Retraite : comment survivre à son argent

14 mai 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Beaucoup de nouveaux retraités mal préparés à vivre leurs vieux jours angoissent à l’idée d’épuiser leur épargne-retraite de leur vivant. Ils n’ont aucune idée du montant qu’ils peuvent retirer chaque année de leur REER ou de leur FERR sans risquer de tarir leur capital.

À leur intention, le journaliste John Heinzl, du quotidien The Globe and Mail fournit quelques explications en ce sens.

« Une règle populaire veut qu’on limite à 4 % le maximum annuel à puiser dans son épargne », dit-il. Par exemple, une personne qui possède des actifs financiers de 1 million de dollars pourrait retirer 40 000 $ la première année sans mettre son coussin en danger. Si l’inflation est de 3 %, il pourrait sortir 41 200 $ l’année suivante, et ainsi de suite.

Cette règle du 4 % est basée sur les rendements historiques d’un portefeuille équilibré moitié-moitié entre des actions et des obligations. Des études démontrent qu’un telle ponction (rajustée chaque année à l’inflation) permet, en théorie, de faire durée son capital durant 30 ans. Une personne de 65 ans pourrait ainsi compter sur ses propres moyens jusqu’à l’âge de 95 ans.

L’ennui, c’est que la règle du 4 % tient pour acquis que les conditions du marché évoluent de manière linéaire, sans soubresaut. Évidemment, la réalité est tout autre. Les personnes qui ont pris leur retraite en 2008, juste avant l’effondrement boursier, ont dû revoir leurs calculs.

Des analyses plus poussées sur la « survivance » de l’épargne-retraite arrivent à des conclusions différentes. Les chercheurs ont examiné trois types de portefeuilles : prudent (20 % actions, 80 % obligations), équilibré (50 %-50 %) et de croissance (80 % actions, 20 % obligations). Ils ont aussi pris en compte des « périodes de prélèvement » variant de 10 à 40 ans. Par exemple, une personne qui part à la retraite à 55 ans avec une espérance de vie de 95 ans a une période de prélèvement de 40 ans. Ils ont également considéré deux facteurs de réussite de leurs scénarios (75 % et 85 %).

Résultat ? Eh bien, un retraité qui dispose d’un portefeuille prudent et dont la période de prélèvement se chiffre à 35 ans a 85 % de chances d’avoir assez d’argent de son vivant s’il retire 3,5 % de son capital chaque année.

À l’inverse, celui qui a un portefeuille de croissance et une période de prélèvement de 10 ans a 75 % de chances de survivre à son épargne-retraite s’il sort 11 % de son capital chaque année.

Attention, prévient John Heinzl. Dans le premier cas, le scénario proposé a 15 % de chances de ne pas se réaliser. Dans le second, cette probabilité monte à 25 %. Les risques d’erreurs sont donc bien réels.

Enfin, des observateurs pragmatiques, comme l’auteur américain William Bernstein, trouve que ces calculs demeurent très théoriques. M. Bernstein préfère partir du principe qu’un portefeuille équilibré rapporte en moyenne 2 % par année, inflation incluse. Par conséquent, un retraité qui retire 2 % de son capital chaque année s’en tirera sans trop de difficulté. Des retraits de 3 % devraient « être assez sûrs ». Mais, à partir de 4 %, ce retraité commence à jouer avec le feu, estime-t-il.

Selon lui, les probabilités d’épuiser une épargne-retraite de son vivant avec un retrait annuel de 4 % rajusté à l’inflation sont de 20 %. Mais dès qu’on fait passer ce retrait à 5 %, ce risque passe dans une fourchette se situant entre 30 % et 50 %.

Pince sans rire, William Bernstein a confié à John Heinzl le secret pour ne pas faire de l’urticaire avec ces histoires de survivance du capital : travailler le plus longtemps possible et économiser le plus possible !