Quand des banques paient… pour perdre leurs clients

Par La rédaction | 22 septembre 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Certains clients de banques privées sont devenus tellement « toxiques » que pour s’en débarrasser, celles-ci sont prêtes à payer d’éventuels repreneurs, rapporte Le Temps.

Avec la fin annoncée du secret bancaire et l’offensive de Washington contre la fraude fiscale, « certaines clientèles ne valent plus rien sur le marché de la gestion de fortune », notamment celle des Européens non déclarés ou des Américains, explique le quotidien suisse.

Dans ce contexte, les banques « vendeuses » sont bien contentes de les céder gratuitement à un repreneur, précise-t-il. Toutefois, lorsque des clients devenus trop encombrants valent « moins que rien sur le marché », il peut arriver que l’établissement qui veut s’en séparer soit obligé de payer un acquéreur!

CLIENTS « DIFFICILES » ET « INVENDABLES »

C’est par exemple le cas de la banque privée et gestionnaire de fortune Coutts qui, après avoir vendu certaines clientèles à l’Union bancaire privée (UBP) en 2015, cherche aujourd’hui à se défaire des portefeuilles de plusieurs de ses clients. Et la banque Leumi, rachetée par Julius Baer en 2014, a connu la même situation l’an dernier.

Le plus souvent, les « vendeurs » sont des institutions financières qui souhaitent cesser d’exercer leur activité en Suisse, explique au Temps Jean-François Lagassé, associé de Deloitte dans le pays. « Certaines banques disposent de portefeuilles résiduels, qu’elles ne sont pas parvenues à vendre, et qui ralentissent le processus de liquidation », précise-t-il.

« Les clients “ difficiles ” et considérés comme invendables voient leurs comptes fermés, avec une lettre et un chèque », ajoute le spécialiste des fusions-acquisitions Christian Fischer, associé de CFM Partners, à Zurich. Toutefois, note Le Temps, cette solution n’est pas toujours possible, car « une banque ne peut pas simplement mettre la clé sous la porte et fermer les comptes de ses clients », et ce, pour deux raisons.

DES DÉBOURSÉS DE PLUSIEURS MILLIONS

D’une part, « elle pourrait être accusée de complicité de blanchiment si elle permettait à ses clients non déclarés de retirer leurs avoirs en liquide ». D’autre part, « tant qu’il accueille des comptes, un établissement doit rester opérationnel, avec du personnel, des fonds propres, une licence bancaire. Bref, des coûts qui se chiffrent en millions ».

Les clients dits « difficiles » sont notamment ceux qui détiennent des comptes bloqués, par exemple parce qu’ils font l’objet d’une procédure judiciaire. De même, les détenteurs de comptes investis dans des titres non liquides, impossibles à écouler, figurent également dans cette catégorie. Enfin, les personnes considérées comme « à haut risque », tels les Américains ou certains fraudeurs impénitents, ou encore qui proviennent de régions qu’un établissement ne souhaite plus desservir, peuvent elles aussi devenir indésirables.

Dans ces cas-là, « les banques cherchent à conclure des asset deals [vente de clients] et les repreneurs demandent souvent à être payés pour les accueillir », indique Jean-François Lagassé. Selon un spécialiste cité par Le Temps, un établissement qui cède sa clientèle « doit généralement débourser quelques milliers de francs suisses, voire un montant en millions ».

UNE BONNE AFFAIRE POUR LE REPRENEUR

Mais qui peut bien vouloir de ces clients devenus gênants? Plusieurs types d’acteurs, et « en premier lieu ceux qui se sont spécialisés dans une niche, comme celle des résidents américains ». Certaines petites banques ont elles aussi un profil d’acquéreur potentiel, car « elles peuvent juger attractifs des clients considérés comme trop petits par de plus grands établissements ». Par ailleurs, « il se peut que le repreneur soit déjà actif sur les marchés dont la banque vendeuse veut se retirer, ce qui facilite l’accueil de ces nouveaux clients ».

Enfin, « d’autres établissements peuvent faire le pari que la situation des comptes bloqués va finir par s’arranger » et, dans ce cas, leur stratégie consiste « à facturer des honoraires minimes jusqu’au moment où une gestion normale, plus rémunératrice, pourra à nouveau être effectuée ».

« Se faire payer pour reprendre des clients dont personne ne veut est plutôt un bon business pour le repreneur, qui s’assure une croissance immédiate de ses avoirs et à un coût attractif », estime Jean-François Lagassé. La preuve? Une demi-douzaine de dossiers de ce type sont récemment arrivés sur la place financière genevoise et tous ont trouvé un acquéreur.

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