Quelle est la prochaine étape pour l’ISSB ?

Par James Langton | 16 novembre 2023 | Dernière mise à jour le 15 novembre 2023
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Charday Penn / iStock

Après avoir publié l’été dernier des normes historiques en matière de divulgation d’informations sur le climat, qui visent à mettre fin à des années de cadres volontaires concurrents, l’International Sustainability Standards Board (ISSB) réfléchit à son avenir.

En juin, l’ISSB a publié deux normes mondiales d’information à l’intention des émetteurs publics. L’objectif est de s’assurer que les entreprises fournissent des informations relatives au développement durable en plus de leurs états financiers. L’ISSB prévoit de mettre en œuvre ces nouvelles normes pour les périodes de déclaration annuelles postérieures au 1er janvier 2024.

Une fois cette initiative réalisée, l’ISSB a mené une consultation sur son programme pour les deux années à venir, ce qui a suscité des centaines de réponses. Nombre de ces réponses recommandaient à l’ISSB de se concentrer d’abord sur la facilitation de l’adoption et de la mise en œuvre de ses normes initiales avant d’élaborer des normes pour de nouveaux domaines ou d’affiner ses normes initiales.

« La meilleure utilisation des ressources de l’ISSB est de soutenir la mise en œuvre [de ses deux premières normes] afin qu’elles puissent avoir un impact constructif sur les marchés de capitaux mondiaux », a déclaré Gestion mondiale d’actifs Scotia dans sa réponse à la consultation.

L’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) a approuvé les normes de l’ISSB et de nombreux organismes de réglementation des valeurs mobilières dans le monde sont susceptibles de les adopter en conséquence. Cependant, des efforts réglementaires concurrents et un rejet croissant de l’ESG posent un risque pour les divulgations obligatoires.

Le gestionnaire d’actifs Placements NEI, basé à Toronto, estime que malgré la demande mondiale d’informations ESG obligatoires et le consensus croissant sur le fait que ces exigences devraient s’aligner sur les normes de l’ISSB, « il n’est pas acquis que cela se produise réellement, ou que cela se produise efficacement ».

« La résistance croissante à l’investissement basé sur le développement durable et, plus récemment, aux exigences en matière d’information sur le développement durable, a conduit à des préoccupations plus larges sur le marché en ce qui concerne l’information présentée par l’ISSB », souligne NEI.

En plus de la réaction négative à l’égard de l’ESG, les normes de l’ISSB doivent faire face à la concurrence d’autres initiatives politiques mondiales. Dans son mémoire, l’Institut CFA mentionne les normes européennes de reporting sur le développement durable, qui « ont force de loi pour les entreprises européennes et pour celles qui font des affaires en Europe. Les normes de l’ISSB ne bénéficient pas de ce mandat législatif ou réglementaire ».

Selon l’Institut CFA, ce sont les exigences légales en matière de rapports qui détermineront les données que les entreprises collecteront et divulgueront. En attendant, « on ne sait pas exactement comment le paysage réglementaire va évoluer », même si l’OICV a approuvé les normes de l’ISSB et que les régulateurs se concertent sur leur adoption.

L’Institut CFA a laissé entendre que les normes de l’ISSB pourraient avoir du mal à s’imposer, étant donné qu’elles ne représentent pas encore un ensemble complet de normes de durabilité.

À ce stade, l’ISSB doit définir sa mission, affirme l’Institut CFA. « Nous pensons que l’ISSB a davantage besoin d’une vision de ce qu’il veut être à l’avenir et d’une feuille de route stratégique sur la manière dont il compte y parvenir, plutôt que d’une consultation sur les priorités des projets. »

Cette préoccupation a été reprise par CPA Canada, qui a déclaré dans son mémoire que, sans vision à long terme, il pourrait y avoir une réticence à adopter les normes de l’ISSB.

« L’ISSB devrait communiquer avec le plus de précision possible sur la finalité de son travail », a déclaré CPA Canada, en donnant notamment un aperçu de ce que pourrait englober la « série complète de normes d’information sur le développement durable spécifiques à un thème de l’ISSB ».

La consultation a également révélé un large éventail de points de vue sur les priorités de l’ISSB au-delà de la mise en œuvre de ses deux premières normes, bien que l’élargissement de ses normes soit une priorité absolue pour de nombreuses personnes.

Pour les autorités de régulation des marchés financiers qui s’inquiètent de l’écoblanchiment, des normes exhaustives sont indispensables.

L’Autorité européenne des marchés financiers a déclaré que la divulgation sélective des impacts ESG importants est l’une des causes de l’écoblanchiment. L’autorité de régulation a demandé à l’ISSB de développer des normes pour les sujets ESG qui ne sont pas couverts par les normes initiales « dès que possible ».

La Financial Conduct Authority (FCA) du Royaume-Uni a recommandé à l’ISSB de travailler sur des normes régissant les risques liés à la nature – utilisation de l’eau et des sols, pollution, consommation de ressources et perte de biodiversité – avant de passer aux risques sociaux, tels que les droits de l’homme et le travail.

« La science et la politique s’accordent sur la matérialité financière des informations de durabilité liées à la nature. Et un consensus des investisseurs similaire à celui qui s’est formé sur le changement climatique est en train de se cristalliser dans le domaine de la biodiversité », assure la FCA.

Pour commencer, l’autorité de régulation a recommandé de s’appuyer sur les travaux de la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD), basée au Royaume-Uni, qui a publié ses recommandations finales en septembre après deux ans d’élaboration.

La TNFD est une initiative de l’industrie visant à élaborer des recommandations pour l’évaluation et la communication de l’impact financier des risques liés à la nature, sur le modèle d’une initiative similaire axée sur les risques climatiques (la Taskforce on Climate-Related Financial Disclosures, dont les travaux ont servi de base aux normes de l’ISSB).

La FCA a déclaré que l’ISSB pourrait rapidement élargir ses normes afin de prendre en compte les risques liés à la nature tels que décrits par la TNFD, ajoutant que le lancement de ce processus pourrait inciter les entreprises à adopter volontairement les recommandations de la TNFD dans l’intervalle.

Toutefois, d’autres commentaires indiquent que l’ISSB devrait donner la priorité aux domaines dans lesquels moins de travail a été effectué par d’autres.

Le commentaire de BMO Gestion mondiale d’actifs suggère que l’ISSB laisse de côté le sujet des risques liés à la nature jusqu’à ce que les recommandations du TNFD aient été largement adoptées et qu’on leur ait laissé le temps de mûrir. BMO Gestion mondiale d’actifs a recommandé à l’ISSB de donner la priorité aux risques sociaux tels que les droits de l’homme et les questions de capital humain, y compris la diversité, l’équité et l’inclusion, les normes de travail dans la chaîne d’approvisionnement et le bien-être des travailleurs, que le gestionnaire d’actifs a mis en relation avec la biodiversité et les droits des peuples autochtones.

Le géant ontarien des retraites OMERS a également recommandé de donner la priorité aux risques sociaux, soulignant que l’on se rend de plus en plus compte que la gestion des effectifs peut directement affecter la capacité des entreprises à générer de la valeur. Bien que certaines normes aient été élaborées dans ce domaine, elles sont fragmentées et généralement limitées à des aspects spécifiques du risque social ou à certaines régions.

OMERS a suggéré à l’ISSB d’élaborer une norme qui « permette de combler ces lacunes et de fournir aux investisseurs une référence mondiale pour l’analyse de l’approche de la gestion du capital humain d’une entreprise, ce qui faciliterait les décisions d’investissement ».

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James Langton

James Langton est journaliste pour Advisor.ca et Investment Executive. Depuis 1994, il fait des reportages sur la réglementation, le droit des valeurs mobilières, l’actualité de l’industrie et plus encore.