L’athlète dit moyen, selon les standards olympiques, se situe parmi les 10 à 30 meilleurs – au monde – de son sport de prédilection. C’est carrément surhumain! Mais ça ne garantit absolument pas son avenir.

Ça veut plutôt dire la course aux petites subventions pour tenter de se maintenir dans la cohorte de tête, les petits boulots pour payer ses dépenses personnelles, le recours à des campagnes de sociofinancement pour se permettre de voyager, d’acheter son équipement… Sans oublier ce que lui coûte le massothérapeute, le physiothérapeute, le psychologue, etc.

Et ce, jusqu’à ce qu’il soit Aubut, pardon, au bout de son rouleau…

Des milliers d’adolescents et de jeunes adultes, tous parmi l’élite mondiale de leur discipline, sont exploités pour le bénéfice de certains vieux croulants qui n’en ont jamais assez. Jamais assez de pouvoir. Jamais assez de voyages aux frais des pays candidats, des villes candidates, du pays hôte, de la ville hôtesse, jamais assez de visites de courtoisie, de repas gastronomiques, de cadeaux pharaoniques, de petites passes de billets sous la couverture et autres virements électroniques discrets dans des comptes suisses qui n’ont d’olympique que les proportions. En plus de leurs juteuses compensations.

Et comme si ce n’était pas suffisant, voici qu’un « dignitaire » de l’Olympisme se fait prendre la main dans le sac… aux dollars. Misère.

La beauté de cette superbe jeunesse vibrante, des couleurs, des paillettes et des records diffusés en 4K nous fait oublier l’essentiel : la marchandisation du sport dit amateur enrichit une classe bien bourgeoise de citoyens qui ne parviennent pas à assouvir leur appétit insatiable. Le « produit olympique » est une chose très complexe, raffinée au possible, nourrie d’idéaux justes et valeureux pour endormir le peuple qui fournira nécessairement le capital humain et financier pour alimenter le système.

La machine olympique, c’est big, comme dirait Elvis Gratton : 55 G $US pour les Jeux de Sotchi, 44 G $US pour ceux de Pékin. On estime que les Jeux de Rio coûteront plus de 15 G $US. C’est vrai, il y a les retombées. À Athènes, les 15 G$ qu’ont coûté les Jeux ont contribué à faire exploser la dette du pays. Montréal engloutit chaque année des centaines de milliers de dollars dans l’entretien de son stade, qui a coûté plus de 1,5 G$. Et il y a pire : selon le journal britannique The Independant, la vaste majorité des sites olympiques sont aujourd’hui inutilisés et dépérissent. Gageons qu’aucun n’aura la pérennité du Parthénon!

« Le but du Mouvement olympique est de contribuer à bâtir un monde pacifique et meilleur en éduquant la jeunesse à pratiquer le sport sans discrimination, dans un esprit de solidarité, d’amitié et de fair-play. »

– Comité international olympique

De 2008 à 2012, les revenus du Comité international olympique, un organisme sans but lucratif basé — avantageusement — en Suisse, se sont élevés à 3,45 G$ alors que ses dépenses ont totalisé 2,6 G$. Selon les rapports déposés au fisc, le CIO a remis 1,895 G$ en subventions aux différentes instances nationales de sport comme les fédérations et autres comités olympiques nationaux.

Avouez que c’est beau! Les extraordinaires prestations des gymnastes masquent les coûts réels de l’entraînement et des efforts de ces jeunes pour atteindre ce qu’on leur a présenté comme un idéal : Citius, Altius, Fortius, (Plus vite, plus haut, plus fort), la devise olympique des jeux modernes, proposée par Pierre de Coubertin. Il était fort ce monsieur de Coubertin. Faire travailler gratuitement l’élite sportive de la société pour enrichir la noblesse. Plus d’un siècle plus tard, on doit admettre qu’il avait vraiment une formule gagnante en main.

Depuis trop longtemps, on fait miroiter la gloire et le succès à des jeunes pleins de courage, d’énergie et d’ambition pour s’enrichir grassement à leurs dépens. En ne leur laissant que ce que les commanditaires veulent bien leur donner. Pour certains, ça peut représenter des millions de dollars, comme Michael Phelps avec Under Armour, ou Usain Bolt avec Puma. Pour d’autres : une paire de chaussures par mois…

« L’Olympisme est une philosophie de la vie, exaltant et combinant en un ensemble équilibré les qualités du corps, de la volonté et de l’esprit. Alliant le sport à la culture et à l’éducation, l’Olympisme se veut créateur d’un style de vie fondé sur la joie dans l’effort, la valeur éducative du bon exemple et le respect des principes éthiques fondamentaux universels. »

– Comité international olympique

Comparons avec le hockey. Lorsqu’un joueur atteint la Ligue nationale et que son savoir-faire peut être vendu au public, l’athlète est protégé par une convention collective et reçoit de généreux avantages sociaux fournis par son employeur. Il bénéficie d’un régime de retraite basé sur les revenus générés par la ligue et d’une couverture d’assurance complète lui permettant de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille en cas d’accident.

Quelles différences y a-t-il entre le sport professionnel et les Olympiques? Essentiellement, il s’agit d’une mécanique assez semblable. On emploie des jeunes qui s’enrôlent et engloutissent de petites fortunes pour aller au bout de leur passion, on procède ensuite par élimination jusqu’à ce que l’écrémage nous laisse les meilleurs éléments. Mais là s’arrête le parallèle.

Les athlètes qui atteignent les ligues professionnelles gagnent d’excellents salaires et sont relativement bien protégés; les olympiens, eux, reçoivent de belles médailles qu’ils doivent ensuite tenter de monnayer avec plus ou moins de succès. Entre les deux, une foule d’intermédiaires s’enrichissent. Des gérants, des propriétaires, des équipementiers, des médias, des patrons, des dignitaires, des avocats, des présidents de comités ou de fédérations.

On veut tous croire que personne ne force ces enfants à se défoncer. Mais cela ne donne pas pour autant la légitimité aux bonzes du CIO d’empocher le pactole grâce aux prouesses de ces jeunes. Ces athlètes se retrouvent avec des blessures chroniques, des dépressions, des carences, etc. Après leur carrière sportive, plusieurs ont de la difficulté à donner un sens à leur vie, d’autres doivent se faire reconstruire les genoux comme la patineuse de vitesse Nathalie Lambert. D’autres encore se retrouvent à 30 ans sans diplôme…

Force est d’admettre que le sport professionnel, malgré ses énormes défauts, traite sa ressource principale beaucoup mieux que le sport dit « amateur ». Ce ne fut pourtant pas toujours le cas : il y a 60 ans, un Maurice Richard ne pesait pas lourd contre les propriétaires d’équipes. Il est peut-être temps de rétablir un certain équilibre. Une bonne partie des revenus colossaux générés par les Olympiques devraient être partagés de manière plus équitable avec les athlètes qui y participent.

Aux jeunes qui se tuent à l’entraînement pour se dépasser et nous éblouir, on est tenté de souffler un conseil, inspiré par la réplique savoureuse de Numérobis, dans le film Mission Cléopatre :

« Pas d’athlètes? Pas de Jeux. Pas de Jeux?… Pas de Jeux! »

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