Prévoir sa succession, un aspect négligé par les entrepreneurs

Par Anne-Marie Tremblay | 10 novembre 2023 | Dernière mise à jour le 8 novembre 2023
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Photo : Andriy Popov / 123RF

Au cours des dix prochaines années, 76 % des propriétaires de PME au Canada envisagent de céder leur entreprise. Cela représente 2 000 milliards de dollars d’actifs commerciaux qui changeront de main, estiment les plus récentes données de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

Toujours selon la FCEI, moins d’un propriétaire d’entreprise sur 10 (9 %) a prévu un plan formel de relève, rappelle Kevin Quach, vice-président, conseils en succession d’entreprise chez Gestion de patrimoine TD. « Plusieurs trouvent que c’est trop tôt parce qu’ils ne prévoient pas quitter leur entreprise de sitôt, alors que d’autres n’ont pas le temps de s’en occuper, observe le spécialiste. Certains craignent aussi que cela cause des conflits, dans le cas d’une entreprise familiale, par exemple. » 

Pourtant, les conséquences d’une mauvaise planification peuvent être coûteuses et engendrer beaucoup de stress, poursuit-il. « Contrairement aux salariés qui contribuent à leur retraite soit dans un fonds de pension ou dans un REER par exemple, l’actif le plus important pour les entrepreneurs, c’est souvent leur entreprise. Ils ont travaillé fort pour la bâtir. »

Planifier cette étape permet, entre autres, de s’assurer que les actifs de l’entreprise seront valorisés. « Il est possible d’aider les clients à comprendre ce que les acheteurs vont regarder, en matière d’états financiers, de contrats ou autres, pour ensuite travailler à maximiser cette valeur en vue de la planification de la retraite. » C’est aussi une des clés pour comprendre qui sont les éventuels acheteurs sur le marché et faire un choix éclairé ou pour planifier la relève au sein même de l’organisation.

PRÉVOIR LE PIRE

Pour bien protéger cet actif en cas de décès ou d’imprévu, il faut aussi y penser à l’avance, fait valoir Kevin Quach. « Un transfert d’entreprise, comme tout autre actif, peut venir avec des conséquences fiscales importantes. Pour une entreprise valant un million de dollars, sans planification, les impôts peuvent représenter jusqu’à 25 %, soit 250 000 $, donne-t-il en exemple. Cela peut être significatif. En s’y prenant à l’avance, certaines stratégies peuvent être mises en place. »

Par exemple, est-ce que le propriétaire de l’entreprise a couché ses dernières volontés sur papier ? « Au Canada, le testament peut permettre de transférer des actifs à un conjoint ou une conjointe en différant l’impôt, explique le spécialiste. C’est l’un des éléments qu’on va examiner. Sinon, il y a aussi l’exonération du gain en capital qui permet de réduire cette imposition au moment du transfert des actions d’une entreprise. Surtout au point de vue fiscal, il y a des éléments précis à respecter en termes de temps. » 

Les propriétaires d’entreprises qui prévoient se départir de leur actif devraient commencer à planifier ce changement de main, idéalement cinq ans et au minimum deux ans avant la transaction, pour avoir le temps d’établir les stratégies fiscales appropriées, explique-t-il. Or, il est aussi important d’y penser même si la vente n’est pas envisagée. « Le meilleur moment pour planifier, c’était hier. Le deuxième meilleur moment, c’est aujourd’hui », illustre Kevin Quach. C’est d’autant plus important qu’établir un plan de succession peut s’avérer complexe et donc, long. De plus, il faut souvent d’aller chercher l’expertise de plusieurs spécialistes pour couvrir tous les angles et optimiser ce plan. »

AVOIR UNE VISION GLOBALE

La planification de succession d’entreprises est un domaine relativement nouveau, mais les chiffres montrent à quel point les besoins sont importants et iront en grandissant dans la prochaine décennie. « Beaucoup de professionnels, comme des comptables et des avocats, peuvent aider, souligne le vice-président. Sinon, les institutions financières ont des spécialistes en planification de succession d’entreprise ou même en planification fiscale successorale. »

La planification de la succession de l’entreprise permet de prévoir à la fois le transfert des actifs et de la gestion de l’organisation, précise-t-il. « Dans un plan successoral, on analyse la situation de façon globale en prenant en compte tous les éléments pertinents. C’est vraiment du cas par cas. Cela permet de poser les bonnes questions, d’identifier les risques et les opportunités. » C’est aussi l’occasion de réfléchir à des questions comme la répartition des actifs au sein de la famille, au financement que de possibles acheteurs peuvent obtenir, de penser à son testament, au mandat d’inaptitude, à la convention d’actionnaires ainsi qu’à ses protections d’assurance. 

« Après cet exercice, on va aller chercher les experts dans chaque domaine pour intervenir au bon moment, afin qu’ils donnent les bons conseils pour que les entrepreneurs sachent ce qui va passer si jamais la succession de l’entreprise devait se produire demain », résume Kevin Quach. Des outils permettant d’assurer cette transition en douceur auxquels il faut réfléchir bien avant l’heure de sa retraite, insiste-t-il. 

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Anne-Marie Tremblay

Anne-Marie Tremblay est journaliste indépendante.