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Tiré de formations certifiant des UFC

Tolérance au risque et aux fluctuations
Montrez à vos clients comment mesurer leurs réactions possibles.

Prenons l’exemple de Paul, qui prendra sa retraite dans une vingtaine d’années.

En 2006, il a placé tout l’argent de ses REER en actions et en fonds d’actions, ce qui était justifié par son horizon individuel de placement. Il estimait sa tolérance au risque « élevée ». Pendant deux années, la croissance de son portefeuille fut aussi élevée.

Survient octobre 2008 et la dégringolade boursière… Paul, oublieux de l’histoire boursière, panique et vend tous ses placements pour abriter son petit capital dans un compte d’épargne.

Fin 2010, soit deux années plus tard, les bourses ont déjà bien remonté, comme toujours après une forte chute. Paul a recommencé à acheter des actions et des fonds d’actions. Après avoir essuyé de lourdes pertes, il a raté une partie essentielle de la remontée boursière… Pourquoi ?

Parce que, dans sa panique, il s’est laissé submerger par le court terme, par l’immédiat, par les médias quotidiens. Parce qu’il n’avait pas pris conscience de l’intensité possible de ses réactions irraisonnées. 

Paul se considérait comme un être 100% raisonnable. Il a été pris au piège par ses ennemis intimes. Il ne s’est pas protégé de lui-même. 

Conclusion : la bourse n’a pas été mauvaise pour Paul ; c’est Paul qui a été mauvais pour la bourse. C’est Paul qui doit s’améliorer, pas la bourse !

L’expérience de Paul nous permet de comprendre que nous devons essayer de mesurer nos réactions possibles, notre « tolérance au risque », notre comportement.

Avant d’interroger nos états d’âme, clarifions ces trois points :

  • Accumulons-nous ou décaissons-nous ? Quel est notre âge ?
  • Définissons l’objectif de chacun de nos placements
  • Inscrivons l’horizon de placement en fonction de chaque objectif

Situons-nous dans l’image ci-dessous : plus nous sommes jeunes, plus nous pouvons nous permettre d’audace dans nos placements car, en cas de pertes, nous aurons du temps pour nous « refaire ».

Par ailleurs, souvenons-nous que les fluctuations ne signifient pas nécessairement « risques ». Les fluctuations sont un simple élément de notre vie financière, dont nous pouvons parfaitement maîtriser la compréhension.

Par ailleurs, lorsque nous franchissons le seuil de l’âge d’or, nous pouvons avoir tendance à devenir frileux devant les fluctuations que nous transformons en risques.

La première action à effectuer sera de prendre clairement conscience de notre ou de nos horizons de placement. Consacrons donc un moment aux questions suivantes qui reflètent ce cas typique : nous sommes un jeune retraité de 65 ans dont l’horizon de placement est 30 ans :

  1. Pourrions-nous avoir besoin, pour en vivre, de tout notre argent au cours des trois prochaines années (court terme) ?

Si la réponse est OUI, il est clair que la stabilité prime sur le rendement.

Si la réponse est NON, calculons la somme qu’il nous sera nécessaire de retirer au cours de ces trois prochaines années et plaçons celle-ci dans un outil totalement stable.

  1. Pourrions-nous avoir besoin de tout notre argent au cours des huit prochaines années ?

Si la réponse est OUI, la stabilité sera aussi importante que le rendement pour les années 4 à 8 (moyen terme). Pour les trois premières (court terme), la stabilité prévaudra comme ci-dessus.

Si la réponse est NON, calculons les sommes qu’il nous sera nécessaire de retirer au cours de ces huit prochaines années en séparant nos besoins pour les années 1 à 3 de nos besoins pour les années 4 à 8.

  1. Ce dont nous aurons besoin pour les années 9 à 30+ constituera le reste, ce qui représentera une somme très importante.

Nos priorités devraient être :

Années 1 à 3 : la stabilité prime sur le rendement

Années 4 à 8 : l’équilibre stabilité – rendement prime

Années 9 à 30+ : le rendement prime sur la stabilité

En d’autres termes, quand estimons-nous que nous commencerons à puiser (petit à petit et pas tout d’un coup) dans notre capital-retraite pour en vivre ?

Ces réponses vont nous aider à définir les portions de capital que nous devrions placer à court, moyen ou long terme.

Exemple typique de calcul : 

Je viens de fêter 65 ans et je prends ma retraite après avoir accumulé en 40 ans de vie active un petit capital de 500 000$ dans mes régimes de retraite (REER, CRI, RPA…).

Mon espérance de vie est de 85 ans et mon horizon de placement individuel 95 ans. Mon capital doit donc durer 30 années.

J’établis mes projections sur un taux de rendement de 5% en moyenne.

Ma calculette indique que je puis retirer de mon capital, chaque année, 32 500$ pour vivre joyeusement jusqu’à mes 95 ans. À ces retraits, s’ajouteront les pensions publiques ou privées auxquelles j’ai peut-être droit.

Comment vais-je répartir mes actifs ? 

Voici une méthode simple : je multiplie le retrait annuel (32 500$) par mon horizon de placement (30 années) : cela fait 975 000$ (fruit de mon capital et des revenus de celui-ci) sur ces 30 années. Les chiffres sont arrondis.

– Pour le court terme, soit 3 ans, je retire 32 500 x 3 = 97 000$ que j’actualise à un taux de 2% = 94 000$ soit 18,5% du total 

– Pour le moyen terme, soit 5 ans, je retirerai 32 500 x 5 = 163 000$ que j’actualise à un taux de 4% = 128 000$ soit 25,3% du total (que je répartirai en 2 moitiés — actions et obligations — pour visualiser la répartition globale de mes actifs)

– Pour le long terme, soit 22 ans, je retirerai 32 500 x 22 = 715 000$ que j’actualise à un taux de 6% = 286 000$ soit 56.2%

Pour le court terme, je placerai mes 94 000 $ en obligations court terme ou même en compte d’épargne car la stabilité est le facteur le plus important. Cela me rapportera environ 2% par an.

Pour le moyen terme, je placerai mes 128 000$ moitié en obligations à moyen terme et moitié en actions moins fluctuantes que la moyenne pour constituer une section équilibrée qui me donnera un rendement de quelque 4%.

Pour le long terme, j’investirai mes 286 000$ en actions de toutes sortes qui me donneront un rendement à long terme de l’ordre de 6%.

Le résultat sera une répartition globale de 69% (56,2% + 12,8%) en actions et 31% (18,5% + 12,5%) en obligations.

Voilà ce que notre réflexion et nos calculs suggèrent comme répartition logique le jour où nous prenons notre retraite, ceci en tenant compte de la phase de notre vie, de notre objectif (ou de nos objectifs) et de la durée de nos placements.

Après cet exercice de prise de conscience et de recherche d’objectivité et d’équilibre, posons-nous quelques questions qui pourraient nous faire modifier notre décision : les éléments subjectifs.

Si notre plan de répartition d’actif nous semble plus fluctuant ou plus risqué que ce que notre rythme cardiaque nous autorise, accroissons la portion d’obligations…  sans oublier que le rendement à long terme en sera diminué.

  • Avant la chute et quand tout va bien :

Plus le potentiel de croissance à long terme est élevé, plus les fluctuations à court terme seront fortes. Pour obtenir un rendement plus élevé à long terme, sommes-nous prêts à voir notre portefeuille d’investissement subir parfois une baisse brutale comme en octobre 1987 (un jour – 25%) ou octobre 2008 (un mois – 30%) ?

  • Pendant la chute et quand tout va mal :

Si nous avons acheté des unités de fonds communs de placement en actions et que leur valeur baisse de 25% en quelques mois, comment réagissons-nous ? Nous vendons tout ? Nous conservons tout ? Nous en achetons encore plus ?

Notre réponse « cardiaque » sera-t-elle identique à notre réponse « logique » ?


Jean Dupriez, LL.L., DAE., Pl. Fin., est planificateur financier et membre de l’Association des MBA du Québec. Auteur de deux ouvrages, Le classement des documents personnels (2002) et Savoir choisir son conseiller financier (2010), il s’exprime régulièrement sur les enjeux de la profession dans son blogue sur Conseiller.ca.