Retour sur les 20 dernières années du conseil financier

1 juin 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La publication sœur de Conseiller, Advisor’s Edge, a 20 ans cette année. On peut lire dans son tout premier numéro, paru en juin 1998, des phrases comme :

«Plus que des produits de placement, ce que le client fortuné veut vraiment, ce sont vos conseils.»

«La prochaine génération de clients, loin de suivre aveuglément vos conseils, cherchera plutôt un deuxième avis.»

On jurerait entendre nos contemporains, non? Normal, ces commentaires sont revenus souvent depuis la naissance du magazine.

Cela dit, si nous avons été témoins de profonds bouleversements, le plus important d’entre eux est sans doute la façon dont les clients perçoivent le rôle du conseiller et la place qu’il occupe dans la grande variété d’options qui s’offrent à eux. Pour jeter un éclairage avisé sur l’état de la situation actuelle, nous avons recueilli le témoignage de quatre acteurs de premier plan qui ont marqué notre industrie ces vingt dernières années et la jeune histoire du magazine Advisor’s Edge, tout comme celle de Conseiller.

Ces entretiens ont été édités et condensés.

Glorianne Stromberg

Avocate spécialisée en valeurs mobilières, commissaire de la CVMO (1991‑1999) et auteure de deux rapports importants (janvier 1995, octobre 1998).

«Le retour de Stromberg», claironnait le tout premier numéro d’Advisor’s Edge.

À l’époque, l’industrie attendait avec impatience l’entrée en fonction de Me Stromberg à la tête de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, dans la foulée de son premier rapport de 1995 suivi d’un autre en 1998, deux documents ayant inspiré la réglementation encadrant la prestation de conseils financiers – quoique pas suffisamment, déplore-t-elle aujourd’hui.

Advisor’s Edge: Êtes-vous satisfaite de la vitesse à laquelle la réglementation évolue? Glorianne Stromberg: C’est d’une lenteur extrême. Plusieurs obstacles freinent les organismes de réglementation, qui multiplient les études, écoutant les mêmes arguments sans jamais rien régler. Les solutions sont pourtant simples, mais les organismes de réglementation préfèrent tendre l’oreille à l’industrie au lieu de se préoccuper de l’intérêt de l’investisseur.

AE Quel est le rôle du conseiller en services financiers aujourd’hui? GS De nos jours, l’investisseur n’a pas besoin d’un vendeur, car il a déjà accès facilement à des principes d’investissement avisés, notamment grâce aux FNB.

S’il veut rester dans la course, le conseiller doit offrir plus que des produits et fournir des conseils touchant toutes les sphères du quotidien, comme je le préconise depuis vingt ans.

AE En 1998, vous invitiez déjà les conseillers à adopter «l’approche axée sur le client et ses besoins». GS Cette approche est toujours d’actualité. À l’instar des fonds communs de placement, le conseiller traditionnel risque de tomber en désuétude.

Au vu des innombrables solutions très variées et très avantageuses sur le marché actuel, j’ai du mal à m’expliquer l’immobilisme de l’investisseur ces vingt dernières années. On a beaucoup parlé d’informer les épargnants, mais je ne suis pas certaine que les efforts en ce sens comblent les besoins, et c’est décourageant.

AE Dans ce cas, définissez le rôle du conseiller idéal. GS Analyser les besoins, les objectifs et les défis du client, puis l’aider à prendre les meilleures décisions afin de réaliser ses objectifs. Et les placements n’en sont qu’une partie. Dans bien des cas, il faut commencer par rembourser ses dettes, mettre de l’argent de côté dans un fonds d’urgence ou cotiser à un régime enregistré d’épargne-retraite.

Un bon conseiller est celui qui parvient à convaincre le client d’adopter une stratégie de planification financière le plus tôt possible, ce qui lui laissera suffisamment de temps pour atteindre ses objectifs. Ce faisant, il l’aide aussi à aborder l’avenir plus sereinement.

AE Vous mettez la barre haute. GS Très haute. Personne ne prétend avoir toutes les réponses. Seulement, le conseiller d’expérience doit être capable de guider son client. Et cela soulève la question de la rémunération. À l’évidence, lorsqu’il endosse ce rôle, le conseiller ne reçoit aucune commission, contrairement à celui qui se contente de vendre des produits.

AE Quel régime de rémunération préconisez-vous? GS Dans ma profession – je suis avocate spécialisée en valeurs mobilières – on facture les conseils à un taux horaire, donc en honoraires. Personnellement, je préfère la rémunération à l’acte. D’ailleurs, je trouve déplorable que les honoraires prohibitifs dissuadent les investisseurs de faire appel à un avocat. Les conseillers en services financiers doivent être plus avisés et fixer des tarifs raisonnables. Je n’ai pas la réponse exacte. Tout ce que je sais, c’est que le système actuel désavantage l’investisseur et qu’il faut trouver une meilleure façon de procéder.

AE Comment s’assurer que le conseiller agisse dans l’intérêt du client? GS La réponse à cette question relève du mode de fonctionnement de l’industrie. Cette tâche incombe au courtier, car c’est lui qui supervise le conseiller.

Malheureusement, dans notre système judiciaire, lorsqu’il y a des preuves d’actes répréhensibles, seul le conseiller fait l’objet de sanctions disciplinaires. Le courtier n’est presque jamais tenu responsable. C’est ce qui devrait changer. Cela dit, peu importe le système en place, il faut quand même assurer la surveillance, ce qui n’est pas toujours aisé dans une industrie composée d’autant d’intervenants.

AE Vous en parliez déjà en 1998. GS Qui aurait cru qu’on en parlerait encore vingt ans plus tard?

AE Je vous cite: «Il faudrait une structure réglementaire commune pour régir toutes les formes de gestion collective d’actif.» Avez-vous changé d’avis? GS Non. Sauf qu’il faudra compléter cette structure avec, par exemple, une norme assurant d’agir au mieux des intérêts du client.

AE Gardez-vous espoir de voir un changement se produire un jour? GS Il faut garder espoir.

Le comité directeur chargé d’évaluer la pertinence de mon rapport a conclu qu’il fallait mettre en œuvre mes recommandations et continuer à chercher des solutions. Un plan de travail est né de cette constatation.

Le travail continue et je suis probablement la seule personne à l’avoir suivi depuis le début. Les choses ont évolué, mais il reste encore beaucoup à faire pour régler les problèmes initiaux.

Il y a déjà plusieurs années, durant une assemblée de l’industrie, je me souviens d’avoir été étonnée par deux jeunes au début de la vingtaine qui disaient avoir commencé à planifier leur avenir financier, chose rare à l’époque. Je pense que les jeunes d’aujourd’hui y accordent plus d’attention. Ils remettent les choses en question et s’informent davantage avant de prendre une décision. La génération Z portera sans doute le changement, qui doit absolument venir de la base et non du sommet.

Jim Rogers, RFP, CFP, ChFC, AVA

Fondateur du cabinet Rogers Group Financial, ex-président de la CAIFA (devenue Advocis) et de Million Dollar Round Table’s Top of the Table.

Ce n’est pas d’hier que Jim Rogers milite pour la professionnalisation de la planification financière hors Québec. Déjà, au milieu des années 1980, il obligeait tous les conseillers de son cabinet à posséder au moins un des titres reconnus dans l’industrie. D’ailleurs, son leadership lui a valu de nombreuses distinctions, dont le tout premier Prix d’excellence soulignant une carrière exceptionnelle décerné par le magazine Advisor’s Edge (2001). M. Rogers a pris sa retraite en 2009 et son cabinet, qui se nomme désormais RGF Integrated Wealth Management, a entamé un nouveau chapitre de son histoire.

Advisor’s Edge : Comment souhaitez-vous voir la réglementation évoluer dans les prochaines années? Jim Rogers : Il faudrait donner le pouvoir de réglementer toutes les professions de la finance à un seul et même organisme.

Bien qu’ils soient nombreux, les organismes de réglementation ne couvrent pas tous les angles. Par exemple, si je suis agréé pour la vente de fonds communs de placement et que je n’aime pas la phase2 du Modèle de relation client-conseiller (MRCC2), j’ai beaucoup de choix. Bien des produits financiers n’ont pas les mêmes exigences, comme l’assurance, et c’est pourquoi beaucoup de professionnels possèdent les deux titres. Je pourrais décider de laisser tomber les fonds communs de placement et me tourner vers l’assurance vie et la vente de fonds distincts.

J’ajouterais que le conseiller doit assumer la responsabilité fiduciaire, au même titre que l’avocat et le comptable. C’est le niveau de responsabilité qu’il faut atteindre.

Il importe aussi d’avoir une indépendance authentique. Autrement dit, pour être vraiment impartial, le conseiller doit pouvoir choisir parmi une très vaste sélection les produits financiers qu’il recommande.

AE Quelle est votre définition d’un bon conseiller? JR Il commence par remettre à chaque client une lettre d’engagement dûment datée qu’ils signent tous les deux. Cette lettre devrait détailler:

  • l’expérience du conseiller, ses diplômes et ses titres professionnels;
  • les services offerts (recommandations écrites, mises à jour périodiques);
  • la fréquence des relevés détaillant les honoraires versés au conseiller ou au cabinet pour une période donnée.

Celui qui se présente comme un conseiller indépendant devrait aussi se demander s’il l’est vraiment. Si la majorité de ses revenus proviennent tout le temps de la vente des mêmes produits financiers, c’est un peu embêtant. Cela risque de mettre un employeur, un courtier ou un client en situation de conflit d’intérêts. Il serait donc impératif de spécifier ses sources de revenus dans la lettre d’engagement.

Idéalement, chaque conseiller se fait un devoir d’informer par écrit tout client potentiel qu’il fait affaire avec un fournisseur de produits offrant un programme incitatif, ou qu’il a des objectifs de vente à atteindre pour payer sa part des frais administratifs et généraux, ou de tout autre conflit d’intérêts potentiel. Enfin, il devrait s’engager auprès du client à répondre honnêtement à toutes les questions sur les frais demandés et sa rémunération.

AE Avec tous ces défis, comment faites-vous pour recruter de nouveaux conseillers? JR Laissez-moi vous parler de notre approche à l’époque où j’étais encore actif chez Rogers Group Financial, où nous avions de la difficulté à recruter. Pensons aux services professionnels, d’un cabinet comptable, par exemple. J’embauche un jeune fraîchement agréé et, pour le garder dans mon équipe, j’investis dans son cheminement professionnel. Je le jumelle avec un mentor, un comptable expérimenté, qui lui confie toutes sortes de tâches, qu’il accomplit avec diligence. En contrepartie, je lui verse un salaire et parfois aussi une prime, lorsque les dossiers auxquels il travaille donnent de bons résultats.

Si j’applique cette approche à l’embauche d’un conseiller novice, je lui donne la possibilité d’apprendre à bien connaître les clients en travaillant aux côtés d’un mentor. Tous deux peuvent dès le départ s’entendre sur les modalités de rachat des dossiers de clients ou du transfert d’une partie de la clientèle seulement. À mon cabinet, tout ça était financé à l’interne. Nous prêtions même l’argent à ceux qui préféraient acheter tout un volume d’affaires.

Pour demeurer indépendant, il faut investir dans les gens et cesser de compter sur le financement des compagnies d’assurance, des sociétés de fonds communs de placement ou des maisons de courtage.

Cynthia Kett, CPA, CGA, CA, CFP (fellow du FPSC), RFP, TEP

Directrice, Stewart & Kett.

Cynthia Kett est une pionnière de la rémunération à l’acte, comme en témoigne sa firme, Stewart & Kett, fondée en 1996 selon le modèle d’autres professions libérales. Membre du comité de rédaction d’Advisor’s Edge depuis octobre 2003, elle offre un point de vue éclairé sur l’industrie.

Advisor’s Edge: Au cours des vingt dernières années, comment le rôle du conseiller a-t-il évolué? Cynthia Kett: Avant, les gens voyaient les conseillers en placement ou en assurance principalement comme des vendeurs de produits animés par leurs seuls objectifs de vente. Et je dois admettre que c’était le cas de la plupart à l’époque.

Ce n’est plus vrai aujourd’hui, parce que les clients ont accès à une foule d’informations sur le Web et se tournent vers nous pour y voir plus clair. Ils veulent se faire expliquer comment utiliser cette information pour prendre des décisions. Ils comptent sur le conseiller pour les aider à trier ce flot d’information et pour trouver ce qui correspond à leurs besoins.

AE Quelles compétences le conseiller devrait-il cultiver dès le début de sa carrière? CK La barre est beaucoup plus haute aujourd’hui. Le niveau d’expertise et de responsabilité est plus élevé. Je recommande à chaque conseiller de faire de la formation continue pour combler ses lacunes ou se perfectionner dans un domaine et aussi pour se tenir à jour.

Je suggère également de saisir toutes les occasions de perfectionnement: de la gestion de la trésorerie ou du risque aux stratégies fiscales en passant par la planification financière et successorale, sans oublier la planification des revenus de retraite. Sans devenir un expert dans tous ces domaines, le conseiller doit en avoir une bonne connaissance et pouvoir en parler.

Il devrait également connaître les limites de ses connaissances. Peut-être s’estime-t-il suffisamment outillé pour accomplir son travail.Sinon, il devrait envisager de se perfectionner.

Sur le plan des compétences générales, l’écoute est encore plus importante qu’avant. Il faut parfois savoir prêter l’oreille, surtout en période de vente, où il est facile de passer plus de temps à parler du produit et de soi-même, alors que le client veut qu’on l’écoute, qu’on comprenne ses besoins et qu’on le rassure. C’est impératif.

Il faut surtout être ouvert au changement, ce qui est plus facile à dire qu’à faire.

Enfin, un bon conseiller se soucie avant tout du client. D’ailleurs, je cite souvent ce dicton: «Les gens s’intéressent à ce que vous dites à partir du moment où vous vous intéressez à ce qu’ils vous disent.»

AE Difficile de légiférer sur la capacité de se préoccuper du client. CK Oui, mais on fait des progrès. On avance dans la bonne direction, notamment avec la transparence des frais.

Larry Bathurst, Pl. Fin., AVA

Associé à Planex Solutions financières et ancien président du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ).

Travaillant dans l’industrie québécoise des services financiers depuis près de 40ans, Larry Bathurst a été un témoin privilégié de son évolution. Relation avec les clients, réglementation, technologie: les changements ont été rapides et multiples, parfois bénéfiques, souvent déstabilisants. Comment être un meilleur professionnel dans ces conditions? Le conseiller partage ses réflexions.

Conseiller: Qu’est-ce qui a changé le plus dans l’industrie dans les dernières décennies? Larry Bathurst: Le consommateur a plus de difficulté à comprendre l’industrie depuis les 30 dernières années, surtout en assurance de personnes. Il y a 40ans, il existait deux statuts de professionnels: l’agent d’assurance, exclusif à une entreprise, et le courtier d’assurance, qui représentait plusieurs entreprises.

Dans les années 1990, le projet de loi 134 est venu modifier les titres professionnels et la distribution. Les termes «agent» et «courtier» ont disparu et ont été remplacés par «conseiller en sécurité financière». Le consommateur ne sait donc plus s’il fait affaire avec un exclusif ou un indépendant.

C’est ce qui est en train de se produire avec le projet de loi 141, dans lequel le conseiller est appelé «représentant». Je ne me considère pas comme un représentant, je ne représente aucune entreprise en particulier. Mais quelqu’un qui travaille exclusivement pour une institution financière l’est.

On ne réussit pas à clarifier les titres professionnels, aucun gouvernement n’a voulu s’y attaquer. En ce qui a trait à la distribution, j’ai l’impression que les règles sont dictées par et pour les institutions financières.

De plus, avant la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), adoptée en 1998, une institution financière ne pouvait être actionnaire de plus de 20% d’un cabinet d’assurance de personnes. Cette règle a été abolie avec la LDPSF. Depuis, plusieurs cabinets indépendants se sont fait acheter par les assureurs et les banques.

Le consommateur en ressort perdant. Lorsque le cabinet se fait acheter, le client ignore que son courtier n’est désormais lié qu’à un seul assureur. Cette réforme aussi semble favoriser davantage les institutions financières que les consommateurs.

C Justement, que pensez-vous des changements réglementaires des 20 dernières années? LB S’il reste des lacunes au chapitre de la distribution, du côté de la déontologie et de la conformité, les changements ont été très positifs et nécessaires, tant pour le consommateur que le conseiller. Les autorités en valeurs mobilières ont pris les devants, par exemple avec l’abolition des concours de vente dans l’industrie des fonds communs.

L’évolution réglementaire reste cependant encore lente dans le domaine de l’assurance de personnes. Par exemple, pourquoi les concours de vente y sont-ils encore permis? C’est inconcevable, ça n’a plus sa place dans l’industrie.

Il est certain que toutes les nouvelles normes alourdissent notre travail. Il s’est développé une industrie de la formation continue et ces cours coûtent cher. Mais tu es un professionnel ou tu ne l’es pas. Avoir le privilège de conseiller des clients vient avec des frais. Et l’obligation de formation a permis de mettre fin à certaines pratiques douteuses.

S’il y a un raté, à mon avis, c’est le MRCC2. Je suis en faveur de la divulgation des frais, mais le MRCC2 ne force à révéler que la rémunération liée au conseil et au courtage, pas ce qui va à la firme de gestion.

C’est dommage, car les clients pensent qu’ils paient 1% de frais, alors qu’ils en versent en réalité 2%, par exemple. Et les fonds distincts ne sont pas visés par le MRRC 2. Ils le seront peut-être dans une troisième phase, qui sait? Reste que le MRCC2 a exercé une pression à la baisse sur la facture du consommateur depuis plus d’un an, ce qui lui est bénéfique.

C Qu’est-ce qu’un «excellent conseiller»? LB Je pourrais nommer toutes les qualités qu’un conseiller doit avoir: l’écoute, l’empathie, l’efficacité, etc. Mais le credo de toute ma carrière, ça a été d’agir en fonction de ce qui est le mieux pour le client. Ce n’est pas d’élaborer des stratégies ou de vendre quelque chose. C’est d’ailleurs une obligation selon notre code de déontologie.

C Comment faites-vous pour privilégier le client? LB Il faut connaître exactement ses objectifs et ses besoins. Cela prend également une approche intégrée, pas en silo, par exemple en ne se concentrant pas que sur la vente de REER. Prenons un client de 20-30ans qui veut s’acheter une maison dans deux ans. Si je lui offre un placement qui comporte des frais de sortie parce que c’est plus payant, quand il voudra acheter sa demeure, il ne sera pas content…

C Comment réussir à bien cerner les besoins des clients? Certains ont parfois du mal à les communiquer… LB J’utilise un questionnaire beaucoup plus détaillé que le profil d’investisseur, qui amène les épargnants à réfléchir à plusieurs aspects de leur vie: ont-ils des enfants, en désirent-ils, veulent-ils devenir propriétaires, etc. Le questionnaire permet de cerner les objectifs prioritaires. Ce n’est qu’après que je détermine quels produits financiers répondent à ces buts.

C Voyez-vous l’arrivée des conseillers-robots comme une menace? LB Ceux qui existent actuellement ne sont que des algorithmes qui analysent des portefeuilles. Ça ne me touche pas vraiment, car le conseil est beaucoup plus que de la gestion de portefeuille, on ne peut pas le robotiser. C’est d’ailleurs cet aspect du métier qui m’a fait rester dans l’industrie. Si la technologie me permet de passer moins de temps sur le volet technique et de faire plus de conseil, je suis heureux.

C Les clients voient-ils le rôle du conseiller différemment d’il y a 20ans? LB Il y a deux types de clients: ceux que je sers depuis plusieurs années et les nouveaux. Les premiers ont vu mon rôle gagner en importance au fil du temps. Par exemple, une de mes clientes, âgée de 80ans, veut déménager plus près du domicile de sa fille. Elle m’a récemment appelé pour savoir si elle devait louer ou acheter un condominium. Il y a 20ans, les clients ne pensaient pas à communiquer avec nous pour avoir ce genre de conseils.

Aux nouveaux clients, surtout les jeunes, on doit expliquer notre rôle et pas de la même façon qu’avant. Beaucoup de boomers ont vécu l’insécurité financière quand ils étaient jeunes, ils sont sensibilisés à l’importance de limiter leur consommation. Les jeunes semblent avoir moins connu cette insécurité, ils sont donc moins conscients de la valeur de l’argent.

Ce sont davantage mes collègues qui s’occupent des jeunes clients, comme je suis en fin de carrière. Il faut une présence constante auprès d’eux, car leur vie change rapidement. Il faut les attraper au bon moment!

C Comment voyez-vous l’avenir du conseil? LB Nous vivons actuellement le déclin de l’empire du vendeur, du moins je l’espère. Cette catégorie de conseiller existe tant chez les autonomes que les employés d’institutions financières. Mais à cause du MRCC2, ils doivent désormais divulguer leur rémunération. Si tout ce que le client reçoit est un appel par année pour cotiser à son REER, il va trouver qu’il n’en a pas assez pour son argent… Alors qu’un professionnel qui offre du conseil pourra justifier les frais qu’il facture.

Le conseiller qui a une approche de gestion globale aura des occasions inestimables, à condition qu’il soit créatif dans son offre de services selon les préférences technologiques des clients. Par exemple, il arrive que je rencontre mes clients sur Skype plutôt qu’en personne.

Les conseillers qui en sont vraiment, qui conseillent, ont un avenir prometteur. En 40ans, j’ai vu des institutions financières et des compagnies d’assurance disparaître, se faire acheter, être fermées. Mais à travers toutes ces années, un élément est toujours resté: le conseiller en services financiers.


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2018 de Conseiller.