Verser des commissions: pour ou contre?

16 août 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Qui doit payer les conseillers? Le client, la société de fonds communs ou la compagnie d’assurance qui développe les produits de placement? La Grande-Bretagne et l’Australie ont déjà tranché la question.

Au Canada, bien que de nombreux conseillers facturent des honoraires, les commissions de suivi sont encore nombreuses. Et que faut-il penser du devoir fiduciaire du conseiller? Steven G. Kelman, auteur de plusieurs livres et de cours offerts par l’Institut des fonds d’investissement du Canada, dit ce qu’il en pense à Morningstar. Voici un résumé de ses propos.

Ailleurs dans le monde

Au début d’avril, la Grande-Bretagne annonce le bannissement prochain des commissions versées aux conseillers qui vendent des produits de placement sur son territoire (en vigueur vers la fin 2012). En mai dernier, c’est l’Australie qui emboîte le pas. Dès juillet 2012, toute forme de paiement basée sur un volume de vente sera interdite au pays des kangourous. Grosso modo, les conseillers de ces deux pays seront payés sur une base d’honoraires, facturant au client un pourcentage des actifs sous gestion ou un tarif horaire.

Ces mesures visent essentiellement à redonner confiance aux investisseurs envers l’industrie des services financiers. L’objectif étant d’offrir des conseils impartiaux pour toute la gamme de produits de placement. On discute désormais en termes de « facturation des conseils ». L’Australie propose même que les conseillers aient une obligation fiduciaire prescrite d’agir au mieux des intérêts des clients.

Au Canada

Comme les conseillers en placement, beaucoup de planificateurs financiers canadiens facturent déjà leurs activités sous la forme d’honoraires pour services rendus, constate M. Kelman. « Certains courtiers offrent une option d’honoraires pour services rendus pour les investisseurs plus importants. Même les sociétés de fonds communs de placement offrent des catégories de fonds — appelées séries F — qui ne versent pas de commissions de suivi et sont conçues pour les investisseurs qui paient sur une base d’honoraires. »

Cependant, la plupart des acheteurs de fonds communs et distincts paient une commission à leur conseiller au moment de l’achat. Celle-ci est basée sur un pourcentage du montant investi ou encore, ils paient des frais de rachat à la société de fonds (s’ils revendent leurs parts avant le délai prescrit). « Et dans ce dernier cas, la société de fonds a payé une commission au courtier qui a effectué la vente », rappelle le président de Steven G. Kelman & associés.

Il faut ajouter à cela les commissions de suivi versées par les fonds qui oscillent entre 0,5 % et 1 % pour les fonds vendus avec des frais à l’acquisition ou au rachat (fonds d’action). N’oublions pas que ces commissions de suivi sont versées aussi longtemps que l’investisseur conserve ses parts. Bien sûr, ces frais sont inclus dans le ratio de frais de gestion pris en charge par l’investisseur.

Selon M. Kelman, l’Australie songe à instaurer une obligation fiduciaire statutaire où les conseillers financiers devront faire passer les intérêts de leur client avant les leurs. Ce dernier est convaincu que les investisseurs, chez nous, présument déjà que leur conseiller est soumis à des obligations fiduciaires semblables. Or, il fait le pari que les avocats canadiens « débattront du contraire, en faisant remarquer que cela dépend du niveau de dépendance du client envers son conseiller ».

Achat d’actifs par endettement

L’Australie interdira aux conseillers de facturer des frais basés sur un pourcentage des actifs lorsque ces derniers ont été acquis par endettement. Les autorités australiennes affirment que cette mesure cible les conflits d’intérêts existant lorsqu’un conseiller « est incité à recommander des placements plus importants pour augmenter les fonds sous gestion, donc les frais facturés », explique M. Kelman.

Cette pratique est pourtant tolérée au Canada. Chez nous, il suffit de divulguer les risques encourus si l’on emprunte pour investir. Mais le Canada n’est pas l’Australie ou la Grande-Bretagne, rappelle l’analyste financier agréé (CFA).

Déjà en 1995, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a publié un rapport qui a eu un impact majeur sur la rémunération des conseillers. Ce rapport a permis d’établir un nouveau code sur les ventes pour les sociétés membres de l’IFIC. En 1998, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont mis fin à plusieurs pratiques jugées douteuses par certains, grâce à la Loi 81-105.

La mise en œuvre de cette nouvelle rémunération en Australie et en Grande-Bretagne retiendra l’attention des autorités canadiennes et par le fait même des conseillers chez nous. Quelles seront les conséquences pour les conseillers et les investisseurs d’interdire la rémunération basée sur des commissions? Par exemple, termine M. Kelman, qui voudra offrir des services aux investisseurs qui ont des montants relativement modestes à investir? Il doute que les personnes qui n’ont que quelques milliers de dollars à investir soient disposées à payer pour un examen financier détaillé.

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Saskia Ouaknine

Rédactrice adjointe, Conseiller.ca