Radié trois ans pour s’être placé en conflit d’intérêts

Par La rédaction | 13 Décembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Pour avoir transféré la police d’assurance vie d’une cliente à sa propre épouse, Claude Huet devra payer une amende de 6 000 dollars. Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a en outre ordonné sa radiation temporaire pour une durée de trois ans.

Cette décision a été rendue le 27 novembre après que le conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 116684) eut plaidé coupable à l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire. Celui-ci a ainsi admis s’être placé en situation de conflit d’intérêts en faisant transférer la police d’assurance vie universelle appartenant à une cliente en faveur de son épouse et en faisant modifier la désignation de bénéficiaire en faveur de cette dernière, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et 18 du Code de déontologie de la CSF.

Les faits reprochés se sont déroulés à Saint-Jérôme en septembre 2014. Durant la période visée par la plainte, l’intimé détenait un certificat l’autorisant à agir à titre de représentant en assurance de personnes, rattaché au cabinet Services Financiers Claude Huet depuis novembre 2000. Son bureau était alors situé dans sa résidence, à Terrebonne.

« ABUS DE CONFIANCE PLANIFIÉ »

En 1993, l’une de ses clientes avait souscrit par son entremise une police d’assurance vie pour une valeur de 35 000 dollars. Mais en 2014, apprenant qu’elle était atteinte d’un cancer en phase terminale, elle l’a contacté pour lui faire savoir qu’elle ne désirait plus que le montant de cette assurance soit versé au bénéficiaire désigné initialement. Claude Huet l’a ensuite rencontrée et elle lui a alors signé un transfert de propriété en faveur d’une autre personne, en l’occurrence son épouse.

Or, en agissant de la sorte, le conseiller s’est placé « dans une situation de conflit d’intérêts manifeste », souligne le comité de discipline. Le procureur de la plaignante a estimé que les circonstances de la commission de l’infraction, notamment la vulnérabilité extrême de la cliente, l’imminence de son décès et sa totale dépendance aux conseils de l’intimé étaient telles qu’un message clair devait être lancé aux représentants afin qu’ils réalisent qu’une situation de cette gravité entraîne une sanction sévère.

Le procureur a ensuite invoqué plusieurs facteurs aggravants liés à cette affaire, notamment les suivants : Claude Huet a mis deux ans avant de reconnaître sa faute; il s’en est pris à la personne qui l’avait dénoncé; il a effectué deux tentatives pour négocier le retrait de la plainte en échange d’un règlement, contrevenant ainsi à son obligation de ne pas communiquer avec cette personne à la suite du dépôt de sa plainte, un comportement qui « peut être assimilé à une entrave à la justice ». Concernant l’infraction proprement dite, le procureur a souligné le fait que la cliente était particulièrement vulnérable au moment où elle a été commise, ce qui aurait dû amener l’intimé à « redoubler de prudence », et il a évoqué un « abus de confiance planifié ».

« ENVOYER UN MESSAGE CLAIR À LA PROFESSION »

Le procureur de la plaignante lui a néanmoins aussi reconnu certaines circonstances atténuantes : âgé de 76 ans, il a exercé dans la discipline de l’assurance de personnes sans interruption pendant plus de 30 ans, n’a aucun antécédent disciplinaire et a récemment avisé l’Autorité des marchés financiers et la CSF de son intention de renoncer à son certificat et de ne plus pratiquer dans le domaine de la finance. De même, le procureur a souligné le fait que ce dossier comportait un seul événement et une seule cliente; que Claude Huet avait annulé son geste quelques jours après l’avoir posé; et qu’il n’avait en fin de compte retiré aucun bénéfice de l’infraction.

Le procureur de la plaignante a également affirmé que même en l’absence d’intention malveillante de l’intimé, considérant la grande vulnérabilité de sa cliente et l’imminence de son décès, l’infraction de conflit d’intérêts commandait l’imposition d’une sanction sévère. Enfin, il a ajouté que même si une décision imposant une période de radiation avait peu de conséquences pour Claude Huet, qui a pris sa retraite, la dissuasion des membres qui pourraient être tentés de l’imiter était « impérieuse ». Autrement dit, la sanction devait envoyer un message clair au représentant et à l’ensemble de la profession que ces situations de conflit d’intérêts ne sont pas tolérées.

Dans sa décision, le comité de discipline souligne notamment qu’« il ne suffit pas pour un représentant de se retirer ou de devenir inactif pour ainsi se soustraire à un exercice vigilant et non complaisant de [sa] part », puisqu’« il a pour mission première d’assurer la protection du public ». Il conclut en indiquant qu’« un message de réprobation doit être lancé eu égard à la gravité du geste posé à l’égard d’une clientèle des plus vulnérables ». En conséquence, il a déclaré Claude Huet coupable de s’être placé en situation de conflit d’intérêts, l’a radié pour trois ans et lui a infligé une amende de 6 000 dollars, en plus de l’obliger à payer les déboursés.

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