Votre client a des droits REER inutilisés importants?

Par David Truong | 13 juin 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Si votre client a des droits REER inutilisés, vous pourriez lui proposer de prendre la liquidité, d’augmenter les versements périodiques ou même de faire un prêt REER. Mais avant de mettre quoi que ce soit en place, il serait mieux d’en trouver la cause. Est-ce que le client n’avait pas les liquidités pour contribuer annuellement au REER? Qu’en est-il de la déduction? Est-ce que le prêt REER va régler son problème dans le futur?

Le prêt REER est en effet une solution qui comble les droits REER rapidement, mais il faut faire attention aux projections. Prenons par exemple un droit REER inutilisé de 50 000 $. En faisant un prêt REER du même montant avec un taux d’impôt de 45 %, nous obtenons un remboursement d’impôt de 22 500 $ qui pourrait être appliqué contre le prêt. Avec un taux d’emprunt de 5 % et un terme de 10 ans, nous obtenons des mensualités de 291,68 $, et la valeur future du REER serait de 81 444,73 $.

Si au lieu du prêt REER, on mettait les mêmes mensualités de 290,19 $ dans un REER, nous obtenons 43 799,70 $ après 10 ans. Bien que la rentabilité semble plus élevée avec le prêt REER, ce n’est malheureusement pas le cas.

L’explication de cette illustration erronée repose principalement sur le remboursement d’impôt qui est appliqué sur l’emprunt initial dans le cadre du prêt REER tandis qu’aucun remboursement d’impôt n’est considéré lorsque l’on fait de l’épargne systématique.

Pour mieux illustrer la comparaison du prêt REER, il faudrait cotiser le remboursement d’impôt en plus de l’épargne systématique dans le REER. Plus spécifiquement, nous cotiserons au REER une mensualité équivalente de 527,62 $, soit 290,19 $ plus le remboursement d’impôt de 45 %. Toutefois, l’effort de cotisation reste identique à celui du prêt REER, même si la mensualité était plus élevée. Par conséquent, nous obtenons la même valeur future REER avec ou sans prêt REER.

Cependant, l’épargne systématique implique d’utiliser plus de droits REER inutilisés avec le temps que le prêt REER. Dans le même exemple, l’épargne systématique utilise 63 314 $ tandis que le prêt REER utilise seulement 50 000 $.

Donc, lorsque le taux d’emprunt est identique au taux de rendement, il n’y a aucune différence entre le prêt REER et l’épargne systématique. Mais lorsque le taux de rendement est plus élevé que le taux d’emprunt, il y a un avantage financier à utiliser le prêt REER pour profiter du rendement composé. À l’opposé, il serait mieux de privilégier l’épargne systématique.

Donc, le prêt REER est une stratégie qui implique un effet de levier. Et les investisseurs visés devraient être ceux ayant une tolérance au risque élevée qui sont en mesure de rembourser le prêt rapidement.  Sinon, l’investisseur serait mieux de privilégier l’épargne systématique dans son REER.

Il existe toutefois d’autres considérations qualitatives qui pourraient remettre en question la stratégie du prêt REER outre l’argumentaire du prêt de levier. Voici un résumé des différentes considérations de mon collègue Daniel Laverdière dans un article qu’il a rédigé dans le magazine La Cible de l’IQPF :

  • REER ou CELI: est-ce mieux de cotiser dans le CELI ou le REER considérant la situation du client? Est-ce que son taux effectif marginal d’imposition (TEMI) est plus faible au retrait des sommes?
  • S’assurer que l’opération est rentable : si le rendement attendu est plus faible que le taux d’emprunt, il n’y a aucun avantage à faire un prêt REER. Il serait mieux de favoriser l’épargne systématique.
  • Respecter son budget : puisqu’il s’agit d’un emprunt, il ne faut pas que le remboursement du prêt affecte l’équilibre budgétaire. Il est essentiel de se garder une marge de manœuvre pour faire face aux imprévus.
  • Calculer le risquede marché : considérant la volatilité des marchés, investir une somme importante sur le marché financier peut constituer un risque si une chute survient peu après l’investissement. L’opposé est aussi vrai dans un marché haussier, mais il est difficile de prédire le marché à court terme.
  • Optimiser les retombées fiscales: au lieu de réclamer la déduction REER dans une année complète, il serait peut-être plus avantageux de la répartir sur plus d’une année pour maximiser le remboursement d’impôt.

Par ailleurs, les intérêts sur le prêt REER ne sont pas déductibles. Et en faisant le prêt REER, le client ne doit pas se retrouver avec une bulle REER dans le futur.

En conclusion, le prêt REER peut être une solution envisageable, mais doit être bien illustré avec les différentes considérations. Dans la majorité des cas, il est peut-être plus simple d’en se tenir à l’épargne systématique au REER, mais on doit s’assurer que le remboursement d’impôt ne soit pas dépensé autrement….