Wall Street : sexisme et machisme à tous les étages

Par La rédaction | 12 mai 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture

Blagues sexistes, discrimination à l’embauche, CV annotés de considérations physiques, grossesses cachées… Le monde de la finance new-yorkais est non seulement opaque, mais d’un machisme certain, rapporte Madame Figaro.

À l’occasion de la sortie du livre Opening Belle, qui relate sous une forme romancée l’expérience de l’ex-courtière Maureen Sherry, l’hebdomadaire revient sur ce qu’a été sa vie professionnelle lorsqu’elle était employée à Wall Street vers la fin des années 1990.

Et ça commence fort, puisque pour son premier jour au sein de la banque d’affaires Bear Stearns, ses collègues masculins l’accueillent en remplaçant les rondelles de pepperoni de sa pizza par… des préservatifs!

« FAIRE LE DOS ROND »

La suite est à l’avenant, comme en témoigne son retour de congé de maternité : non seulement elle trouve son bureau et sa fonction occupés par un autre, mais ses confrères masculins meuglent sur son passage lorsqu’elle se rend à l’infirmerie tirer son lait, tandis que l’un d’eux trouve même amusant de boire celui qu’elle a entreposé dans le réfrigérateur du bureau.

Tout au long de ses onze années passées chez Bear Stearns, la jeune femme a ainsi dû « composer quotidiennement avec un cocktail de blagues salaces et autres anecdotes aussi obscènes que déplacées », déplore Madame Figaro. Le magazine y voit là « une triste illustration des limites auxquelles les femmes sont confrontées régulièrement au pays du machisme ordinaire, et qui, trop souvent, les privent d’une carrière analogue à celle de leurs homologues masculins ».

« À l’évidence, je ne travaillais pas dans une sorte d’amicale féminine où l’entraide et la compassion étaient de mise. Non seulement on ne se soutenait pas entre femmes, mais on préférait faire le dos rond et endurer plutôt que faire des vagues. On faisait partie d’une équipe. Et comme les membres d’une famille dysfonctionelle, on préférait garder nos petits secrets pour nous », résume Maureen Sherry.

C’est lorsqu’une jeune candidate à un poste dans la salle des marchés lui a demandé, en entrevue, comment étaient traitées les femmes dans le milieu, que la carapace qu’elle s’était créée au fil des années s’est lentement défaite. Non seulement Mme Sherry ne l’a pas avertie de ce qui l’attendait, mais elle a même détourné le sujet par une blague.

« Elle ne l’a pas avertie du fait qu’elle devrait éviter d’être trop sexy, qu’elle devrait cacher ses grossesses le plus longtemps possible, voire qu’il était plus prudent de ne pas mentionner le fait d’être mariée, qu’il ne fallait jamais, ô grand jamais, pleurer ou s’émouvoir publiquement d’un dessin d’enfant. Que, que, que… Pour la cohésion de l’équipe, cette diplômée de l’université de Cornell a passé sous silence que les CV féminins étaient annotés de considérations sur le physique des postulantes », relate Madame Figaro.

LE RÈGNE DE L’OMERTÀ

Face à cette situation, les banques disposent cependant de « plusieurs armes efficaces pour faire régner l’omertà », relève Madame Figaro. La principale est le formulaire U4, « un document que chaque jeune recrue signe à l’embauche, et qui stipule que tout conflit interne doit se régler à l’intérieur des murs de l’entreprise ».

« C’est très pernicieux, admet Maureen Sherry, car, en général, vous êtes tellement contente d’avoir le job que vous ne vous inquiétez pas de la portée, à long terme, d’avoir signé un tel papier. » Et si par hasard une femme a le courage de se plaindre aux ressources humaines des agissements de ses collègues, il est courant qu’elle se voie proposer un chèque, assorti d’une clause de non-divulgation.

Les femmes du secteur de la finance gagnent en moyenne 20 % de moins que les hommes six à huit ans après avoir fini leurs études, montre un sondage effectué l’an dernier par Bloomberg auprès des diplômés des meilleurs MBA américains. De même, celles qui sont issues de la Business School de Columbia University et qui travaillent à Wall Street perçoivent environ 40 % de moins que leurs homologues masculins.

RECOURS COLLECTIFS

Malgré tout, les temps changent, notamment parce que les jeunes femmes sont aujourd’hui moins enclines à supporter cette situation, relève Madame Figaro, qui souligne que les recours collectifs se sont multipliés ces dernières années aux États-Unis. En 2013, Bank of America a par exemple été condamnée à indemniser quelque 5 000 femmes pour un montant de 39 millions de dollars. Et quelques années plus tôt, Morgan Stanley avait elle aussi dû verser 100 millions à plusieurs centaines de ses employées pour « discrimination sexiste ».

Selon le magazine, de plus en plus de femmes, excédées par le machisme ambiant de la finance américaine, choisissent de créer leur propre structure. C’est ce qu’a fait Maureen Sherry, qui a fini par démissionner, mais sans accepter de chèque afin de rester libre de sa parole.

La rédaction vous recommande :

La rédaction