils en avaient toutefois démissionné au mois d’août à la suite de « divergences de vues » sur leur travail, qu’ils souhaitaient rendre public alors que le gouvernement panaméen refuse pour l’instant de se prononcer à ce sujet.

Parmi les autres constats et propositions présents dans le document figure la nécessité de s’attaquer non seulement aux banques, mais aussi à des intermédiaires tels que certains cabinets d’avocats, qui jouent « un rôle pivot » dans l’opacité des montages financiers.

Enfin, Joseph Stiglitz et Mark Pieth appellent les autorités des pays industrialisés à renforcer la protection des lanceurs d’alerte, plutôt que de les poursuivre en justice comme cela est fréquent aujourd’hui, à lutter contre les arrangements fiscaux et à identifier qui sont les vrais bénéficiaires des sociétés et des comptes offshore. Pour cela, « chaque gouvernement devrait tenir des registres de noms des directeurs, agents enregistrés et bénéficiaires de toutes les entités présentes dans le pays », recommandent-ils.

Leur conclusion? « Le secret doit être abordé de manière globale et il ne doit y avoir aucune tolérance en cas de déviation des normes mondiales établies. »

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Rémi Maillard

Journaliste multimédia. Santé, environnement, société, finances personnelles. Également intéressé par les affaires publiques, les relations internationales, la culture… Passionné de cyclisme.