Placement : la discipline de vendre

Par André Gosselin | 22 octobre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Nous ne savons pas vendre, écrit André Gosselin, Ph.D., fondateur de la philosophie de gestion du cabinet Orientation Finance.

Les psychologues de la finance vous diront que c’est l’appât du gain qui empêche les investisseurs d’avoir toute la discipline et la méthode qu’il faut pour vendre un titre et encaisser ses bénéfices, ou ses pertes si c’est malheureusement le cas. Je crois que le problème en est plus un d’information et de connaissance que de sentiment ou d’émotion. Nous ne savons pas vendre parce que nos sources d’informations sont déficientes ou limitées, mais aussi parce que nous manquons de discipline et que nous croyons, à tort, que vendre est une décision complexe.

La plupart des investisseurs autonomes, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de courtier personnel pour leur faire des recommandations, achètent un titre parce qu’ils en ont entendu parler en bien dans les médias. Nos journaux sont très bons pour dire quoi acheter. Lorsque vient le temps de dire ce qu’il ne faut pas acheter ou ce qu’il faut vendre, c’est une autre paire de manches.

Quand est-ce qu’on va lire dans les journaux ou sur Internet un article coiffé du titre 10 titres de grandes compagnies à ne pas acheter, ou encore 15 titres de petites capitalisations à vendre immédiatement ? On lira plutôt des manchettes du genre 10 titres de grandes compagnies à fort potentiel ou 15 titres de PME prêts à exploser en Bourse. Des en-têtes d’articles comme ceux-ci sont de biens meilleurs vendeurs de copies que les entêtes négatives, pessimistes et défaitistes comme les deux premiers exemples.

C’est tentant pour le petit investisseur d’acheter un ou deux titres après la lecture d’un article louangeur sur des compagnies pleines de promesses, dirigées par des gestionnaires visionnaires qui ont des produits fantastiques à mettre sur le marché. Mais comment saura-t-il à quel moment il convient de vendre si les médias ne font aucun suivi des compagnies et titres dont ils ont tant vanté les qualités ?

On dit que la décision de vendre un titre ou un fonds de placement, comme la décision d’acheter, dépend de vos objectifs financiers, de vos besoins, de la composition de votre portefeuille global, de votre horizon de placement et de votre tolérance au risque. C’est sûrement vrai en principe, mais en pratique comment fait-on ?

Les adeptes de l’analyse technique, du moins les vrais, utilisent des stratégies qui émettent ce qu’ils appellent des signaux de vente. Quand les forces du marché sont favorables à la croissance du cours d’une action, il peut arriver un moment où ces mêmes forces du marché ne sont plus favorables à l’ascension de cette action.

En analyse technique, un signal de vente peut être aussi simple que celui voulant que l’on se débarrasse d’un titre dès qu’il connaît une baisse de 15 % depuis son plus récent sommet. Le signal est clair et mesurable. Impossible d’y déroger. Vous pouvez vous tromper dans certaines situations, c’est sûr. Toutefois, vous aurez réduit vos pertes pour vos actions qui ont subie une dégelée de 50 % ou 75 % en quelques mois, comme ce fut le cas avec les Nortel, Bombardier, Axcan Pharma et autres cette année. La grande faiblesse de ceux qui adhèrent aux principes de l’analyse fondamentale est de ne pas avoir de critères de vente clairs et limpides quand vient le temps d’encaisser ses pertes comme ses profits. On sait pourquoi on a acheté tel ou tel titre, sans trop savoir quelles seraient les bonnes raisons de le vendre.

Pourtant, l’analyse fondamentale ne manque pas de moyens et de critères pour indiquer si un titre vaut la peine d’être conservé ou vendu. Ainsi, certains gestionnaires de fonds communs de placement n’hésitent pas à vendre un titre dès que l’entreprise enregistre un trimestre sans croissance de ses bénéfices. D’autres préfèrent vendre quand ils assistent à deux trimestres consécutifs sans croissance des profits. D’autres encore vont vendre quand ce sont les ventes, et non pas les profits, qui sont en décroissance sur un ou deux trimestres. Ce dernier critère est plus pertinent en ce qui concerne les équipementiers et les nouvelles compagnies de haute technologie qui ne réalisent pas encore de bénéfices.

Dans un cas comme dans l’autre, la décision est facile à prendre. À condition de ne pas s’embourber dans des considérations trop subjectives du genre : « est-ce que je peux encore faire confiance à la direction de la compagnie ? » ou « est-ce que les produits et services vendus sont toujours appréciés par la clientèle ? ».

Non pas que ces questions ne soient pas importantes. Il faut toutefois bien comprendre que ce type d’interrogations risque de vous embrouiller l’esprit et, surtout, de vous éloigner d’une attitude fondamentale pour réussir en bourse qu’on appelle la discipline.

André Gosselin