Secteur de l’énergie : les bonnes zones de ressources sont à l’étranger

Par Dean DiSpalatro | 4 novembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
11 minutes de lecture
Oil map

La performance des titres des sociétés d’énergie œuvrant exclusivement au Canada n’a pas été à la hauteur récemment. Voilà pourquoi les investisseurs se tournent vers l’étranger. Trois experts de l’industrie nous proposent les meilleures possibilités.

Un peu de contexte Les investissements en énergie devraient être exclusivement une question de résultats, affirme Norman MacDonald, gestionnaire de portefeuille à Trimark. « Je sous-pondère le Canada, explique-t-il, puisqu’il y a de meilleures occasions ailleurs. Ce qui importe le plus, c’est le profil de la société et l’occasion qu’elle présente en matière d’énergie. Là où elle se trouve n’est pas si important. »

Les incontournables

    • 1. Talisman Energy, Calgary. « Nous sommes les actionnaires principaux. L’action vaut entre 17 $ et 19 $, mais elle est toujours autour de 12 $ », affirme Maarten Bloemen, gestionnaire de portefeuille au Groupe de gestion des actions mondiales Templeton.
    • 2. Total, Paris. « Le rendement du dividende est de plus de 6 % et la société pourrait continuer à le verser même si le cours du baril de pétrole chutait à 80 $. L’augmentation estimée de la production, qui est de l’ordre de 3 %, est parmi les meilleures des compagnies pétrolières et gazières intégrées », explique-t-il.
    • 3. Royal Dutch Shell et BP. « Ils ont assaini leur bilan et le ratio d’endettement est maintenant de 20 %. Le titre se négocie au rabais en partie à cause de la situation financière de l’Europe. »

    Il note que les marchés du pétrole et du gaz présentent le plus de valeur, et que celui du charbon s’essouffle. « C’est polluant et la production devrait cesser progressivement. Les excellentes perspectives du gaz naturel devraient achever d’écarter le charbon. »

    Les titres américains, tels que Cabot Oil & Gas, ConocoPhillips et Noble Energy, ont offert de meilleurs rendements que leurs homologues canadiens au cours des dernières années, explique David Popowich, analyste de la recherche à Valeurs mobilières Macquarie.

    « Toutefois, ajoute-t-il, plusieurs titres de sociétés canadiennes cotées exerçant des activités à l’échelle internationale sont bon marché parce qu’on les considère comme plus risquées que celles œuvrant exclusivement au Canada. Si les facteurs fondamentaux sont solides, ce sont de bons achats. La production et la croissance des réserves des sociétés exclusivement canadiennes sont lentes et stables, et, habituellement, ces dernières versent des dividendes. »

    Quatre facteurs de risque permettent d’évaluer la valeur d’une zone de ressources à l’étranger :

    • La sécurité : le pays pourrait-il connaître des épisodes de violence ou d’instabilité politique?
    • La politique : le gouvernement du pays pourrait-il changer le régime fiscal ou la réglementation, ou nationaliser l’industrie en question?
    • La géologie : l’information sur la géologie est-elle complète? Les règles sur la divulgation des renseignements ne sont pas aussi strictes dans certains pays étrangers.
    • Les infrastructures : les infrastructures sont-elles bien développées? Si ce n’est pas le cas, les sociétés doivent les bâtir elles-mêmes et négocier avec les propriétaires terriens qui pourraient s’opposer à ce que ces infrastructures soient développées à proximité de leur propriété.

    Où investir?

    Pennsylvanie Le bassin de Marcellus est un gisement de gaz de schiste. Il contient également un condensat de gaz naturels (éthane, propane et gaz naturel). Ainsi, les sociétés qui exploitent ce gisement sont plus solides, explique M. MacDonald.

    « Lorsque les prix du gaz naturel se sont effondrés, ces sociétés ont mieux performé que celles exploitant des ressources de gaz pur : elles se sont maintenues à 4 $ alors que les prix du gaz étaient inférieurs à 3 $ puisque les liquides dérivés ont pris le relais des bas prix », précise-t-il.

    Deux sociétés à surveiller : Ultra Petroleum et Range Resources.

    Dakota du Nord Whiting Petroleum produit du pétrole dans la formation de Bakken, un gisement du Dakota du Nord. « Le pétrole ne pouvait pas être extrait avec des méthodes traditionnelles. Les nouvelles techniques de forage horizontal ont permis d’y avoir accès », dit M. MacDonald.

    Les titres de la Whiting sont très sous-évalués. « En juillet 2013, le prix du titre était environ 24 % inférieur à celui de la Crescent Point – une société canadienne comparable du point de vue des actifs. »

    Mexique Pemex, la société nationale pétrolière, est indéracinable. Les étrangers ne peuvent donc pas y investir directement.

    Argentine « L’année dernière, le gouvernement a exproprié les actifs pétroliers de Repsol, mais plus récemment, Chevron a annoncé qu’elle s’associait à Repsol pour développer les hydrocarbures de schiste du pays, affirme David Popowich. Chevron reprend les actifs que Repsol a perdus et s’est engagée à creuser cent puits, et prévoit en creuser mille autres. Cela prouve que l’Argentine reconnaît que l’expertise occidentale est nécessaire. »

    De plus, l’Argentine permet maintenant aux revenus provenant de l’énergie de sortir des frontières. « Avant, les recettes pétrolières devaient être réinvesties dans le pays. La nouvelle politique est donc un incitatif pour les sociétés étrangères », précise M. Popowich.

    Colombie Le gouvernement a appuyé les investissements étrangers dans son industrie pétrolière. Selon M. Popowich, cet appui devrait se maintenir. « La classe ouvrière a grandement profité du boom de la ressource – aucun parti politique au pouvoir ne peut être contre l’essor commercial. »

    Il indique que la Colombie valorise l’esprit d’entrepreneuriat et que de nombreuses sociétés pétrolières à petite capitalisation prennent leur envol. Puisque les gisements sont relativement petits, la consolidation est improbable à son avis.

    Les titres couverts par M. Popowich se négocient en surprime. « Mais les investisseurs aiment les équipes de gestion et la géologie, alors cela ne les préoccupe pas », précise-t-il. Une mise en garde : les rebelles des FARC s’attaquent aux infrastructures pétrolières. Ils ont réussi à faire fermer la conduite principale de la Gran Tierra Energy pendant six mois l’année dernière.

    Pérou David Popowich est aussi optimiste en ce qui concerne le voisin du sud de la Colombie. « L’industrie du pétrole se porte bien et est ouverte aux investissements étrangers, explique-t-il. Ollanta Humala a été élu et depuis qu’il est au pouvoir, il fait tout pour favoriser le commerce. » La Gran Tierra a fait une grande découverte plus tôt cette année, indique-t-il. Il suggère aussi de prêter attention à Repsol, Pacific Rubiales et Pluspetrol.

    Brésil Les problèmes logistiques de Petrobras, la société pétrolière semi-publique, ont entraîné des délais de production à l’étranger, affirme M. MacDonald.

    « Les problèmes que connaît le Brésil ne sont pas sans rappeler ceux de Fort McMurray. L’inflation des coûts est galopante et les équipes de gestion ont été trop optimistes quant au développement de la production », ajoute-t-il.

    Maarten Bloemen, gestionnaire de portefeuille au Groupe de gestion des actions mondiales Templeton, souligne que l’incapacité de Petrobras à atteindre ses cibles de production a fait chuter le cours des actions. « C’était une bonne occasion pour nous – c’est l’une des sociétés les moins chères que l’on peut acheter. »

    Il s’attend à une reprise de la production une fois que les délais de livraison des équipements seront résolus.

    Nigeria Plusieurs sociétés ouvertes y exercent leurs activités, notamment Mart Resources, une société canadienne cotée, et Eland Resources, une société britannique cotée.

    « Dans l’ensemble, les perceptions à l’égard du Nigeria s’améliorent. Le fait que des sociétés nationales aient le droit de s’associer à des sociétés occidentales a aidé. Il y a beaucoup de pétrole et certaines sociétés sont prêtes à subir des mesures fiscales quelque peu répressives pour y avoir accès », précise-t-il.

    Cela étant dit, « jusqu’à 20 % de la production de pétrole brut est détournée. Les voleurs de pétrole bien organisés et de calibre industriel puisent le brut à même les pipelines et l’acheminent vers des raffineries clandestines », explique David Popowich. Qui plus est, le gouvernement ferme en partie les yeux sur le problème parce que des membres de la classe aisée du pays en tirent profit.

    Le grand rift est-africain Cette région à haut risque comprend l’Éthiopie, le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda, où des programmes d’exploration minière actifs sont en cours. « Les investisseurs tolèrent les risques politiques et sécuritaires élevés parce qu’il existe peu d’endroits dans le monde où les réserves de pétrole sont aussi importantes », lance David Popowich.

    Les sociétés à surveiller : Africa Oil, une société canadienne cotée, et Tullow Oil, une société britannique cotée.

    Tchad Plusieurs sociétés, comme la canadienne United Hydrocarbon et la britannique Caracal Energy, y connaissent du succès. Si le Tchad partage une frontière avec le Soudan, les champs pétrolifères se trouvent au sud-ouest, loin de la violence.

    Libye Le pays est membre de l’OPEP et ses réserves de pétrole sont reconnues. « Kadhafi a été délogé il y a deux ans, mais je ne crois pas que la Libye soit propice aux relations commerciales », croit David Popowich. La société italienne Eni S.p.A. est l’acteur majeur du marché.

    Égypte Transglobal Energy exerce des activités en Égypte. « Parmi les sociétés que nous suivons, c’est l’une des mieux gérées, mais le gouvernement égyptien est presque en faillite. Il ne parvient plus à payer les producteurs de pétrole pour les ventes de brut », explique M. Popowich.

    Au sujet du récent coup d’État militaire, il affirme « qu’il faudra au moins un an pour que l’économie se redresse et on mettra un frein à l’octroi de permis aux sociétés énergétiques en raison de la confusion administrative. La situation devrait s’améliorer, et le risque de nationalisation reste faible, mais les investisseurs doivent être patients. »

    Algérie « Restez à l’écart ! conseille David Popowich. L’année dernière, une usine de production de gaz naturel a été l’objet d’une importante attaque terroriste, et plusieurs sociétés à petite capitalisation ont vu leurs actifs expropriés. »

    Malaisie Le risque politique est faible et les réserves de pétrole et de gaz sont importantes. Cela étant dit, « il y a sur place une solide société pétrolière nationale », selon M. Popowich. Il n’y a pas d’occasion d’investissement.

    Birmanie « Le pays est fermé aux sociétés occidentales depuis trente ans, mais il procède actuellement à la mise aux enchères de lots à potentiel d’exploration à des sociétés étrangères », explique David Popowich.

    Russie Les manœuvres politiques sont venues gâcher un bon investissement : les titres de Gazprom. « C’est le titre d’énergie le moins cher du monde », indique M. Bloemen. Mais le gouvernement ne vend pas le gaz à la valeur des cours internationaux, c’est pourquoi Maarten Bloemen a réduit ses actifs. Il a gardé une partie des titres parce qu’ils offrent un rendement de dividende de 6,5 % et parce que le pipeline Russie-Chine est prometteur.

    Kurdistan iraquien Les investisseurs canadiens et britanniques aiment cette ressource depuis au moins cinq ans. Genel Energy est active là-bas et Tony Hayward en est le directeur général (il était auparavant directeur général de la BP).

    « Genel a fait beaucoup de chemin depuis la mise en place de l’équipe de gestion anglaise, et le Kurdistan a fait des pas de géants en vue de l’ouverture des marchés à l’exportation », explique David Popowich.


    Dean DiSpalatro est le rédacteur en chef du Groupe Advisor.

    Dean DiSpalatro